Francis Vailles (Montréal) Le règlement sur le papier commercial pose un beau problème aux autorités. Elles doivent maintenant décider comment elles dépenseront les 138,8 millions de dollars que leur verseront les courtiers pris en défaut.
Lundi, les autorités en valeurs mobilières ont annoncé la conclusion d'une entente à l'amiable avec les courtiers qui ont vendu le papier commercial non bancaire (PCAA). L'entente les oblige à payer des pénalités totalisant 138,8 millions. De cette somme, la Banque Nationale doit à elle seule verser 75 millions.
L'entente vise également Scotia Capitaux (29,3 millions), Marchés mondiaux CIBC (22 millions), Banque HSBC Canada (6 millions), Valeurs mobilières Banque Laurentienne (3,2 millions), Financière Canaccord (3,1 millions) et Valeurs mobilières Credential (200 000$).
L'entente a été conjointement négociée par l'Autorité des marchés financiers (AMF), la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (CVMO) et l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).
Essentiellement, les courtiers se sont fait reprocher de ne pas avoir transmis à tous les investisseurs une information importante de l'émetteur de PCAA Coventree, le 24 juillet 2007.
La note de Coventree faisait état de l'exposition de chacun des conduits de PCAA aux hypothèques à risque américaines (subprimes). Seuls certains investisseurs privilégiés ont pu prendre connaissance de cette information, diffusée trois semaines avant le gel total de ce marché de quelque 32 milliards.
Les autorités leur reprochent également d'avoir continué à vendre le PCCA sans avoir mis en place les mécanismes de vérification appropriés.
L'argent aux victimes?
Hier, un article du Financial Post a soutenu que la CVMO allait redistribuer l'argent tiré des pénalités aux investisseurs institutionnels de PCAA.
Aucun des trois organismes réglementaires joints par La Presse Affaires n'a voulu commenter cette information. «Il n'y a vraiment aucune décision de prise sur l'utilisation des fonds», a notamment déclaré le porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge.
L'AMF n'utilise jamais ces pénalités pour garnir son fonds de roulement. L'argent des amendes est plutôt versé, en général, dans le Fonds d'indemnisation des services financiers ou dans le Fonds d'éducation des investisseurs.
Dans le premier cas, le Fonds a été vidé lorsque l'AMF a indemnisé certaines victimes de l'affaire Norbourg. Le fonds est même déficitaire de 24 millions actuellement. Quant au Fonds d'éducation des investisseurs, ses besoins ne dépassent généralement pas 1 million par année.
Par ailleurs, bien que la Financière Banque Nationale ait admis avoir mal agi dans ce dossier, son admission ne pourra être retenue contre elle dans d'autres litiges. Le premier paragraphe de l'entente précise justement que l'admission est faite aux seules fins de l'entente et ne peut être invoquée autrement.
La Banque Nationale, rappelons-le, est visée par une poursuite de 12,5 millions de la part du Groupe Ace Mortgage, dirigé par Hyman Bloom. L'entreprise soutient que la Banque connaissait les problèmes du PCAA et qu'elle lui a vendu les titres sous de fausses représentations.
Tout au plus, précise l'avocat d'Ace, Raymond Gagnon, la preuve amassée dans le cadre de l'entente pourrait servir, à la condition d'y avoir accès.
Actuellement, ce litige est bloqué sur une question de droit. L'an dernier, l'entente sur la restructuration des PCAA comportait une clause protégeant ses signataires contre toute poursuite pour fraude ou fausse représentation. Or, Ace soutient que cette quittance accordée par un jugement ontarien ne peut l'être que pour les créanciers et débiteurs de l'entente et non pour des tiers, comme les courtiers vendeurs. Le juge Richard Wagner doit trancher cette question de droit. S'il donne raison à Ace, son jugement donnera des munitions aux poursuivants. Le jugement risque toutefois d'être porté en appel, quel qu'il soit.
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