François Desjardins - Il serait facile — et naïf — de croire que la saga du papier commercial tire à sa fin. Oui, quatre ans et demi après l'effondrement de ce marché de 35 milliards, Coventree, architecte de la moitié du PCAA qui circulait, a indiqué que les autorités allaient demander une peine de 16,5 millions à elle et à ses deux fondateurs. Les audiences ont eu lieu mercredi et jeudi. Mais dans les hautes sphères de la réglementation des marchés, on s'interroge sur la possibilité de changer les règles du jeu. Sur le terrain de l'industrie financière, on lance un appel à la prudence.
Le document de consultation publié au printemps par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) est un océan de jargon technique, impénétrable comme c'est souvent le cas en haute finance. En gros, les ACVM songent à resserrer certaines règles et à changer quelques obligations qu'elle impose aux joueurs de l'industrie en matière de divulgation d'information.
Une des suggestions: limiter à un groupe spécifique les «investisseurs les plus aptes à apprécier les caractéristiques et les risques», l'accès aux produits titrisés du marché dispensé.
(Un produit titrisé est un instrument composé d'actifs sous-jacents, comme le PCAA qui s'appuyait notamment sur des revenus d'hypothèques, de cartes de crédit, etc. Le marché dispensé est celui où des émetteurs vendent des valeurs mobilières sans prospectus, mais dont l'acheteur est un investisseur très aguerri.)
«Il est entendu que nombre des changements proposés entraîneront des coûts. Dans le cadre de la consultation, nous évaluerons l'incidence de ces projets», peut-on lire dans le document. «Généralement», ajoute-t-il, les autres investisseurs ne pourraient acheter ces produits complexes «que si le placement était effectué sous le régime de prospectus», c'est-à-dire celui qui vise le grand public.
La période de consultation a pris fin le 31 août, mais les autorités étudient toujours les commentaires qu'elles ont reçus.
L'industrie sceptique
La réaction de l'industrie? Scepticisme et appel à la prudence. «Si les ACVM restreignent le cercle des investisseurs qui peuvent transiger sur le marché dispensé des produits titrisés, cela pourrait affecter les efforts des émetteurs et des vendeurs qui dépendent du marché public ou du marché dispensé pour lever du financement», a répondu l'Association canadienne du commerce des valeurs mobilières, qui représente 189 firmes de courtage et de placement.
De manière générale, l'Association a estimé que l'ensemble des règles proposées constituait une «réaction disproportionnée de la part des ACVM compte tenu de l'augmentation des obligations d'information qui prévalent présentement sur le marché canadien des produits titrisés» et que ces règles visaient des «risques qui n'existent pas».
Le marché fut paralysé en 2007 lorsque les investisseurs du PCAA ont commencé à craindre qu'il soit trop exposé au marché hypothécaire américain. La demande a chuté, et les détenteurs n'arrivaient plus à s'en défaire. La crise des PCAA a eu pour conséquences de geler des centaines de millions de dollars et de mobiliser des armées complètes d'avocats spécialisés pour tout reconvertir le PCAA en titres à long terme.
Résultat? En 2009, de grands établissements, dont la Banque Nationale, la CIBC et Canaccord, ont accepté de verser la somme de 140 millions aux autorités réglementaires qui enquêtaient sur les gestes qu'ils avaient posés peu avant l'effondrement du marché. Deux joueurs profondément impliqués ont refusé de participer à l'entente à l'amiable: Coventree et Deutsche Bank.
Entre autres, certains détenteurs coincés avec du PCAA accusaient leur courtier de leur avoir vendu — même dans les semaines précédant la crise — un produit qu'ils comprenaient mal.
«Nous croyons que les produits titrisés devraient seulement être vendus à des personnes qui font preuve d'un niveau minimal de connaissances au sujet des produits qu'ils achètent et des risques qui leur sont rattachés», a écrit Fair Canada, un groupe de défense des épargnants, en réponse au document des ACVM.
En 2010, le marché total des produits titrisés était de 95 milliards, en baisse par rapport au sommet de 2007, notamment à cause de la diminution du marché du papier commercial émis par les banques.
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