Sears Canada et le Parti libéral du Québec

L'hypocrisie n'aurait-elle pas de limite ?

Tribune libre

Depuis l'annonce par Sears Canada de la fermeture de son centre d'appels à Montréal, et le déménagement de toutes ses opérations de services à la clientèle en Bulgarie, entraînant la perte de près de 800 emplois, toutes sortes de choses ont été dites et colportées dans les médias.
La nouvelle a eu l'effet d'une bombe d'autant que cette décision suit de près de nombreuses autres pertes d'emplois chez ce qui était jusqu'à récemment une des plus importantes entreprises de ventes au détail, autant au Québec, que dans le reste du Canada. Mais tout ce qui s'écrit là-dessus a parfois une valeur plus que douteuse.
À ce niveau, la palme de l'hypocrisie, en même temps que de la stupidité, revient sans hésitation à la députée du Parti libéral du Québec, Kathleen Weil, pour sa plus récente sortie, portant justement sur la fermeture chez Sears. Se faisant, celle-ci suit de près l'exemple de son chef qui, chaque fois qu'il ouvre la bouche, a plutôt tendance à multiplier les bourdes.
Selon madame Weil, ces mises à pied seraient à mettre en parallèle avec la piètre performance du Québec en matière économique, en 2013, sous l'égide du PQ. Un peu plus, et elle aurait pu dire que ces mises à pied étaient en fait la faute du ... PQ.
Le fait est que ces mises n'ont rien à voir, ni avec les politiques du gouvernement de madame Marois, ni même avec ce qui pourrait se passer, de manière plus générale, au Québec.
Premièrement, ce n'est pas seulement le centre d'appels de Sears à Montréal qui sera complètement fermé d'ici à septembre prochain, mais également tous les autres centres d'appels de Sears au Canada; il y en a deux autres qui le seront également, soient ceux de Toronto et de Belleville.
Deuxièmement, cette annonce s'ajoute également à près de 2000 autres mises à pied, déjà survenus dans cette enterprise, d'un bout à l'autre du Canada; en fait, et jusqu'à présent, le Québec avait été plutôt épargné par ces mises pied, sauf en ce qui concerne les techniciens de Sears, oeuvrant sur la route; cela en dit déjà long; c'est plutôt l'Ontario et l'Ouest canadien qui y avait gouté jusqu'ici.
En fait, et si on regarde ce qui se passe également chez Sears, de l'autre côté de la frontière, au sud, soit du côté des États-Unis, c'est encore pire, puisque les mises à pied là-bas sont encore plus sévères. De l'avis de plusieurs analystes américains, la haute direction de Sears, aux États-Unis auraient tout simplement décidé de se débarasser graduellement de toutes ses activités au Canada, en vendant, morceau par morceau, ce qui est encore rentable ici, et, en même temps, transférer en impartition ce qui l'est moins, d'ici à ce qu'on puisse tout liquider. C'est d'ailleurs ce qui faisait dire au journal Les Affaires, la semaine dernière, juste avant que l'annonce de ces nouvelles mises à pied ne soit rendue publique, que Sears Canada n'en avait plus pour encore très longtemps.
Depuis déjà un bon bout de temps, Sears Canada n'arrête pas de retransférer vers la maison-mère des centaines de millions de dollars, lesquels sont ensuite reversés en dividendes aux actionnaires américains, en l'occurence celui qui est tout à la fois le PDG de Sears aux États-Unis, en même temps que le propriétaire de ce qu'on appelle un "hedge fund", ou si l'on veut un fonds d'investissement voué à la spéculation. Il s'appelle Edward Lampert et serait également un des hommes les plus riches de la planète. Ses décisions sont de plus en plus contestés, dans les milieux financiers, mais cela ne l'empêche pas de pouvoir, en toute imunité, continuer de jouer avec la vie de milliers de personnes, notamment, ici même au Québec.
En fait, et n'aurait été de l'insistance même fois répétée du Parti libéral du Québec, du temps qu'ils étaient au pouvoir, sous la gouverne de Jean Charest, à ne jamais vouloir remettre en cause la sacro-sainte règle de la primauté des fameux droits de gérance des compagnies, soit disant parce que cela ne pouvait se faire, peut-être que les choses auraient pu se produire différemment chez Sears, ici même, des suites de l'annonce de la fermeture du centre d'appels.
