Trudeau reconnaît le colonialisme canadien envers les autochtones

Une négociation à faire entre les trois nations historiques

Mais ignore ses méfaits pour les Canadiens-français et les Acadiens

F5de943469ebeb29d18ff6c3c0adafea

Chronique de Gilles Verrier

Dans un discours qualifié de solennel par Radio-Canada, Justin Trudeau s'est ouvert de manière très sélective en excluant les Canadiens-français et les Acadiens dans sa volonté de corriger des siècles de colonialisme.


Il a déclaré :


« La réconciliation nous appelle à faire face à notre passé et à nous engager à créer un avenir plus prometteur et inclusif. Nous devons reconnaître qu’au cours de plusieurs siècles, des pratiques coloniales ont nié les droits inhérents des peuples autochtones. »


Et l'interdiction du français dans les provinces de l'Ouest n'était-ce pas des pratiques coloniales discriminatoires pour forcer la disparition d'un peuple, au même titre que la répression des langues autochtones ?


« La reconnaissance et la mise en œuvre des droits des peuples autochtones permettront à notre gouvernement d’adopter une nouvelle façon de travailler avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis, et de réparer des décennies de méfiance, de pauvreté, de promesses brisées et d’injustices. » 


Et la proximité des Métis de Louis Riel, auxquels le Canada français avait donné tout son appui et montré tant d'attachement ne serait cependant pas digne de mention ?


Radio-Canada rapporte sur son site internet que :


« Le gouvernement a lancé un processus de consultation auprès des Autochtones et des autres Canadiens afin de déterminer les modalités de son cadre de reconnaissance et de mise en œuvre des droits. La ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, Carolyn Bennett, pilotera ce processus. »


« Nous entamons un dialogue qui abordera enfin la difficile vérité de l’histoire du Canada, des siècles de pratiques colonialistes qui ont nié les droits inhérents des peuples autochtones. »


« Nous invitons tous les Canadiens à travailler pour mieux comprendre les torts causés par notre passé colonialiste et à se joindre à nous sur le chemin de la réconciliation.»


La ministre ne s'embarrasse pas des importantes distinctions qu'il faudrait faire entre la Nouvelle-France et le régime anglais depuis 1763 en ce qui concerne les relations avec les autochtones. La difficile vérité de l'histoire du Canada a des limites !


Le gouvernement provisoire du Manitoba – Métis, largement francophone et catholique, Louis Riel au centre, décimé par le colonialisme canadien – tel que vient de le reconnaître Justin Trudeau le 14 février 2018 - pour faire place à deux provinces anglo-saxonnes orangistes, souleva l'indignation des Canadiens-français.


Le gouvernement provisoire du Manitoba – Métis, largement francophone et catholique, Louis Riel au centre, décimé par le colonialisme canadien – tel que vient de le reconnaître Justin Trudeau le 14 février 2018 - pour faire place à deux provinces anglo-saxonnes orangistes, souleva l'indignation des Canadiens-français.


* * *


Tous les Canadiens sont invités à participer aux consultations. Mais le Québec sera-t-il présent pour relever l'amnésie du gouvernement Trudeau en ce qui concerne les « descendants des vaincus » [1] ?


Depuis Option Québec [2], une nouvelle élite nationaliste s'est constituée pour changer un paradigme historique et ramener la question nationale léguée par la Conquête anglaise aux limites exclusives du territoire provincial du Québec. Malgré les cinquante ans d'échecs accumulés par les tenants de cet enfermement, qui a fini par prendre la figure d'un dogme, la nouvelle aristocratie autonomiste continue de persister à vouloir définir les termes d'un règlement de la question nationale au Canada à travers les « démarches » qu'elle se croit seule à pouvoir fixer, en temps et lieux, reportant à des horizons nébuleux l'évocation même du contentieux constitutionnel. Aucun politicien ne devrait faire la promesse de ne pas s'engager à traiter des grandes questions au cours de son mandat sans se disqualifier d'avance devant l'histoire.


