Les travailleurs québécois font les frais de la trop grande force des syndicats, de la trop grande présence du secteur public, d'un salaire minimum trop élevé ainsi que des lois du travail trop sévères au Québec, estime l'Institut Fraser.
Le Québec arrive au 41e rang sur 60 dans le classement des provinces canadiennes et États américains en matière de création d'emplois, de productivité ainsi que de niveau et de durée de chômage, rapporte une étude de 65 pages dévoilée hier par le think tank basé à Vancouver et grand défenseur des principes du marché. Terre-Neuve (50e) est la seule province à avoir fait pire au Canada, alors que l'Alberta (1re), la Saskatchewan (10e), la Colombie-Britannique (12e), le Manitoba (20e) et l'Ontario (21e) ont tous affiché de bien meilleurs scores généraux.
Si la croissance générale de l'emploi (13e) et celle de l'emploi privé (14e) se sont tout de même avérées relativement élevées au Québec au cours des cinq dernières années, dit l'étude, il en aurait été tout autrement du taux de chômage (56e), de la durée de ce chômage (42e) ainsi que de la productivité moyenne par travailleur (48e).
Cette mauvaise performance serait le fait, pense l'Institut Fraser, de la trop grande proportion de travailleurs québécois à l'emploi d'un secteur public jugé moins productif, du niveau trop élevé du salaire minimum, d'un taux de syndicalisation trop important ainsi que de lois du travail trop contraignantes pour les entreprises.
«Les travailleurs du Québec subissent les effets d'un des marchés du travail les moins performants du pays», a commenté Tasha Kheriddin, directrice de la section Québec et francophonie de l'Institut. «Le Québec aurait tout intérêt, a-t-elle dit, à privilégier une législation du travail mieux équilibrée et moins prescriptive. Il devrait aussi abaisser son niveau d'emploi dans le service public et réduire son salaire minimum en vue d'améliorer le fonctionnement du marché du travail.»
«Pas très sérieux»
Une lecture même rapide de l'étude permet pourtant de constater que le Québec n'est apparemment pas le seul cancre en la matière au pays, et qu'à l'exception du niveau du salaire minimum en Alberta, toutes les provinces canadiennes ont tendance à afficher des taux de syndicalisation, des secteurs publics, des salaires minimums et des lois du travail plus importants que dans les États américains.
«Je ne vois pas où l'Institut Fraser veut en venir avec cela, ou plutôt oui, je le sais très bien, mais ça ne fait pas très sérieux», a commenté Thomas Lemieux, professeur d'économie du travail à l'Université de la Colombie-Britannique. Pourquoi ne pas avoir comparé aussi les niveaux d'éducation ou de formation en entreprise?»
La comparaison entre les taux de chômage au Canada et aux États-Unis est un exercice périlleux, rappelle l'expert. Les études les plus rigoureuses en la matière tendent à indiquer que l'écart en faveur des Américains serait moins grand qu'on le dit et qu'en contrepartie le Canada afficherait un meilleur taux d'emploi. Sur ce plan, le Québec se situe «un peu en bas de la moyenne nord-américaine, mais c'est loin d'être catastrophique, dit-il. Je suis convaincu que, si l'on élargissait la comparaison aux autres pays de l'OCDE, le Québec se classerait très bien».
Quant aux impacts qu'auraient des facteurs comme le taux de syndicalisation, le poids relatif du secteur public ou encore le niveau du salaire minimum sur les niveaux d'emploi, tout semble indiquer qu'ils seraient «négligeables ou très faibles», explique le professeur d'économie. «Autrement, les écarts seraient beaucoup plus grands entre le Canada et les États-Unis qu'ils ne le sont actuellement.»
Ce qui ne veut pas dire que tout va bien dans le meilleur des mondes au Québec ou au Canada, précise le professeur d'économie. Le retard en matière de productivité et de salaires est bien réel. On a toutefois encore du mal à en comprendre les causes exactes. «L'étude de l'Institut Fraser aurait été plus utile si elle avait plutôt porté sur cette question», dit Thomas Lemieux.
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