Mais pour cela, il aurait d'abord fallu que les normes du travail, en vigueur au Québec, soient pas mal plus sévères qu'elles ne le sont présentement, d'autant qu'il n'y a même pas de syndicats chez Sears. À l'inverse, il aurait aussi fallu qu'il y ait plus de protections de prévues pour les travailleurs et les travailleuses, lorsque ceux-ci et celles-ci sont justement confrontés à de telles situation.
Ce qui me choque, dans tous cela, est le fait suivant : même si, demain, le gouvernement de madame Marois décidait de devenir plus audacieux, dans ses relations avec le monde des affaires, de manière à justement changer un tel état de fait qui, faut-il encore le rappeler, aurait dû être changé il y a longtemps, celui-ci ne le pourrait pas, car il aurait toujours à faire face au parti-pris très ouvertement pro-patronal des libéraux et de la CAQ qui forment toujours la majorité à l'Assemblée nationale. Est-ce qu'on pourra un jour changer tout cela ? Je l'espère sincèrement.
Si j'avais entre temps temps une suggestion à faire aux libéraux, ce serait de tourner sept fois plutôt qu'une leur langue avant de penser même ouvrir la bouche. Au lieu de sortir de pareilles idioties, comme elle l'a fait hier, madame Weil, qui est supposée être la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emplois, serait pas mal plus avisée de suggérer que son parti face amende honnorable face à tout ce qu'ils ont pu faire ou ne pas faire jusqu'ici en matière d'emplois et de défense des travailleurs et travailleuses.
Remarquez que je n'y crois pas vraiment; ce serait comme recommencer à croire au Père Noel ... D'autant que madame Weil ne sait probablement même pas ce que c'est que de vivre au travers d'une perte d'emplois ...
Quant à l'autre suggestion faite par madame Weil, et consistant à demander à la ministre, Agnès Maltais, qu'elle s'assure d'une collaboration la plus rapide possible de son ministère pour aider les travailleurs et travailleuses touchés, cela me laisse tout autant pantois. Comme si madame Weil venait soudainement de découvrir quelque chose. Fallait bien qu'elle puisse au moins faire une suggestion " plus positive ". Wow ! J'en suis presque ému.
Une fois encore, madame Weil aurait été pas mal plus avisée de profiter de la situation pour rappeler combien ceux et celles qui se retrouveront au chômage, dès suite de cette fermeture, ne pourront compter que sur de très faibles prestations d'Assurance-emploi, si jamais ils et elles ne se trouvent pas rapidement un autre emploi, tout cela à cause des " merveilleuses " politiques développées par Ottawa.
Encore que cela aurait cependant nécessité pour cette grande fervente du fédéralisme canadien de reconnaître en surplus que tout ne va pas nécessairement pour le mieux au niveau de son " plus grand et beau pays ", ce qui aurait été tout autant difficile. Tout comme le serait pour le Parti libéral de reconnaître le fait qu'il serait pas mieux, pour tout le Québec, si on pouvait efffectivement récupérer pour nous ce fameux programme d'Assurance-emploi.
Horreur, qu'elle dirait alors. Ce serait sans doute, dans sa tête, aussi pire que si le Québec devenait pleinement souverain.
Pour le reste, et comme si cela n'était pas assez, si vous allez sur un des nombreux sites Internet de recherche d'emplois, vous verrez qu'il existe toujours plusieurs annonces publiées par Sears pour des candidats et des candidates qui désireraient toujours postuler pour un emploi dans cette firme. Sauf qu'aucune des personnes actuellement touchées par la fermeture du centre d'appel de Montréal ne pourra postuler sur l'un ou l'autre de ces postes, à supposer qu'il ou elle le voudrait toujours. Cela s'appliquera également à tout autre poste qui pourrait éventuellement encore s'ouvrir chez Sears, d'ici à la prochaine période.
Selon les différents documents remis par Sears à chaque personne touchée par cette fermeture , en même que son avis de cessation d'emplois, il est notamment stipulé que cette personne ne pourra pas postuler sur un autre emploi chez Sears, avant au moins 13 semaines, et où la fin de sa période d'indemnité, la pluis longue de ces périodes ayant préséance.
***
(*) : André Parizeau, qui travaillait chez Sears Canada, au centre d'appel de Ville St-Laurent, dans l'Ouest de Montréal, a été parmi les premiers à recevoir son avis de cessation d'emplois. Cela s'est fait dans les minutes qui ont suivi l'annonce de la fermeture du centre. C'est donc déjà effectif pour lui.