En comparaison des échecs québécois et des replis dans l'espace de la résignation, les premières nations sont à l'offensive. D'abord parce qu'elles refusent de se cloîtrer dans un territoire préalablement défini, ensuite parce qu'elles revendiquant inlassablement leurs droits historiques. Ce qui leur a permis de franchir des pas importants vers la reconnaissance de l'égalité politique. Au Québec, on a préféré briser avec la tradition canadienne française pour, à son encontre, valoriser une opposition radicale au sein du camp des « descendants des vaincus » : le Québec, d'un coté, ceux du reste du Canada et de l'Acadie de l'autre. Pour la nouvelle aristocratie autonomiste québécoise, la volonté de rassurer les anglais du West Island – nos nouveaux frères du destin ! – a prévalu sur la fidélité à nos traditions – devenues scandaleuses ! Le Québec a cessé de s'exprimer au nom d'une nation socio-historique à la dimension d'un continent. Pourtant, l'existence du fait français en Amérique précédait de deux cents ans la deuxième colonisation, la conquête anglaise et son usurpation de notre identité canadienne.


Avec les ouvertures imprudentes pour l'avenir du Canada que vient de faire Justin Trudeau, la donne est en train de changer. Il n'en faudrait pas beaucoup plus pour que les Premières nations en arrivent à l'ouverture de la constitution, ou, certainement, à une reconnaissance quasi constitutionnelle de leurs droits accrus.


Le grand absent du dossier est le Québec, le grand exclu de la constitution de 1982. De toute évidence, pour Justin Trudeau, la question de l'égalité nationale des « descendants des vaincus » autres que les Premières nations ne lui cause aucune inquiétude. Il est assez cruel de constater que les Premières nations, qui se retrouvent de nouveau en position de marquer, volent la vedette de la justice politique pendant que le Québec, qui n'a cessé de perdre des droits, et toujours non signataire, doit subir l'offense er l'indignation d'être entièrement disparu du discours et des préoccupations du fédéral.


Le Québec sera-t-il capable de voir qu'avec la situation entre le fédéral et les Premières nations, une brèche s'est ouverte pour lui ? Il est évident que les droits à l'égalité politique – portés par le discours devenu stérile sur la souveraineté – ne sont pas une façon d'en profiter. Mais le fruit est pourtant mûr pour qui sait regarder la chose d'un autre angle. Une approche calquée sur celle des Premières nations, réclamant des droits égaux pour les descendants des vaincus, une égalité de droits pour les DEUX peuples antérieurs à la Conquête et victimes des injustices du colonialisme se présente désormais comme l'approche de loin la plus prometteuse.


Qui plus est, le discours des Premières nations devrait être développé pour apparaître comme une revendication constitutionnelle générale pour liquider les vestiges du colonialisme, une injustice désormais admise candidement par le premier ministre du Canada lui-même. Le déni quant à l'existence de trois nations socio-historiques au Canada pourrait alors se transformer dans une revendication, en vue d'une complète égalité de droits entre elles. C'est d'ailleurs la seule avenue politique qui offre présentement des possibilités d'endiguer le «nation building » unitaire et la post-nationalité qui s'insèrent dans la vision idyllique du Canada de Justin Trudeau. Pour retrouver le chemin des succès, la cause des « descendants des vaincus », qui a tout misé sur la territorialité sans aucun résultat, l'heure du retour de balancier est venue pour renouer avec son espace traditionnel de la démesure continentale. La souveraineté et l'indépendance ne sont-elles pas, d'ailleurs, qu'un cadre qui permet de nommer l'égalité politique, l'essentiel, ce qui met fin à la subordination. C'est ce que nous savions, un savoir perdu dans l'oubli, que nous rappellent aujourd'hui les Premières nations.


Le Québec, en cette année d'élection, devrait prendre de nouveau conscience qu'un peuple qui refuse de se battre pour ses droits fondamentaux s'exclu lui-même de l'histoire. La question constitutionnelle (ou quasi constitutionnelle), en passe d'être ouverte entre le Canada et les Premières nations ne peut laisser indifférents les partis politiques du Québec. Ils ne peuvent se contenter de regarder passer le train sans risquer d'aggraver la marginalisation des dernières décennies. Il est temps que les Québécois cessent de réfléchir dans l'espace de la résignation, qu'ils emmènent avec eux les Acadiens et nos minorités forcées à la disparition; qu'ils tissent de nouveau des liens avec les peuples autochtones. Et qu'ils se trouvent des appuis parmi les Canadians qui veulent mettre fin aux vestiges du colonialisme et vivre dans l'égalité politique avec les deux nations qui leur sont antérieures. Le gouvernement fédéral appelle à une consultation au cours de laquelle de toute évidence nous ne sommes ni invités ni attendus. Pour les absents, l'histoire ne repasse pas les plats.





