Les dernières élections provinciales ont démontré toute l’importance de la thématique en lien avec l’immigration, la francisation des immigrants et l’intégration de ceux-ci à la société québécoise.
Mon impression est que ces enjeux semblent avoir pris davantage d’importance au cours de la dernière décennie. Le 9 octobre dernier, François Cardinal affirmait d’ailleurs, et avec raison, que « ces questions agiront comme lames de fond du débat public des prochaines années. »1
Y aurait-il une corrélation entre la vitesse des changements ethnoculturels ayant cours au Canada et la polarisation croissante de la population sur les enjeux d’immigration ? Je ne connais pas la réponse. Par contre, quand on épluche les projections démographiques de Statistique Canada ainsi que les données du dernier recensement, nous pouvons être certains que le Canada est présentement en pleine transformation ethnoculturelle.
Le 26 octobre 2022, Statistique Canada rendait publiques les données du recensement de 2021 concernant la composition ethnoculturelle du pays. On y apprend, entre autres, que le Canada n’a jamais été aussi diversifié sur le plan ethnique et culturel. En effet, les données dévoilées le 26 octobre dernier dévoilent que la proportion des immigrants de première et deuxième génération est de 40,6 % alors que celle des minorités visibles est de 26,5 %.
Cependant, un pas de recul nous permet de constater que depuis que le Canada s’est doté d’une politique multiculturaliste en 1971 et que le pays a ouvert l’immigration aux pays du monde entier, le Canada est sur une trajectoire de transformation profonde de sa démographie sur le plan ethnique et culturel. Et la vitesse de ces changements est directement influencée par les seuils migratoires canadiens qui sont parmi les plus élevés au monde. D’ailleurs, en 2019, juste avant la pandémie, la migration nette — immigration moins émigration — par personne était quatre fois plus élevée au Canada qu’aux États-Unis.
Quand on cherche à comprendre les tendances à long terme, il faut observer les projections démographiques réalisées sur une longue plage temporelle.
Les projections démographiques nous montrent la destination alors que les données de recensement nous indiquent où l’on se trouve par rapport à l’itinéraire.
En 2015, quatre démographes de Statistique Canada ont publié des projections démographiques allant de 2006 à 21062. Ceux-ci ont conclu que les Canadiens de 2006 seraient les ancêtres de 16,4 à 37,5 % des Canadiens de 2106 ; en d’autres mots, au tournant du XXIIe siècle, la descendance des Canadiens du XXe siècle est très largement minoritaire au Canada dans une population largement majoritaire en immigrants de première ou deuxième génération.
En 2017, Statistique Canada prévoyait qu’en 2036, jusqu’à 50 % des Canadiens seraient des immigrants de première ou deuxième génération. Le 8 septembre 2022, Statistique Canada rendait publiques des données de projection allant de 2016 à 20413. Les démographes estiment que pour 2041, « la population racisée [ou minorités visibles] pourrait représenter entre 38,2 % et 43,0 % de la population canadienne ». Ceux-ci calculent également qu’en 2041, « la population racisée représenterait une plus forte proportion parmi les jeunes cohortes, atteignant entre 44,0 % et 49,7 % parmi les personnes âgées de 0 à 14 ans ».
Dans les grandes villes, si les minorités visibles représentaient 22,3 %, 48,8 % et 51,3 % de la population de Montréal, Vancouver et Toronto respectivement, selon le recensement de 2016, ceux-ci représenteront 39,5 %, 66,8 % et 71,5 % de ces villes respectives en 2041, selon le scénario de référence des projections de Statistique Canada.
Bref, le recensement de 2021 démontre que le Canada est plus multiculturel qu’il ne l’a jamais été et les projections prévoient qu’il le sera encore bien davantage dans les prochaines décennies.