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Chef du Parti communiste du Québec (PCQ), membre fondateur de Québec solidaire, membre du Bloc québécois, et membre de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal (SSJBM)





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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    21 janvier 2014

    Dans la page de wikipedia en anglais, on apprend qu'il a débuté chez Goldman-Sachs et fait partie de la fraternité de Yale des Skull & Bones. Un vendeur de chars entre autres...
    http://en.wikipedia.org/wiki/Edward_Lampert

  • Archives de Vigile Répondre

    20 janvier 2014

    Lire aussi ce très complémentaire:
    UN TÉMOIGNAGE SUR LE VIF
    Sears, la charte de la laicité, et le rôle de l’État    
    André PARIZEAU   
    Tribune libre de Vigile jeudi 16 janvier 2014.
    628/visites  7/messages
    Pour m'informer, je lis regulierement  :  vigile.net

  • Archives de Vigile Répondre

    20 janvier 2014

    Edward Lampert semble être de la même trempe que Mitt Romney. Son fond d'investissement, Bain Capital, ciblait des compagnies en difficulté financière, mais mais doté d'actifs intéressant à liquider.
    Il acquérait la compagnie, non pas pour la relancer, mais pour mettre la main sur les actifs, et s'en mettre plein les poches. Les employés étaient simplement de trop dans sa stratégie.
    C'est dégueulasse, mais il a passé près de s'accaparer de la présidence des É-U. Un prédateur de haute voltige.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 janvier 2014

    Les politiciens sont là pour perpétuer les disparités socio-économiques. C'est leur rôle.
    Voilà pourquoi rien n'a changé de ce côté depuis que Guy Paiement écrivait en 1990 que c'est dans les classes socio-économiques les plus défavorisées du Québec qu'il y a le plus de solitude et le moins d'enfants.
    Les politiciens trouvent des sujets comme la charte des valeurs et autres pour détourner l'attention des véritables problèmes de société, c'est à dire le problème de tous ceux qui ne peuvent se bâtir une vie et être heureux faute de moyens.
    Mais quand tu évolues dans la vraie société, tu te rends compte c'est quoi la game.
    On te fait sentir que tu es un loser et que rien ne sera fait pour toi. Tu n'es pas de la bonne clique etc...
    Tout est arrangé pour faire sentir aux moins favorisés de la société le poids de leurs échecs, échecs qui sont le résultat d'une société du chacun pour soi et du "au plus fort la poche", bref une société de la loi de la jungle.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 janvier 2014

    Il va falloir un jour que les gens comprennent que l'État, c'est tout simplement les dirigeants s'enrichissant sur le dos des dirigés.
    C'est comme ça depuis des centaines d'années. Je cite l'humaniste anglais du 16e siècle Thomas More:
    "Lorsque j’envisage et j’observe les républiques aujourd’hui les plus florissantes, je n’y vois, Dieu me pardonne ! qu’une certaine conspiration des riches faisant au mieux leurs affaires sous le nom et le titre fastueux de république. Les conjurés cherchent par toutes les ruses et par tous les moyens possibles à atteindre ce double but :
    Premièrement, s’assurer la possession certaine et indéfinie d’une fortune plus ou moins mal acquise ; secondement, abuser de la misère des pauvres, abuser de leurs personnes, et acheter au plus bas prix possible leur industrie et leurs labeurs.
    Et ces machinations décrétées par les riches au nom de l’État, et par conséquent au nom même des pauvres, sont devenues des lois."