Tirer la langue

C0962d5ecb1d899d1f4f0dd989ca3d06

«Résister à la puissance colonisatrice de l’anglais.»

« Je préfère être vu comme un être intolérant
en me montrant intransigeant dans ma volonté de vivre en français dans ce pays,
plutôt que de vivre le bilinguisme colonial…
Il y a aussi des dangers dans l’ouverture aux autres: par exemple, l’écartèlement. »
(J.Maurice Arbour)*
La langue, on peut la tirer de mépris ou d’effort ou encore pour qu’on nous l’examine puisqu’elle en a long à dire sur nous, mais celle que l’on parle peut, elle, se mettre à tirer dangereusement de l’arrière si l’on n’y prend pas garde.
Oh! dira-t-on, « nous avons l’Office québécois de la langue française (OQLF) qui, grâce à Camil Laurin, veille au grain depuis 1977 quant à la Politique linguistique du Québec. »
Pas si sûr. Le 17 juin dernier, on pouvait lire sur la page web d’Impératif français: « Aujourd’hui, rien n’est plus incertain car dans presque toutes ses interventions, l’OQLF, téléguidé par le gouvernement du Québec, aménage une place à l’anglais au point où l’on a de plus en plus l’impression, pour ne pas dire la certitude, que cet organisme québécois ne fait plus la promotion du français, mais du bilinguisme, de l’anglais et de l’anglicisation. »
Aussi longtemps que les Libéraux seront là pour le mettre en tutelle, il ne faudra donc pas trop compter sur l’Office. La Charte de la Langue française n’est toujours pas prisée par les « amis » du Parti.
Alors, pour cette langue française – la nôtre – qui a survécu dans ce coin d’Amérique – le nôtre – grâce à notre société « tricotée serrée » qui l’a protégée en se protégeant, est-il trop tard ?
Le 28 avril dernier, un débat se tenait à Québec sur la question. « La discussion qui avait lieu à la Chapelle de l’Amérique francophone opposait le chroniqueur du Devoir Christian Rioux, la présidente du Mouvement national des Québécois, Martine Desjardins, la chroniqueuse Anne Lagacé Dowson et le juriste Frédéric Bérard. Le sujet : « 15 ans après le rapport Larose, le français est-il en péril au Québec ? » La conclusion fut qu’il n’était pas en péril, mais qu’il était « défaillant »… « Bien vivant » mais « défaillant » ? Pas très rassurante à vrai dire, la « défaillance ».
Et quand on y ajoute ces réalités toujours plus criantes: anglicisation galopante de Montréal; assimilation des Immigrants par la loi du « plus fort »; attractivité grandissante de l’anglais pour les petit.es Québécois.es francophones qui l’apprennent maintenant en accéléré à l’école, sur internet, via les jeux vidéos, et les parents qui, souvent, en redemandent; des artistes créant et chantant de plus en plus dans la langue dominante qui, en principe, peut leur « ouvrir » le monde; mode du « franglais »… Autant de signaux d’alarme à l’effet que si nous ne l’aimons pas suffisamment, si nous la prenons pour acquise, dans l’inconscience et l’indifférence, notre langue faillira pour de bon… De défaillante, elle deviendra moribonde.
Quand j’entends Mommy, Mommy », It’s too late »… j’ai mal au coeur.
Et quand je vois – et entends – ce qui se passe sur les Plaines pendant le Festival d’été de Québec…
Le jour où les petits Québécois seront « fonctionnellement » bilingues et que le monde leur sera offert en anglais sur un plateau d’argent ($), leur langue maternelle ne leur sera plus guère utile. Alors, s’ils n’ont pas appris à l’aimer, à tenir à elle et à en prendre soin, il sera trop tard.
Pourquoi ce sujet aujourd’hui ? Parce que le Gouvernement Couillard, prenant enfin conscience (?) de son incurie, de sa « passivité » dit la Ministre Weil, après avoir constaté que les Immigrants « boudaient » les cours de français qui leur étaient offerts, vient d’annoncer une « mesure d’été » pour tâcher de les inviter à bien vouloir apprendre le français. SVP… Gentiment… Mais cela ne suffit pas. « Il ne reste que la francisation obligatoire de l’immigration qui peut inverser l’anglicisation en cours. » (Éric Bouchard dans Langue française: la non-exemplarité de l’état).
En mai dernier, Louis Cornellier publiait Le point sur la langue, un recueil d’essais sur le français, des essais d’amour pourrait-on dire, recueil duquel une chroniqueuse affirmait qu’il se voulait aussi « un appel à la résistance contre la puissance colonisatrice de l’anglais. »
C’est ce que nous devons faire: « résister » à la puissance colonisatrice de l’anglais, au risque de passer pour… des résistant.es!
Nicole Hébert


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé