Antoine Robitaille Québec — Le retour en force des partis souverainistes dans l'opinion est «tellement significatif», croit Bernard Landry, que cela «devrait faire revenir pratiquement tous ceux qui ont quitté le Parti québécois».
L'ancien premier ministre péquiste croit que la chef Pauline Marois, en créant un comité sur la souveraineté — «avec des gens que je connais bien et en qui j'ai une grande confiance» —, a remis le cap sur l'indépendance. Ce virage, il souligne l'avoir «vivement souhaité», a-t-il rappelé lors d'une interview au Devoir hier, notamment dans une lettre ouverte parue dans les journaux en début d'année. «Maintenant, c'est tous à bord et tous pour la cause!», a-t-il clamé.
Le 24 janvier, alors que le PQ croupissait au troisième rang dans les sondages et que Mme Marois traversait une grave crise de leadership, M. Landry publiait une lettre ouverte dans les journaux. Il y enjoignait aux «personnes concernées» de «penser à la patrie avant tout» après avoir désigné la stratégie de Mme Marois, la «gouvernance souverainiste», comme «un contenu inapproprié [...] toxique [...] à l'origine de nos difficultés». Plusieurs y avaient vu une attaque contre la chef — rivale de longue date de M. Landry — au moment où plusieurs souhaitaient son remplacement par Gilles Duceppe. L'ancien premier ministre a nié encore une fois hier que ce fût le cas, soutenant que c'est quelques «titreurs» qui avaient interprété sa missive ainsi. Son objectif, a-t-il répété, c'était «le fond des choses»: mettre le cap sur l'indépendance. Sa lettre a-t-elle eu un effet en ce sens? L'ancien premier ministre a dit «refuser de spéculer», «mais si ma lettre a eu un effet, bravo. Parce que j'ai eu beaucoup de commentaires positifs». Dans cette lettre du 24 janvier, M. Landry réclamait que le PQ renoue «clairement avec sa raison d'être et l'esprit du programme voté en 2005 après "la saison des idées"». Dans celui-ci, le PQ promettait un «référendum le plus tôt possible dans un premier mandat», formule abandonnée par Mme Marois en 2007.
Retours nécessaires
Quant au retour au bercail des Louise Beaudoin, Pierre Curzi, Lisette Lapointe et Jean-Martin Aussant — qui ont quitté le PQ en juin —, M. Landry l'estime nécessaire, «même s'il faudra de petites négociations» sur lesquelles il a refusé de s'étendre.
Le député de Nicolet-Yamaska, Jean-Martin Aussant, qui a fondé son propre parti, Option nationale, se réjouissait hier du fait que le PQ ait regagné en popularité. Cela l'incite-t-il à rejoindre les rangs de son ancien parti? À ses yeux, le message du PQ demeure «passablement électoraliste». Mais il rappelle que, dans les statuts de sa formation, si un autre parti a une approche jugée «suffisamment similaire» à celle d' Option nationale par ses propres membres, il pourrait établir une alliance ou même négocier une «fusion directe». Option nationale estime toutefois que l'élection d'un parti souverainiste devrait enclencher un processus vers l'indépendance.
Quant à l'autre parti qui prône la souveraineté, Québec solidaire, M. Aussant estime que l'indépendance est pour lui secondaire puisqu'il place les combats de gauche en priorité: «Pour nous, la gauche ou la droite passe par la souveraineté, alors que, pour QS, la souveraineté passe par la gauche. On croit qu'il faut être souverain avant d'être à gauche ou à droite. Avant d'être à gauche ou d'être à droite, il faut... être.»
Écueils pour les souverainistes
Selon les derniers coups de sonde de Léger Marketing, le Bloc québécois délogerait le NPD comme premier parti fédéral au Québec et le PQ formerait un gouvernement majoritaire. Le blogue Tooclosetocall.ca, de l'ex-blogueur adéquiste Bryan Breguet, qui traduit les résultats des sondages en sièges, prédisait dimanche que, selon le dernier Léger, le PQ obtiendrait 72 circonscriptions, les libéraux 33 et la CAQ 19. Québec solidaire conserverait un seul élu. Jean Charest, François Legault et Françoise David mordraient la poussière dans leur circonscription respective (Sherbrooke, L'Assomption et Gouin).
Selon des experts, la remontée du PQ et du Bloc ne signifie toutefois pas un regain pour la souveraineté. Le dernier sondage sur le sujet, fin janvier, indiquait que la souveraineté était à 43 % après répartition des indécis. Or, si l'on additionne les intentions de vote (après répartitions) des trois partis souverainistes présents dans le questionnaire de Léger Marketing, on obtient 41 % (33 % du PQ, 6 % de QS et 2 % d'Option nationale).
Pour la sociologue Claire Durand de l'Université de Montréal, experte ès sondages politiques, une tendance est indéniable depuis au moins trois enquêtes d'opinion (Forum Research, CROP et maintenant Léger): «Il y a un regain d'appui au PQ.» Mais pour la souveraineté, c'est «une autre histoire».
D'une part, cette mesure semble être devenue presque indépendante par rapport au PQ: «Même quand l'appui au Parti québécois baisse, l'appui à la souveraineté ne baisse pas. Quand l'appui au Parti québécois monte, la souveraineté ne monte pas non plus!»
Selon elle, la mesure d'appui à la souveraineté s'est muée avec le temps en «mesure d'identité». C'est la conclusion tirée par Mme Durand au terme d'études d'opinion postélectorales: «Le vote des gens pour le Bloc ou le PQ, contrairement à tous les autres partis, a quelque chose d'identitaire. On va me dire: "c'est parce que je suis souverainiste que j'ai voté ainsi". Les autres électeurs disent: "c'est à cause des politiques du parti ou à cause d'une personnalité", etc.»
Le politologue Jean-Herman Guay, de l'Université de Sherbrooke, est d'accord. «C'est un peu comme pour le catholicisme. Les Québécois se disent catholiques, mais il y reste un important écart entre l'identité et la pratique. La souveraineté apparaît comme une option qui peut être mise sur le rond d'en arrière.»
Souveraineté
Tout le monde au bercail, dit Landry
Pauline Marois a remis le cap sur la souveraineté, estime Bernard Landry.
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