Références




  1. ^ « Descendants des vaincus » et « descendants des vainqueurs », expression employée lors des débats constitutionnels de 1864, en vue de la Confédération. Une expression qui rend bien l'évidence de l'existence des deux nations reconnues par les constituants.

  2. ^ Option Québec, livre de René Lévesque paru en 1968 dans lequel il plaide la cause d'un Canada à deux, avec le Québec, désormais séparé de la nation organique canadienne française. La séparation de la nation organique aura lieu – et sera même applaudie - mais le Canada à deux sera un échec.



Featured 11c309e183a1007b8a20bca425a04fae

Gilles Verrier140 articles

  • 224 993

Entrepreneur à la retraite, intellectuel à force de curiosité et autodidacte. Je tiens de mon père un intérêt précoce pour les affaires publiques. Partenaire de Vigile avec Bernard Frappier pour initier à contre-courant la relance d'un souverainisme ambitieux, peu après le référendum de 1995. On peut communiquer avec moi et commenter mon blogue : http://gilles-verrier.blogspot.ca





Laissez un commentaire



10 commentaires

  • Yves Corbeil Répondre

    16 février 2018

    M.Verrier,



    Je lis tout ce que vous écrivez et je suis entièrement d'accord avec tout. Mais dites moi qui est en position de prendre le pouvoir et pour défendre la nation, notre nation canadienne française dans le contexte actuel. TOUS ceux qui sont dans cette position ne pense qu'en besoins domestiques, besoin qu'ils ne sont même pas apte à régler alors comment pourait-on espérer que ces gens là puisse être en mesure de comprendre le sort de notre nation. Des incompétents qui ne peuvent gérer l'épicerie pouraient sauvé la nation. Je désespère d'année en année devant notre situation francophone au Canada et encore plus au Québec où il y a une inertie totale de la population, aveuglé par le mondialisme, les grands espaces, la grande conquête économique, la grande nation mondiale. On va pouvoir tout avoir pis ça coûtera pas cher c'est Justin pis le docteur qu'ils disent et les autres ne ni rien ou presque sinon sur le bout des lèvres, on parle plus juste des rocheuses là, on parle des pyramides pis la grande muraille de Chine de notre nouveau matrimoine.



    Par ousse qu'on commence, pour leurs cassés leurs party?


  • Yves Corbeil Répondre

    16 février 2018

    Le problème c'est que présentement il n'y a personne pour prendre le flambeau et négocier avec les anglais multiculturels d'Ottawa au nom des canadiens français et qu'au Québec dans les milieux décisionnels il y a autant de muticulturels que banc de neiges en hivers à Montréal de soeur sourire. On est pas sorti du bois et la seule façon d'avoir un peu de poids, c'est de se reconnecter avec tous les francophones du Canada que le parti pour lequel j'ai voté toute ma vie à laisser tomber sti. Mais qui s'en chargera au sein quel parti politique, plus on attend, plus on s'efface de la carte folklorique canadienne.


  • Pierre Bouchard Répondre

    15 février 2018

    Lorsque Couillard a demandé récemment de simplement recommencer à avoir des discussions de nature à permettre au Québec de réintégrer la Constitution canadienne, il s’est fait dire non de la manière la plus insultante, Trudeau ne voulant même pas en entendre parler. Le ROC non plus.


     


    On sait bien que ce n’était que de la poudre aux yeux des Québécois, une fumisterie pour faire croire qu’il est sensible à l’avenir du peuple du Québec. Car c’est de ça qu’il s’agit, parlant de Constitution.


     


    L’insulte demeure et elle est réelle envers les Québécois. Mais nous sommes tellement mous les Québécois, tellement abrutis politiquement (désolé de le dire), que ça passe comme si de rien n’était.


     


    Faut dire que l’inertie du PQ, 50 ans de tournage en rond, et de tous ceux qui sont là pour défendre la nation, ça aide à abrutir les esprits.


     


    Avec cette ouverture de Trudeau envers les Premières Nations, vous avez raison, je ne vois pas comment on pourra éviter, à terme, de faire des modifications au contrat, faire des changements constitutionnels.


     


    Si Couillard était honnête il ne pourrait faire autrement que de revenir avec ses demandes, et si les médias n’étaient pas téléguidés, eux-aussi mettraient cette brèche fédérale à l’avant-plan et mettraient Couillard devant ses obligations. Mais ça n’arrive pas et on ne s’en étonne plus.


