Une coalition réclame d'urgence la nationalisation des plus beaux éléments du patrimoine religieux

Patrimoine Québec


Isabelle Paré - Une coalition formée de l'ex-député péquiste Daniel Turp, de l'ex-maire de Québec Jean-Paul Lallier, d'organistes et de professeurs de musique presse le premier ministre Jean Charest de décréter d'urgence un moratoire d'un an sur la vente et la transformation des églises du Québec et de nationaliser les éléments les plus riches pour en assurer la sauvegarde.
Alertée par la menace de vente imminente de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus (TSNJ) et le démantèlement de son orgue patrimonial, cette coalition créée au cours des derniers jours estime que ce cas illustre de façon éloquente l'absence de politique cohérente pour faire face à la sauvegarde de l'immense patrimoine religieux québécois.
Les barricades qui s'élèvent devant la façade de la «cathédrale de l'Est» dans Hochelaga-Maisonneuve, interdite d'accès depuis un an, sont le triste résultat de la gestion au «cas par cas» d'une réalité qui mérite une solution beaucoup plus large, a fait valoir hier M. Turp.
«En 2005, en commission parlementaire [sur le patrimoine], Mgr Turcotte [évêque de Montréal] avait prédit une catastrophe dans cinq ans si rien n'était fait. La catastrophe est arrivée!» affirme l'ex-député de Mercier, d'avis que les millions saupoudrés chaque année par le Conseil du patrimoine religieux du Québec (CPRQ) ne résoudront pas le problème à long terme.
«À quoi bon investir de la sorte si cinq ans après l'octroi d'une subvention, l'Église peut unilatéralement décider de prendre à son compte ce patrimoine et d'en disposer à guise!» dénonce la coalition.
En effet, même si l'église TSNJ a reçu des coffres de l'État pas moins de 650 000 $ dans les années 1990 pour restaurer son précieux instrument, l'évêché n'est désormais plus tenu de garder l'église ouverte. Et comme l'endroit n'est plus un lieu de culte, il n'est plus admissible aux subventions du CPRQ, d'où l'impasse.
Détournement de patrimoine
C'est pourquoi la coalition réclame du gouvernement Charest qu'il intervienne d'urgence pour préserver TSNJ et décrète un moratoire sur la vente ou la disposition de tout lieu de culte au Québec, le temps que soit dressé un inventaire fin et détaillé du patrimoine religieux, confié à des experts. L'inventaire devrait tenir compte de la présence des orgues et de l'importance de la tradition musicale dans l'évaluation patrimoniale de chaque église.
Au terme de l'exercice, Québec doit nationaliser les plus riches éléments de ce patrimoine et leur réserver toutes ses subventions, pensent les signataires. Le produit de la vente des églises de moindre valeur devrait quant à lui être versé au fonds du CPRQ pour assurer le maintien de ces biens collectifs, plutôt que de rester dans les coffres de l'Église. Quant aux services religieux, ils devraient être concentrés dans les bâtiments préservés par l'État.
Plusieurs signataires de la coalition ne cachent d'ailleurs pas leur agacement concernant les minces obligations légales qui sont faites aux autorités religieuses. «C'est un détournement de patrimoine. L'Église a des comptes à rendre», a fait valoir hier Antoine Leduc, avocat et organiste. «Il faut se rappeler que la collectivité a investi au fil des ans des milliers de dollars par la dîme et par le biais de l'État qui a offert des exemptions de taxes et investi des millions dans le patrimoine religieux», ajoute Daniel Turp.
Raymond Daveluy, ex-organiste à l'oratoire Saint-Joseph, croit lui aussi que l'argent public investi dans l'orgue de TSNJ doit être remboursé aux contribuables si l'instrument est vendu. «Si [cet] orgue n'est pas sauvé, aucun orgue n'échappera plus aux menaces de fermeture et au pic des démolisseurs», déplore de son côté Gaston Harel, fondateur de l'Association des amis de l'orgue.


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