Étant sociologue des médias depuis quelques décennies, je suis de ceux qui pensent que le journalisme d’enquête (ou "d’investigation") est essentiel dans une société qui désire valoriser la démocratie.
À Radio-Canada, il y a la réputée (pour le meilleur et pour le pire) émission "Enquête". À quelques reprises, cette émission a proposé des reportages lumineux et éclairants, je ne vais certes pas le nier.
Mais cette émission glisse peu à peu, et trop souvent, vers le sensationnalisme et l’esbroufe. Il suffit de jeter un coup d’œil clairvoyant sur les messages publicitaires faisant la promotion de cette émission pour constater que la tonalité favorisée est celle du machisme, de la "virilité certifiée" et de la fanfaronnade. Cela est vrai, même si ce sont maintenant deux journalistes de sexe féminin qui sont les principales responsables de l’émission.
Le reportage, tant annoncé («sur-annoncé»), sur Pierre-Karl Péladeau avait tout ce qu’il faut pour m’amener à cultiver un sain scepticisme, et pour m'irriter. C’était, très souvent, trop souvent, hypothétique, "possibiliste" et un tantinet probabiliste. Le tout donnait l’impression que les journalistes étaient guidés par un désir flagrant de miner la réputation de celui que tous appellent PKP. La journaliste-enquêteuse, la scabreuse Madeleine Roy, semblait ravie d’en mettre et d’en remettre.
Je souhaite, comme la majorité des citoyens, que les médias, tous les médias, fassent du bon journalisme d’enquête. C’est essentiel, dans un monde comme le nôtre. Mais enquête rigoureuse et sensationnalisme ne vont pas de pair. L’obligation inhérente au bon journalisme, c’est de vérifier les faits et données, cent fois plutôt qu’une.
Bon citoyen, je souhaite aussi qu'il y ait, dans les médias, d'excellents "reporters", lesquels se doivent de rapporter, le plus rigoureusement possible, les faits, les événements et les diverses interprétations ou visions.
Toutefois, il ne faut radicalement pas accepter les "gestes journalistiques" qui manquent de rigueur et qui sont sordidement axés sur le "salissage" et le dénigrement.
Nous savons tous que la Société Radio-Canada a toujours été confrontée à un double mandat : informer et faire la promotion du fédéralisme canadien. Cela n’a pas toujours empêché certains journalistes de livrer de la bonne information. Mais l’épée de Damoclès du fédéralisme obligé est toujours là. Depuis un certain nombre d’années, la peur de l’épée, la couardise (à la Couillard ?) et des adhésions idéologiques "réactionnaires" ont amené la SRC à être un «outil» médiatique, axé sur la propagande libérale, sur la pauvreté intellectuelle et sur la promotion de très nombreux humoristes, souvent médiocres et insignifiants.
J’aimerais qu’il y ait, au Québec, un humour plus vitriolique, plus décapant, plus dénonciateur, plus accusateur. Le contexte actuel n’est pas très rigolo, il faut se le dire, se le redire. Le Canada et le Québec sont gouvernés "mur-à-mur" par les libéraux, multiculturalistes (dans le pire sens du terme) et totalement ignorants de la "spécificité québécoise".
On dirait que depuis les deux référendums «perdus», le rire stupide et permanent a contaminé un certain nombre de citoyens québécois, qui préfèrent rire grossièrement et constamment plutôt que réfléchir intelligemment et perspicacement.
Je suis en train de commettre une analyse, un peu "ivan-illichienne", sur le fait que la professionnalisation du rire et de l’humour peut diminuer le sens de l’humour et faire en sorte que le rire quotidien et convivial est moins présent. Peut-être me trompé-je ?
L’autre jour, j’ai retrouvé une vieille blague qui circulait dans plusieurs pays communistes. Un type se présente au poste de police, très paniqué. Il dit que son perroquet s’est enfui. Les policiers lui disent que ce n’est pas grave et qu’une telle «fugue» n’est pas de leur ressort. Alors le type dit : «Malgré tout, je veux que vous sachiez que je ne partage vraiment pas ses idées politiques. On ne sait jamais, vous pourriez le retrouver.»
Madeleine, ma compagne depuis 25 ans, veut que je modifie certaines des blagues des pays communistes pour les adapter à l’actuelle situation québécoise, pour dénoncer Trudeau, Couillard, Coderre, et de nombreux autres. J’y songe.
J’aime bien cette blague d’origine yougoslave : «Pourquoi Tito subventionne-t-il plus les prisons que les écoles ? Parce qu’à son âge, il ne risque plus d’aller à l’école.» La question québécoise est donc : pourquoi Couillard démolit-il le système scolaire ?
