Couronne britannique

Une épuration linguistique qui se poursuit

Chronique de Gilbert Paquette



La récente visite du couple princier au Québec a suscité une réaction négative chez un grand nombre de Québécois, et notamment de la part des 22 organisations regroupées dans le réseau Cap sur l'indépendance, qui contraste avec l'accueil délirant au Canada anglais. Cela s'explique. Bien sûr, les invités du gouvernement Harper sont sympathiques et nul doute que, dans un Québec indépendant, ils seraient reçus en toute amitié, comme tout chef d'État ou souverain étranger. Mais dans le contexte actuel, ils représentent la Couronne britannique, laquelle a perpétré, parfois engagé, parfois entériné, des actions systématiques d'épuration linguistique qui ont presque réussi à éliminer le fait français hors Québec et qui menacent depuis 1982 les efforts de francisation du Québec réalisés par la loi 101.
Le gouvernement Harper s'est livré à une opération de racolage monarchique et de propagande fédéralisante masquant le fait que jamais le Québec n'a signé la Constitution canadienne en vertu de laquelle la monarchie britannique «règne» sur le Canada et le Québec. Cette institution anachronique nous rappelle notre subordination à l'État canadien tout en nous coûtant un «tribut des suites de la Conquête» de quelque 10 millions par année. En fait, nous finançons par nos impôts la famille royale, le gouverneur général et le lieutenant-gouverneur du Québec, symboles de notre domination par l'État canadien.
Un peu d'histoire
Il faut rappeler qu'en 1982, c'est la grand-mère du prince William, la reine Elizabeth, qui a entériné le rapatriement de la Constitution de Londres à Ottawa malgré l'opposition presque unanime au Québec. La Couronne britannique s'est faite complice de ce coup de force, niant la prétendue «égalité des deux nations fondatrices» qu'elle avait le devoir de protéger. Le gouvernement canadien a alors réussi à imposer unilatéralement au Québec une Charte des droits conçue expressément pour contrer la Charte de la langue française.
À la suite de plusieurs jugements de la Cour suprême initiés par des groupes anglophones financés par Ottawa, la loi 101 a subi plus de 200 amendements, dont les plus récents sur les «écoles passerelles». Cette négation de l'équilibre linguistique établi démocratiquement au Québec par la Charte du français est une honte et ses effets continuent de menacer le fait français au Québec même.
Cette histoire de la Couronne britannique au Canada est celle d'une épuration linguistique et d'une assimilation systématique planifiée depuis 250 ans. L'Amérique du Nord compte des millions de descendants d'origine française ayant tout oublié de leurs racines, jusqu'à leur langue. Au Canada, en dehors du Québec, il ne reste plus que 4,5 % de citoyens de langue maternelle française, dont la moitié ne parle plus français à la maison, malgré les images lénifiantes que tente de véhiculer Radio-Canada.
Cela a commencé en 1755 lorsque plus de 12 500 Acadiens, sur une population de près de 15 000 habitants, furent déportés sur ordre de la Couronne britannique. En conséquence de cet exil ou en essayant d'y échapper, de 7500 à 9000 moururent. On peut parler du génocide acadien. Fut ensuite réprimé dans le sang le mouvement des Patriotes de 1837-1838, qui revendiquait la démocratie parlementaire et l'émancipation nationale. Vint ensuite l'Acte d'Union de 1840 à la suite des recommandations de lord Durham, fusionnant le Haut-Canada et le Bas-Canada afin de créer une majorité anglaise et éventuellement d'assimiler complètement les Canadiens français.
Mesures dévastatrices
Après avoir mis en place tous les outils permettant notre minorisation, dont la Constitution de 1867, l'anglicisation de l'Ouest canadien a ensuite été effectuée par l'annexion du territoire métis largement francophone, par la dispersion des Métis canadiens-français et par l'exécution de leur chef, Louis Riel. Ces exactions ont permis la création des trois provinces des Prairies, officiellement unilingues anglaises, complétée en 1905.
Les mesures les plus dévastatrices ont par la suite consisté à bannir systématiquement l'apprentissage du français. Pendant plus d'un siècle et jusque dans les années 60, toutes les provinces canadiennes à majorité anglophone ont adopté ou maintenu des lois interdisant l'enseignement en français, même comme langue seconde, dans les écoles publiques.
Succédant aux législations anti-françaises canadiennes, les politiques de bilinguisme officiel instaurées par le gouvernement Trudeau n'ont en rien réparé les torts causés au peuple acadien et à la francophonie canadienne. Le Commissaire aux langues officielles dénonce régulièrement l'unilinguisme français dans les institutions fédérales. Le gouvernement canadien refuse de soumettre à la loi 101 les organismes qui dépendent de lui au Québec. Quant au multiculturalisme, il relègue progressivement les francophones au rang de minorité ethnoculturelle dont la langue n'est plus la seconde en importance dans la majorité des provinces.
Le plus ironique, c'est qu'après l'épuration linguistique anti-francophone partout au Canada et l'assimilation croissante de ceux qui résistent encore courageusement, tout mouvement pour le renforcement au Québec de ce qui reste de la loi 101 se voit taxer de radicalisme, d'extrémisme. Les Québécois ne doivent plus se laisser culpabiliser et calomnier à travers le monde par la presse anglo-saxonne. Il est plus que temps de briser le silence sur le passé anti-français du Canada anglais et de la Couronne britannique.
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Gilbert Paquette et Mario Beaulieu, Porte-parole de Cap sur l'indépendance

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Gilbert Paquette68 articles

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Ex-ministre du Parti Québécois
_ Président des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)

Gilbert Paquette est un chercheur au Centre interuniversitaire de recherche sur le téléapprentissage (CIRTA-LICEF), qu’il a fondé en 1992. Élu député de Rosemont à l’Assemblée nationale du Québec le 15 novembre 1976, réélu en 1981, Gilbert Paquette a occupé les fonctions de ministre de la Science et de la Technologie du Québec dans le gouvernement de René Lévesque. Il démissionne de son poste en compagnie de six autres ministres, le 26 novembre 1984, pour protester contre la stratégie du « beau risque » proposée par le premier ministre. Il quitte le caucus péquiste et complète son mandat comme député indépendant. Le 18 août 2005, Gilbert Paquette se porte candidat à la direction du Parti québécois. Il abandonne la course le 10 novembre, quelques jours à peine avant le vote et demande à ses partisans d’appuyer Pauline Marois. Il est actuellement président du Conseil d’administration des intellectuels pour la souveraineté (IPSO).





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