La semaine dernière, lors de l’annonce de sa candidature à la chefferie du Parti conservateur, Jean Charest a déclaré que s’il devenait premier ministre du Canada, son gouvernement combattrait la loi 21 devant les tribunaux. Cette déclaration est lourde de sens et mérite qu’on s’y attarde.
On peut être pour ou contre cette législation. Monsieur Charest a parfaitement le droit de s’y opposer. Quand il était au pouvoir, son gouvernement a refusé de légiférer sur la laïcité, ce qui était complètement légitime. Le PLQ avait obtenu la majorité aux élections. Par contre, ce débat doit se faire entre nous. Ce n’est pas au reste du Canada ou à des juges nommés par Ottawa de nous dicter la marche à suivre sur cette question ou sur d’autres enjeux qui relèvent de nos compétences. En disant souhaiter que les juges fédéraux invalident la loi 21 avec l’aide d’Ottawa, monsieur Charest s’attaque directement à l’autonomie du Québec dans le but de la réduire.
Quand il était premier ministre, pourtant, il a défendu celle-ci à de multiples reprises, autant par ses prises de parole que par l’action de son gouvernement. «Nous sommes un peuple libre», avait-il déclaré par exemple le 30 octobre 2005, lors du 10e anniversaire du référendum, alors qu’il articulait sa vision d’un fédéralisme asymétrique.
L’année suivante, en entrevue avec le magazine français L’Express, il parlait d’un fédéralisme «qui reconnaît les besoins spécifiques du Québec». Il s’agissait pour le Canada d’«accepter notre différence, la personnalité politique singulière du Québec, et confirmer que notre statut politique n'est pas le même que celui des autres provinces».
En 2008, il réclamait plus d’autonomie en culture et disait ceci: «Lorsqu'un gouvernement déclare que le Québec est une nation, bien, avec le mot nation vient aussi son épine dorsale, qui est sa culture. C'est indissociable.»
Faut-il rappeler ici que la laïcité fait partie de nos traditions? Elle constitue un héritage important de la Révolution tranquille, quand les Québécois se sont émancipés de l’emprise que l’Église catholique avait sur l’État québécois.
Pour justifier sa nouvelle position, celui qui veut redevenir chef des conservateurs explique que la loi 21 viole la Charte canadienne des droits et libertés. Or, et l’intéressé le sait très bien, celle-ci est illégitime car elle nous a été imposée. Comme ses prédécesseurs et ses successeurs, lorsqu’il était chef de notre gouvernement, monsieur Charest a refusé de signer la constitution de 82, laquelle a donné naissance à la Charte. Mieux encore, il a utilisé la clause dérogatoire pour empêcher que celle-ci serve à invalider des lois québécoises.
Être premier ministre du Québec n’est pas une tâche comme les autres. Pour le devenir, Jean Charest a prêté un serment de loyauté envers le peuple du Québec. Même s’il n’exerce plus cette fonction sacro-sainte, l’intéressé n’est pas un citoyen comme les autres. Il demeure un ancien premier ministre qui doit demeurer loyal à sa nation.
Monsieur Charest promet désormais d’appuyer des juges fédéraux pour qu’ils invalident une loi votée par l’Assemblée nationale. Même Justin Trudeau ne va pas aussi loin! Et au moins, lui, il a l’excuse de ne jamais avoir été chef du gouvernement québécois.
On découvre maintenant quelqu’un qui déshonore la fonction de premier ministre du Québec et qui va jusqu’à vouloir restreindre son propre peuple.