     


    Et le PQ continue de regarder ailleurs.


     


    Parmi les nombreux traits de caractère qui m’énervent chez le Québécois moyen, il y a cette tendance bête à ne jamais critiquer le fédéral ou le reste du Canada, parce que trop grand et trop loin (nous sommes tellement petits dans nos têtes). Nous croyons encore et toujours que nous ne pouvons pas jouer dans la cour des grands, que nous devons subir et nous taire. Et en parfaits colonisés, nous appelons ça la nature des choses. Nos journalistes ont parfaitement intégré ça.


     


    **********


     


    Je suis entièrement d’accord avec vous : il est temps de forger des alliances naturelles et de se battre. À la fin, lorsque la Constitution aura été modifiée, serons-nous partie prenante ou encore et toujours rejetés ? Ce n’est plus une question d’indépendance ou de fédéralisme assumé, c’est une question de survie. Tirons les leçons de l’expérience péquiste, ce que vos chroniques ont fait de façon éloquente, et mettons-nous enfin en marche.


    • Éric F. Bouchard Répondre

      16 février 2018

      Je suis perplexe. On en appelle à nous mettre en marche mais pour où? Des négociations constitutionnelles qui nous ont toujours si bien réussi…? Et qui viseraient quoi et au nom de qui? Des Québécois qui se «pluralisent» depuis 50 ans et qui sont dès lors toujours plus satisfaits du multiculturalisme canadien?
      Dites-moi, qu’est-ce qu’on bien pourrait bien en attendre de bon en tant que Québécois?

      • Pierre Bouchard Répondre

        16 février 2018

        Vous proposez quoi ?
        En ce qui me concerne, nous aurions toujours dû combattre le régime canadien qui nous est imposé depuis 1982, ça aurait dû être le principal rôle du Bloc Québécois à Ottawa comme du PQ à Québec. Comment pouvons-nous tolérer de vivre dans ce pays qui nous ignore officiellement depuis 36 ans et dont les actes ne sont jamais dans notre intérêt ?
        Comment trouver que c'est dans la nature des choses que de se voir ainsi rappetisser inéluctablement jusqu'à la mort ?

        • Éric F. Bouchard Répondre

          17 février 2018

          Quoi faire ? Il faudrait sans doute d’abord y réfléchir sous l’égide du conseil de Vigile. Mais je vous dirais qu’il nous faut absolument exister de nouveau. Nous manifester au sein d’une société nationale qui fasse la promotion de la nationalité canadienne-française et qui se fasse la défenderesse de ses droits politiques.

  • Éric F. Bouchard Répondre

    15 février 2018

    Cette proposition de Monsieur Verrier nous montre toute la valeur de refonder notre combat sur les droits de la nation canadienne-française. Malheureusement, M. Verrier nous fait aussitôt retomber dans l’utopie politique en souhaitant que le porteur de ce combat puisse être le Québec.


    Le Québec n’est pas apte à le faire.


    D’une part, pour négocier sur le même pied que les Premières Nations, il faudrait que le Québec ait comme elles, existé avant la Conquête du Canada par les Britanniques, or, le Québec, fruit de cette dernière, a été créé par George III en 1763 puis relevé en 1867 par l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Cela n’est pas anodin. Le Québec n'est pas le Canada français. Québec est ainsi imputable des fautes commises envers les Autochtones par le régime colonial canadien dont il a toujours fait partie. À une table des négociations, Québec aurait au mieux à rendre des comptes.


    D’autre part, l’État du Québec, celui qui se construit depuis 1968 du moins, ne fonde pas sa légitimité sur la nation canadienne-française et ses droits historiques, mais bien sur le peuple québécois, c’est-à-dire l’ensemble des habitants de la province, quelle que soit leur langue ou leur culture. Pourquoi donc, aujourd’hui, Québec voudrait-il se faire l’avocat de droits qu’il a toujours méprisés, ou d’une nation qu’il a reniée au point où elle n’a même plus droit de cité sur son territoire?


    Malgré tout, M. Verrier a parfaitement raison, tout comme les Premières Nations, les Canadiens-Français doivent faire valoir leurs droits et réclamer réparations au Canada… et au Québec aussi. Il faudrait pour cela se reconnaître et se rassembler à nouveau.


