Il y a plusieurs semaines, un appel (1) était lancé à l’initiative de la militante altermondialiste et féministe Aminata Traoré, et de nombreuses autres personnalités maliennes, pour s’opposer à toute intervention militaire étrangère au Mali.
Ces femmes dénoncent notamment l’instrumentalisation des « violences faites aux femmes pour justifier l’ingérence et les guerres de convoitise des richesses de leurs pays ». Vendre la guerre au nom de cette instrumentalisation est « moralement indéfendable et politiquement intolérable », disent-elles.
Leur message rejoint l'analyse faite par Richard Le Hir d'il y a quelques jours et portant sur le lien entre l'actuel conflit au Mali et la quète de ressources naturelles par les grandes multinationales minières et pétrolières.
Au moment même où la France semble s'enfoncer toujours plus dans ce nouveau conflit, et avec la récente attaque par un groupe associé à El Quaida d'un complexe gazier sur le territoire de l'Algérie voisine, cet appel garde plus que jamais son actualité.
Ces femmes appellent « à réagir et à lutter contre les trois formes de fondamentalisme, soit le religieux à travers l’islam radical ; l’économique à travers le tout marché ; le politique à travers la démocratie formelle, corrompue et corruptrice », qui favorisent toujours un peu plus la négation des droits humains.
Dans un premier temps, cet appel souligne le « déni de démocratie ». La demande « de déploiement de troupes africaines au nord du Mali, transmise par la Communauté des états d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine aux Nations unies, repose sur un diagnostic délibérément biaisé et illégitime ». Contrairement à ce que certains peuvent prétendre, cette intervention militaire « n’est fondée sur aucune concertation nationale, ni au sommet, ni à la base », soulignent les signataires de cet appel.
Les femmes maliennes veulent alerter l'opinion publique internationale à propos du fait quet « les cas de viols, que nous déplorons dans les zones occupées du Nord de notre pays, risquent de se multiplier avec le déploiement de plusieurs milliers de soldats. À ce risque, il faut ajouter celui d’une prostitution plus ou moins déguisée qui se développe généralement dans les zones de grande précarité et par conséquent les risques de propagation du Sida ».
L’option militaire est, disent-elles, un « remède qui a toutes les chances d’être pire que le mal alors qu’une alternative pacifique, émanant de la société malienne, civile, politique et militaire, serait (plus) constructive ».
Ces femmes maliennes rappellent que la communauté internationale est déjà très divisée sur toute intervention militaire. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki Moon, exprimait encore récemment sa réserve à tout déploiement militaire en rappelant que la guerre « est une violence extrême contre les populations civiles, dont les femmes ».
Ces femmes maliennes disent NON à la guerre par procuration, car « celle-ci s’inscrit dans le prolongement de celle d’Afghanistan ». Les signataires dénoncent « la destitution de leurs droits au nom de la distribution des rôles entre la France, la CEDEAO, l’Union africaine, l’Europe et l’ONU ». Le Sahel, zone d’influence de la France, est mis sous tutelle par celle-ci et « sous-traite la violence militaire à la CEDEAO ». Pourquoi les « puissants de ce monde qui se préoccupent tant du sort des femmes africaines ne nous disent pas (en lieu et place) la vérité sur les enjeux miniers, pétroliers et géostratégiques des guerres ? ».
Les signataires « opposent l’économie de la guerre à l’économie de la vie, en faisant de la transition en cours une occasion historique de relever le triple défi du savoir, de la citoyenneté et du dialogue ». Elles appellent à « la concertation nationale pour permettre à la société malienne dans son ensemble de se retrouver et de définir elle-même les bases et les conditions d’une solution concertée au conflit présent ».
Un appel international est lancé « à toutes celles et à tous ceux qui partagent notre approche d’interpeller immédiatement les principaux acteurs de la communauté internationale, par écrit ou sous toutes autres formes d’expression, en plaidant pour que le Conseil de Sécurité n’adopte pas une résolution autorisant le déploiement de milliers de soldats au Mali ».
(1) : Cliquez ici pour consulter dans son entièreté l'appel de ces femmes .
Un remède pire que la maladie à combattre ...
Tribune libre
André Parizeau39 articles
Chef du Parti communiste du Québec (PCQ), membre fondateur de Québec solidaire, membre du Bloc québécois, et membre de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal (SSJBM)
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