Monastère des Dominicains
Photothèque Le Soleil Jean-Marie Villeneuve
La démolition du monastère des Dominicains n'est pas une petite affaire. En réalité, elle est la destruction d'un ensemble architectural urbain, homogène dans sa composition. Visuellement, il est d'une qualité esthétique indéniable. En détruire une seule partie, c'est amputer l'ensemble en lui enlevant son caractère cohérent. C'est aussi perturber son harmonie. Pour la Grande Allée, c'est une perte d'identité.
La liquidation du monastère a été annoncée le 11 octobre 2007 lors d'une séance d'information qui prit la forme d'un ultimatum. Par la suite, il a été dit et répété qu'il n'y aurait pas de consultation publique ni sur le site choisi, ni sur la démolition. Acte parfait d'autorité de la puissance publique. Du fascisme.
Il ne faut pas se surprendre, le gouvernement du Québec multiplie les erreurs de stratégie depuis le Suroît, le parc du mont Orford, Rabaska, le gaz de schiste, et pour finir, la destruction du patrimoine. Flagrantes dans la capitale, les pertes s'accumulent. Du remplissage du palais de l'Intendant au portail de l'église Saint-Vincent-de-Paul, à l'inoubliable chapelle des soeurs Franciscaines disparue à jamais. Aujourd'hui, c'est au tour du monastère.
Il ne faut pas se surprendre, la Ville de Québec, qui a pourtant adopté une politique du patrimoine, nous offre l'illusion d'un texte bien fait mais qui ne veut plus rien dire. On y lit que le patrimoine urbain unique est encore debout grâce à la contribution de citoyens et on écrit bien d'autres choses agréables. Or, la vérité est que le patrimoine historique gêne, qu'il soit ancien ou récent. L'histoire s'éteint avec les monuments ravagés et la qualité de vie des citoyens en est diminuée d'autant. C'est ainsi que la ville perd chaque jour son identité reconnaissable. Les touristes s'ennuieront très vite des visites des tours à condos de notre ville ou des circuits d'architectures génériques identiques dans tous les pays du monde. Et rien n'annonce une nouveauté captivante.
Dans les documents publics, le ministère de la Culture et la Ville de Québec, au chapitre du patrimoine, nous abreuvent de morceaux de bravoure qui vont de l'appel à la participation citoyenne à l'oeuvre commune, en passant par l'héritage collectif, et enfin au développement durable et à l'identité. Hors de cette fiction, on se fait des muscles en abattant des arbres, en anéantissant un morceau d'architecture. Pourquoi faire? Il y avait d'autres solutions environnementales respectueuses du développement durable sur le site qui est la propriété du gouvernement du Québec. C'est donc le gouvernement qui se charge d'anéantir une de ses propriétés chargée d'histoire, propre au génie du lieu, porteuse d'un patrimoine culturel immatériel. Dès lors se pose la question : à quoi sert le ministère de la Culture devant un tel désastre? Il se cache, il se tait. Et on se demande pourquoi il y a un tel cynisme dans la population.
Pour le 50e anniversaire du ministère, on s'attendait à mieux et les discours pompeux ne changeront pas le cours de l'histoire, le monastère sera démoli. Le premier titulaire du ministère des Affaires culturelles, Georges-Émile Lapalme, ardent défenseur du patrimoine, ne disait-il pas qu'il fallait se protéger des prédateurs. La triste vérité est qu'aujourd'hui les prédateurs sont parmi nous.
Marcel Junius, Québec
Musée national des beaux-arts du Québec
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