Sortir de l'impasse sans discours catastrophiste

"Stoppons la réforme"



Le Réseau pour l'avancement de l'éducation au Québec (RAEQ) récuse et dénonce le discours catastrophiste des détracteurs de la réforme des programmes et tout particulièrement des gens qui, tel l'ancien premier ministre Bernard Landry, concluent sans autre forme d'examen à l'échec de la réforme à partir de résultats de jeunes Québécois à certains test internationaux. [...]
Les tests évoqués par M. Landry n'ont jamais été conçus pour évaluer la réforme québécoise. Au surplus, ils donnent des résultats divergents. C'est ainsi que Le Devoir concluait le 30 novembre dernier à l'«échec de la réforme en lecture au Québec» à partir des tests de l'Association internationale pour l'évaluation du rendement scolaire, tandis que La Presse du 5 décembre suivant nous apprenait, à partir des résultats au test PISA, que les élèves Québécois étaient des «bollés» en mathématiques et en sciences!
En fait, personne au Québec n'a à ce jour évalué comment et dans quelle mesure la réforme a été mise en oeuvre dans les écoles, ni a fortiori ses résultats. Le ministère de l'Éducation vient à peine de confier à un groupe de recherche de l'Université Laval le mandat de procéder à cette évaluation. Si on peut faire un reproche au ministère, c'est de ne pas avoir agi plus tôt. [...]
La révision des programmes
Cela étant, le RAEQ estime non seulement normal mais aussi souhaitable qu'on procède à l'examen des programmes et qu'on le fasse de façon continue et non pas à la course, à partir de commentaires non approfondis. [...]
Le RAEQ croit primordial que ces démarches se fassent en évitant de faire des gestes trop rapides qui risqueraient de créer des incohérences dans l'ensemble des visées de la réforme et de ses fondements. Mais elles doivent surtout être menées de façon transparente. Les personnes chargées à l'avenir soit de la confection des programmes, soit de leur révision, doivent être responsables de leurs recommandations tandis que les intéressés, soit au premier chef les enseignants, doivent pouvoir, au moment approprié, faire valoir leur point de vue. Il en va de la bonne réception des décisions par le milieu.
Le RAEQ estime que l'insatisfaction actuelle touchant l'application des programmes provient en partie du brouillard qui entoure leur confection. On le constate aisément du fait que tout le blâme est rejeté continuellement sur les fonctionnaires et les bureaucrates du ministère de l'Éducation alors que des milliers d'enseignants et autres employés en milieu scolaire, on le sait, ont participé et continuent de participer à la confection des programmes, comme cela se fait depuis des décennies d'ailleurs. Bref, non seulement les programmes méritent d'être soumis à un processus constant de révision, le processus même de confection et de révision mérite aussi d'être réexaminé en vue de le démocratiser davantage.
Le développement de compétences
Le RAEQ demeure par ailleurs convaincu que des programmes définis en fonction des compétences méritent d'être maintenus et soutenus parce que le développement de compétences constitue un enrichissement pour les élèves qui font des apprentissages, où leurs connaissances et autres ressources sont mises en relation pour être mieux réinvesties dans divers contextes. Il estime aujourd'hui comme hier que l'opposition tapageuse qui est faite en connaissances et en compétences est factice et fallacieuse. Nul ne peut croire que, pour être compétent, on doive être moins connaissant.
C'est tout le contraire. L'examen des programmes montre d'ailleurs que les connaissances à acquérir sont explicitement prises en compte dans chacun d'eux. La liste, déjà longue, est-elle complète? Sont-elles toutes pertinentes? Faut-il les préciser davantage? Faut-il les hiérarchiser? Toutes ces questions sont opportunes, et y répondre devrait précisément constituer une partie du mandat à confier aux instances chargées de les réviser.
Autonomie professionnelle
Par contre, une chose importe: la teneur des programmes doit favoriser l'autonomie professionnelle des enseignants et non la limiter. Or, plus on précise les programmes, plus on hiérarchise les connaissances, plus on réduit cette marge de manoeuvre. Nous ne voulons pas que les enseignants soient des techniciens de la transmission des connaissances, de purs répétiteurs des manuels scolaires. [...]
Comment pourrait-on fonctionner pour respecter cette autonomie professionnelle et la rendre efficace? Ce n'est que de cette façon que le personnel scolaire se sentira considéré à la mesure des responsabilités qui lui sont confiées. C'est tout un projet de société. [...]
Le RAEQ admet volontiers par ailleurs que le développement des compétences constitue pour les enseignants un changement de cap important au regard de leur culture professionnelle. La résistance à laquelle on assiste dans le milieu tire en partie son origine de ce fait. D'aucuns ont pris le parti de la contestation, d'autres y ont vu et y voient toujours un enrichissement pour l'apprentissage de leurs élèves. La solution viendra ici à la fois du temps mais surtout de la formation continue qu'impose, du reste, l'appartenance à n'importe quelle profession.
Il est vrai que le virage vers les compétences entraîne, sur le plan pratique, des conséquences pour la tâche. Entre l'idéal et la pratique, il doit y avoir un équilibre qui, de l'avis même de plusieurs enseignants convaincus de la pertinence du développement de compétences, n'est pas toujours atteint. La solution viendra ici à la fois de l'expérience mais aussi d'une réévaluation par l'ensemble de personnel scolaire qui peut, avec l'accompagnement et la formation nécessaires, contribuer à l'amélioration des programmes actuels.
L'intégration des élèves en difficulté
L'intégration des élèves à risque ou ayant des difficultés d'apprentissage dans les classes régulières cause aussi des difficultés. Si ce problème n'a pas en soi de lien direct avec la réforme des programmes, il lui est néanmoins lié contextuellement. Mais ici, le problème est tout différent et bien plus délicat. En effet, ce problème s'inscrit dans le cadre d'un projet de société qui renvoie à des valeurs profondes, soit la volonté commune de ne pas mettre à part socialement celles et ceux qui ont des handicaps physiques, intellectuels ou comportementaux. On doit continuer à tenir à cette valeur. En même temps, cette valeur ne saurait être absolue. L'intérêt légitime des personnes en difficulté ou handicapées ne saurait mettre en péril l'intérêt général; inversement, au nom de l'intérêt général, on ne saurait nier celui de ces personnes. [...]
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Louise Lafortune, Porte-parole du Réseau pour l'avancement de l'éducation au Québec (RAEQ)
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