NEUTRALITÉ RELIGIEUSE DE L’ÉTAT

Recul et confusion

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Le PLQ est tombé dans la soupe multiculturaliste canadian

Au fond, toute la faiblesse du nouveau projet de loi sur la neutralité de l’État se résume à trois mots prononcés par le premier ministre Philippe Couillard, jeudi, à l’Assemblée nationale : « jamais, jamais […]. Jamais. » Pour lui, encadrement et répression se confondent. Pas étonnant qu’on tourne en rond.
Deux jours après son dépôt, il est maintenant clair que le projet de loi 62 « favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes » ne change strictement rien. Il se contente de « codifier la jurisprudence », comme l’expliquait le professeur de droit Louis-Philippe Lampron à Radio-Canada.

Dans les faits, on aurait donc pu s’en passer, mais le gouvernement libéral aurait traîné sa promesse non tenue de régler ces questions comme un boulet au pied. Autant essayer de s’en débarrasser en fin de session, en ayant l’air d’agir sans heurter les convictions personnelles du premier ministre Philippe Couillard, qui, lui, n’a jamais cru qu’il fallait là légiférer.

Mais les boulets ne se remisent pas si facilement. Réfléchir sur la neutralité de l’État est devenu un incontournable de la gouvernance occidentale. Hélas, le gouvernement libéral fait montre d’une incompréhension profonde de notions pourtant élémentaires dans ce dossier, au point où ce fut un jeu d’enfant pour le journaliste-animateur Paul Arcand de passer à la moulinette, jeudi matin, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, qui doit défendre le projet de loi. La confusion règne, et cela n’aide personne.

Le gouvernement libéral réduit donc la neutralité de l’État à une très subjective question d’attitude dans les interactions avec les gens. À quoi s’ajoute la nécessité de procéder à visage découvert, mais strictement pour des raisons de sécurité ou de communication. Il a choisi de faire fi du poids symbolique de signes religieux portés par des gens en position d’autorité, principe établi pour quelques fonctions par Bouchard-Taylor en 2008 et qui faisait tellement consensus que le vrai débat qui en a découlé, c’était si on pouvait en élargir la portée !

De manière tout aussi désinvolte, le gouvernement se refuse à toute réflexion sur l’égalité hommes-femmes quand celle-ci est niée par un code vestimentaire qui entend marquer l’oppression des femmes. Est-ce que le hidjab en fait partie, lui qui cache complètement aux regards des hommes la chevelure féminine ? La charte des valeurs du gouvernement Marois prétendait que oui, ce qui a créé le débat social, pour ne pas dire le déchirement, que l’on sait. Acceptons donc, pour le moment, de laisser cette discussion, par ailleurs légitime, de côté.

Mais ce qui est clair, et ce l’était même aux yeux de M. Couillard il y a peu, c’est que le tchador, lui, est une manifestation forte d’un intégrisme qui entend faire disparaître le corps des femmes ! La ministre Vallée aurait pu se reposer sur la crainte d’une contestation judiciaire pour justifier que le projet de loi ne l’interdise pas. Elle aurait même pu préciser que le gouvernement se soumet tout en trouvant troublant ce symbole d’oppression… Même pas ! Mme Vallée, aussi ministre de la Condition féminine, ne voit dans le tchador qu’un « morceau de linge » que les femmes peuvent choisir de porter si cela leur chante. Fatima Houda-Pepin, au secours : il faut sortir cette ministre de son monde enchanté !

À quoi s’ajoute cette impayable remarque : l’agente de l’État en tchador, c’est hy-po-thé-ti-que. Mais, il y a vingt ans, dans un Québec libéré des contraintes du religieux, quiconque aurait prédit le retour de ces débats dans notre quotidien aurait été pris pour un illuminé… Il faut savoir projeter la société vers l’avenir quand on légifère. Mais encore faut-il la comprendre, plutôt que de se retrancher derrière d’intraitables « jamais ».


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