GUERRE CULTURELLE

Vers une université anti-woke

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Révolte contre la folie woke d'extrême gauche


(New York) En juillet 2020, la journaliste Bari Weiss est devenue une héroïne de la droite américaine en claquant la porte du New York Times. Dans sa lettre de démission, celle qui travaillait depuis 2017 dans les pages Opinions du prestigieux journal affirmait que « la curiosité intellectuelle » n’y était pas un atout, mais « un handicap ».


Au début de l’année, l’Américaine de 37 ans a rejoint d’autres journalistes en rupture de ban, dont Glenn Greenwald et Andrew Sullivan, sur la plateforme Substack. Elle y publie depuis une lettre d’information qui lui permet de s’exprimer en toute liberté (et de façon très lucrative) sur la censure, la culture du bannissement (cancel culture) et les autres dérives attribuées au « wokisme ».


Et, il y a une semaine, elle a créé la surprise en annonçant la fondation de la première université anti-woke, pour ainsi dire.





PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE BARI WEISS


Bari Weiss, ex-journaliste du New York Times





« Nous sommes fatigués de nous plaindre de l’échec de l’enseignement supérieur. Nous avons donc décidé de faire quelque chose. Nous annonçons une nouvelle université vouée à la recherche intrépide de la vérité : @uaustinorg », a-t-elle tweeté.





 




Son gazouillis était accompagné d’un lien menant à son compte Substack, où le premier président de l’Université d’Austin (ou UATX), Pano Kanelos, ancien président du collège St. John’s à Annapolis, signe un texte expliquant la raison d’être de l’établissement.




Ce n’est pas seulement que nous laissons tomber les étudiants en tant qu’individus ; nous laissons tomber la nation.



Pano Kanelos, premier président de l’Université d’Austin



« Notre démocratie est en train de s’effondrer, en grande partie parce que notre système éducatif est devenu illibéral et produit des citoyens et des dirigeants qui sont incapables de participer aux activités essentielles de la gouvernance démocratique et ne veulent pas le faire », écrit-il après avoir dénoncé le « harcèlement » qui a poussé des professeurs à quitter leurs universités.


Un Who’s Who de la critique de la gauche


La liste des administrateurs et conseillers fondateurs de l’Université d’Austin est un Who’s Who de la critique de la gauche américaine et de la façon perverse dont ses préoccupations – diversité, intersectionnalité, équité, etc. – ont contaminé, selon eux, la société, et tout particulièrement l’université.





CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ D’AUSTIN


« Nous construisons une université vouée à la recherche intrépide de la vérité », « Nous avons fini d’attendre que les universités se redressent, alors nous en construisons une nouvelle », peut-on lire sur la page d’accueil du site de l’Université d’Austin.





Outre les journalistes Bari Weiss et Andrew Sullivan, on y trouve notamment l’historien Niall Ferguson, le linguiste et psychologue Steven Pinker, le dramaturge David Mamet, l’économiste Glenn Loury, l’entrepreneur Joe Lonsdale et la militante Ayaan Hirsi Ali.


Font également partie du groupe Peter Boghossian, ex-professeur de philosophie à l’Université d’État de Portland, et Kathleen Stock, ex-professeure de philosophie à l’Université de Sussex. Le premier a démissionné en septembre dernier en dénonçant une université qui « a transformé un bastion de la libre pensée en une manufacture de justice sociale ». L’autre a démissionné le mois dernier après avoir été accusée de transphobie.


L’Université d’Austin n’a pas encore de campus dans la capitale du Texas. Elle n’est pas encore accréditée et n’est pas encore autorisée à fonctionner comme un établissement privé d’enseignement supérieur.


L’université prévoit néanmoins offrir l’été prochain un programme intitulé « Cours interdits », où les étudiants seront encouragés à débattre des « questions les plus provocantes qui conduisent souvent à la censure ou à l’autocensure dans de nombreuses universités ».


Selon ses promoteurs, un programme de maîtrise en entrepreneuriat et leadership sera offert à partir de l’automne 2022 et un programme complet de premier cycle suivra à l’automne 2024.


Et pourquoi les fondateurs de l’Université d’Austin ont-ils choisi la capitale du Texas ? La réponse se trouve sur le site internet de l’établissement : « Si c’est assez bon pour Elon Musk et Joe Rogan, c’est assez bon pour nous. »


Le patron de Tesla a annoncé en octobre dernier le déménagement du siège de son entreprise de Palo Alto, en Californie, à Austin. Quant à l’humoriste et animateur, il y vit depuis plus d’un an.


Le Texas est aussi synonyme d’État minimal.


Une autre Université Trump ?


Comme de raison, l’annonce de Bari Weiss a suscité des réactions partagées. Des conservateurs ont salué cette initiative qui survient au moment où « l’élite universitaire a besoin d’être secouée », pour reprendre les mots de Ross Douthat, une des plumes conservatrices qui continue à écrire dans le New York Times.


Mais même les commentateurs sympathiques à la cause de l’Université d’Austin ont exprimé un certain scepticisme sur la faisabilité du projet. Au-delà de l’enjeu du financement, comment convaincre des étudiants de s’inscrire à une université qui n’est pas encore accréditée et dont les diplômes, le cas échéant, auront une valeur incertaine ?


En attendant, les critiques de Bari Weiss et consorts, déjà nombreux, s’en sont donné à cœur joie, qualifiant l’Université d’Austin de « Fox News de l’enseignement supérieur » ou, pire encore, la comparant à la Trump University.


Tristan Snell a été l’un des premiers à faire cette comparaison. Il avait poursuivi l’Université Trump à titre d’adjoint au procureur général de l’État de New York.


« L’Université d’Austin est-elle agréée en tant qu’école dans l’État du Texas ? », a-t-il demandé dans une série de tweets. « Est-elle autorisée à s’appeler une université ? Les parallèles avec l’Université Trump pourraient être plus proches que vous ne le pensez. »


Les critiques de Bari Weiss n’ont pas oublié, d’autre part, l’une des plus grandes contradictions de sa trajectoire personnelle. À l’époque où elle était étudiante à l’Université Columbia, la native de Pittsburgh a participé à de nombreuses campagnes de harcèlement contre des professeurs arabes ou musulmans ciblés en raison de leurs critiques à l’égard d’Israël.


Il y a trois ans, Bari Weiss a nié avoir participé à de telles campagnes, affirmant avoir simplement défendu « les droits des étudiants d’exprimer leurs points de vue en classe ».


Une recherche intrépide de la vérité la ferait mentir.




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