Depuis quelques jours, on a vu une ribambelle de pseudo-experts s'engouffrer dans la tornade du discours catastrophique d'une école québécoise à la dérive avec une réforme qui n'en finit plus d'être galvaudée. Sans nier les problèmes auxquels est confronté le monde scolaire, il n'en est pas moins désolant de voir cette école que nous chérissons être ainsi livrée en pâture au populisme, au simplisme et à la confusion, et ce, pour des considérations plus politiques partisanes que pédagogiques.
Il faut se méfier des solutions faciles que certains veulent apporter à des problèmes complexes, car cela ne pourra qu'aggraver la situation qu'ils décrivent avec tant de véhémence.
Quoi qu'en disent certains, l'école québécoise demeure performante pour ses meilleurs élèves et elle n'a pas à rougir de ses classements internationaux. Mais il est vrai que notre école n'a pas réussi encore à relever le défi des États généraux sur l'éducation qui visaient à accroître le taux de diplômés et la réussite du plus grand nombre. Comme la plupart des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), elle a échoué dans sa mission à réduire les inégalités sociales en s'assurant de procurer, à chaque enfant du Québec, les connaissances et les compétences de base essentielles à son fonctionnement dans la société.
Les vraies causes du gâchis
Le constat est réel, mais la réforme, tout en ayant entraîné son lot de problèmes, n'est pas la seule responsable. La responsabilité incombe bien plus au ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) qui a misé sur une décentralisation accrue, a placé les écoles en concurrence autour de projets sélectifs réservés à une élite, n'a pas affecté les ressources nécessaires à la mission de l'école, en intégrant les élèves en difficulté dans les classes ordinaires et s'est refusé à diminuer significativement le nombre d'élèves dans les groupes.
En omettant d'assumer son leadership, le ministère de l'Éducation a ouvert la voie à ce gâchis dans lequel se retrouvent les élèves qui éprouvent des difficultés d'apprentissage. Ce n'est donc pas tant dans la réforme du curriculum, les approches pédagogiques ou le concept des compétences qu'il faut chercher les maux de notre système d'éducation, mais bien plus dans la mission et les moyens que l'État confie à l'école.
Les discours simplistes à rejeter
Dans l'ordre des solutions simplistes entendues au cours des derniers jours, il faut rejeter du revers de la main la décentralisation totale vers chacune des écoles, la réduction de la formation enseignante à un contenu disciplinaire sans égard pour les stratégies d'enseignement, le retour à une discipline quasi militaire et un moratoire sur des programmes qui demandent des changements immédiats.
Le MELS doit assumer pleinement son leadership et reprendre en main la mise en oeuvre du curriculum, par des orientations gouvernementales claires et la formation conséquente pour le personnel de l'éducation. Il nous faut sortir de l'improvisation et des applications asymétriques auxquelles les écoles abandonnées à elles-mêmes nous ont habitués au cours des dernières années. C'est précisément la décentralisation à outrance que préconise M. Mario Dumont qui a eu préséance dans l'instauration de la réforme. Les effets néfastes sont évidents pour tous, et il ne faudrait surtout pas que cette méthode soit imposée à nouveau.
Une profession à se réapproprier
Les enseignants doivent se réapproprier leur profession, alors que des ténors du contenu disciplinaire sèment l'illusion qu'une forte connaissance des contenus serait suffisante pour enseigner. Leur acte professionnel se fonde précisément sur la pédagogie, sur les stratégies d'enseignement et sur les pratiques adéquates. La simple transmission livresque de la matière ne nécessiterait pas une enseignante ou un enseignant, mais une antenne avec un amplificateur dans une classe. Convaincus qu'un tel procédé nous mènerait à l'échec, nous croyons qu'il est plutôt préférable de toujours être en quête des meilleures pratiques pour s'assurer qu'en plus de livrer un contenu que nous possédons bien, il en restera quelque chose pour l'élève que nous instruisons.
Quant au miracle de la discipline, c'est laisser croire qu'il n'y en aurait pas, ce qui est loin d'être le cas à l'école actuelle. Pire encore, réclamer le retour à la discipline, c'est démontrer son ignorance de la manière d'apprendre des jeunes. Laissons le soin à l'école d'encadrer les élèves sans la transformer en manège militaire. Il faut plutôt un lieu d'apprentissage où de jeunes citoyens pourront grandir dans le respect des uns et des autres.
Les solutions immédiates
Finalement, ce n'est pas d'un moratoire dans l'implantation de la réforme que nous avons besoin, mais bel et bien de solutions immédiates aux problèmes que nous connaissons dans l'école 2008. Ce serait irresponsable de ne pas agir maintenant et de laisser en plan les élèves quelle que soit leur année d'enseignement. Une révision des programmes pour mieux encadrer les connaissances, une meilleure appropriation du concept de compétence et plus de souplesse dans sa mise en oeuvre sont certes souhaitables à court terme, comme revoir toute la question de l'évaluation des apprentissages. Encore mieux, nous rêvons de classes aux effectifs réduits, à une intégration balisée des élèves en difficulté et à l'embauche des ressources professionnelles et de soutien nécessaires à un appui adéquat de l'élève et de l'enseignant dans sa pratique quotidienne.
Ce jour-là, nous aurons cessé de mettre les écoles en concurrence pour favoriser l'émergence d'une élite qui peut très bien évoluer sans cela, et nous nous mobiliserons pour que tous les enfants du Québec aient accès aux compétences et connaissances essentielles à leur vie citoyenne.
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Réjean Parent, Président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
- source
Réforme de l'éducation
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