Et voilà, comme le disent les Français. Il est temps que ça change.
L'auteur est sociologue des médias.
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7 commentaires
Hélène Trudeau Répondre
10 février 2016La déchéance planifiée de Radio-Canada et son alliance tacite avec l'empire Desmarais nous plongent dans des bas-fonds insoupçonnés. Quelle désolation !
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Gaston Carmichael Répondre
8 février 2016@M. Goyette:
«Pierre Karl Péladeau doit-il oui ou non accepter l’invitation d’Émanuelle Latraverse... »
Madeleine Roy a beaucoup insisté pour attirer PKP dans son piège. PKP n'a pas été dupe, et a refusé de participer à une émission d'une chaîne de télévision où la partialité et la partisanerie sont la norme.
[Voici ce qu'il a répondu à Madeleine Roy.->https://www.facebook.com/pierre.karl.peladeau.stjerome/posts/443023942559006]
Il serait donc très surprenant que PKP accepte d'aller potiner avec Emmanuelle.
Quand l'animatrice contrôle l'horloge, les sujets, le montage, etc... , tous les ingrédients sont là pour se faire rouler dans la farine. Alors, non merci.
Gaston Carmichael Répondre
8 février 2016La dernière campagne électorale fut l'enterrement en première classe de la réputation d'impartialité dont Radio-Canada aimait se draper.
Tout ce que pouvait dire, faire, ou suggérer les conservateurs était systématiquement discrédité. Je ne suis pas, mais pas du tout, un fan de Harper, mais à la fin, j'avais de la sympathie pour lui. Trop c'est trop.
De l'autre côté, tous ce que faisait Justin et les libéraux était enrobé de petits rubans roses.
Considérant toutes les coupures que Harper a fait subir à Radio-Canada, on peut comprendre que Radio-Canada ait décidé de lui régler son compte. Ce faisant, toutefois, ils se sont déshonorés, et ont perdu leur virginité.
Pour Harper, Radio-Canada a toujours été un ennemi, et il a agi en conséquence. C'est juste regrettable qu'il n'ait pas eu le temps de compléter la privatisation de cette société dégénéré.
Archives de Vigile Répondre
8 février 2016(Problèmes de connexion sur le site)
Merci, monsieur, pour cet article rempli de vérités. Il me ferait du bien si seulement je pouvais accepter que ce reportage de salissage de Madeleine Roy-RC demeure impuni. Trop c'est trop! On en voit les effets dans le sondage d'aujourd'hui alors que PKP et le PQ ont perdu des plumes.
On en parle justement à RDI au moment où j'écris. Les fédés de RC sont trop heureux de commenter ce sondage. Comme s'ils n'y étaient pour rien. Je rage!
Archives de Vigile Répondre
8 février 2016Merci, monsieur, pour cet article rempli de vérités. Il me ferait du bien si seulement je pouvais accepter que ce reportage de salissage de Madeleine Roy-RC demeure impuni. Trop c'est trop! On en voit les effets dans le sondage d'aujourd'hui alors que PKP et le PQ ont perdu des plumes.
On en parle justement à RDI au moment où j'écris. Les fédés de RC sont trop heureux de commenter ce sondage. Comme s'ils n'y étaient pour rien. Je rage!
Archives de Vigile Répondre
8 février 2016M.Baribeau
Je lis vos textes depuis des années et je prend toujours le temps de les lires car vos analyses se situent au-dessus de la mêlée, si je puis dire.
Je crois que nous avons présentement aussi bien au fédéral qu'au provincial deux premiers ministres d'une médiocrité rarement égalée. Cependant, exiger de la population de se comporter comme les cordes tendues d'un violon en matière de jugement politique, c'est trop en demander, elle qui n'en a que pour le pain et des jeux. Couillard ment comme il respire et l'autre respire comme il ment.
Les prochains budgets prévus ce printemps et ceux qui vont suivre ramèneront au bercail ceux et celles qui se sont laissés aller sous le charme de nos deux tourtereaux libéraux.
La question qui me chicote et qui va finir par aboutir à un moment donné est la suivante:
Pierre Karl Péladeau doit-il oui ou non accepter l'invitation d'Émanuelle Latraverse faite à Bernard Drainville lors de son dernier passage aux Coulisses du pouvoir?
Une réponse négative de sa part pourrait être interprété de bien des façons par ses adversaires à condition qu'il en explique les raisons.
Archives de Vigile Répondre
8 février 2016Bien dit vous avez toute mon admiration.