    Éric Bouchard


    • Pierre Bouchard Répondre

      16 février 2018

      M. Eric Bouchard,
      Les canadiens français du Québec n'ont pas de passé colonial coupable envers les autochtones, au contraire. Nous sommes victimes autant qu'eux et notre confinement à la province, création du Canada, ne change rien à notre légitimité. Nous devons faire avec puisque nous y sommes contraints.
      Vous faites fi de l'histoire en vous rattachant au récit des vainqueurs.
      Il faut admettre les erreurs du PQ et de René Lévesque, qui ont rejeté la nation canadienne française pour tenter de résoudre la quadrature du cercle en amadouant le West Island. Il n'est jamais trop tard pour reconnaitre ses torts et tirer les leçons qui s'imposent. C'est ce que M. Verrier nous incite à faire.

      • Éric F. Bouchard Répondre

        17 février 2018

        Précisément M. Bouchard, les Canadien-Français ne sont pas concernés par les velléités de reconnaissance de droits compensatoires envers les Premières Nations promise par Justin Trudeau, mais l’État québécois l’est au premier chef.
        Le Québec est la première des composantes administratives du cadre colonial britannique au Canada. Il a été créé par la Couronne britannique en 1763 et dirigé directement par ses serviteurs au moins jusqu’en 1849 et encore aujourd’hui puisque toujours soumis à Ottawa. En conséquence, si l’État du Québec participait à ces éventuelles négociations, il serait jugé par les Autochtones au même titre que l’État fédéral.
        S’identifier à la Province de Québec, se faire Québécois, ne fut pas une simple erreur imposée par tous nos politiciens (PQ et PLQ d'abord), ce fut un reniement de notre identité ancestrale et des droits s’y rattachant. En ce sens, c’est en devenant Québécois qu’on a pleinement fait nôtre le récit des vainqueurs.
        La nationalité canadienne-française posait réel problème aux vainqueurs, elle qui se rattachait toujours au Canada français, celui de la Nouvelle-France, elle qui rappelait aux vainqueurs qu’en dépit de toutes leurs exactions nous étions bien là et que notre question nationale n’était toujours pas réglée. D’ailleurs, les fédéralistes d’après-guerre ne la supportaient plus, elle en appelait par trop à notre reconnaissance politique.
        Ça, c’était l’impensable pour Ottawa. Reconnaître politiquement le Canada français aurait signifié le partage du Canada, des négociations qui auraient concerné tous les territoires où nous étions majoritaires. C’eût été pour nous une revanche éclatante, une défait pour eux! la fin d’une domination de 300 ans. Malheureusement, la québécitude réussira alors à nous faire dévier de l’objectif.
        À la fin des années 1960, au moment où la confrontation s’annonçait inévitable, apparaît une identité compensatoire, tirée des écrits néo-nationalistes, une identité promue par toutes nos élites provinciales : la québécitude selon laquelle on ne peut exister qu’en s’identifiant à un état existant (si croupion soit-il) et à l’ensemble des habitants francophones, anglophones ou allophones qui s’y trouvent. Curieusement, une identité territoriale parfaitement adaptée au cadre canadien qui ne remet plus rien en cause et qui a l’avantage d’induire une rupture identitaire qui réduira à néant la cohésion nationale des Canadiens-Français. Cela au moment même où, pour obtenir notre pleine émancipation politique, il eût fallu resserrer les rangs.
        Et pour satisfaire aux plus nationalistes d’entre nous, on proposa, en remplacement de l’État national canadien-français de Johnson, la quête de la souveraineté du Québec par référendum, mais avec l’adhésion des minorités culturelles qui la composent. Une mission probablement impossible qui nous condamnait avec le temps à la voie d’évitement dans laquelle nous nous retrouvons aujourd’hui.
        Me suivez-vous?

        • Pierre Bouchard Répondre

          17 février 2018

          Merci de vos précisions, j'apprécie beaucoup. Nous voyons la même chose et vous l'exprimez mieux que moi.
          La québécitude nous a piégé et a anéanti les alliances naturelles. J'ai hâte de voir les commentaires de M. Verrier.
          Il nous faut exister à nouveau, vous avez raison. Il me semble qu'il faut commencer par faire le procès des 50 dernières années pour instiller dans l'esprit des gens, en particulier les militants nationalistes, la nécessité de faire réellement autrement.
          Il faudra du temps et des leaders déterminés pour réussir à transformer les mentalités. Sans le concours d'événements extérieurs dont il faudrait saisir l'occasion, les chances de réussite sont minces.