En regardant le résultat des élections, les indépendantistes de gauche se disent : quel gaspillage de votes! Quel gâchis! Si les péquistes et les solidaires avaient additionné leurs appuis, ils auraient soufflé dans le cou de la Coalition avenir Québec (CAQ).
Leur conclusion : une alliance, ça presse. La semaine dernière, l'ex-ministre péquiste Réjean Hébert a même proposé la création de l'Union solidaire, nouvelle coalition des souverainistes progressistes.
Cette analyse paraît prématurée, et même risquée. Car elle présume que l'échec découle d'une erreur tactique. Or, l'échec s'explique aussi par des causes plus profondes. Ce qui urge au Parti québécois (PQ), c'est une réflexion existentielle.
Cinquante ans après sa création, à quoi sert le PQ?
Est-ce le parti qui propose l'indépendance? Si c'est le cas, il ne la propose qu'à moyen ou long terme, et il en a perdu le monopole à cause de Québec solidaire. Même si QS a d'abord été créé pour faire avancer le gauche, il attire des indépendantistes.
Est-ce un parti de pouvoir qui sert de solution nationaliste aux libéraux? Si c'est le cas, là encore, il a perdu le monopole de ce créneau, avec la victoire de la CAQ.
Ou encore, est-ce plus précisément une formation nationaliste et la plupart du temps sociale-démocrate, avec une rassurante expérience de pouvoir? C'est ce que les péquistes proposaient cet automne, et ils ont essuyé une raclée historique. Ils ont été pris en étau, écrasé entre les caquistes et les solidaires. Dans notre mode de scrutin, il y a souvent un parti de trop.
Ce diagnostic n'a rien d'original. Au contraire, les misères du PQ sont connues depuis longtemps. Ce qui a changé, c'est le pronostic. La solution habituelle, les alliances, paraît de plus en plus irréaliste.
Les péquistes ont raison de dire que l'indépendance n'est pas une question de gauche ou de droite. Si un peuple juge qu'il n'est pas libre, il fonde d'abord son pays, et choisit ensuite à toutes les élections s'il se gouvernera à gauche ou à droite.
L'alliance ponctuelle de 1995 le démontre bien. Le PQ et l'Action démocratique de Mario Dumont se sont alliés parce qu'un référendum se déroulerait à court terme.
Les Québécois ont déjà répondu non deux fois à cette question. Si le PQ veut les consulter à nouveau, il pourra conclure des alliances. Mais on en reste encore très loin...
Voilà le cul-de-sac où se trouve le PQ.
Le parti n'est pas mort - il ne compte pas moins de 85 000 membres. Mais cette force constitue en même temps sa faiblesse. Ces militants croient-ils être assez nombreux pour se convaincre de continuer de faire ce qu'ils font depuis leur défaite de 1995?
Des péquistes pourraient espérer qu'un mandat catastrophique de François Legault les rétablisse à titre de parti de pouvoir nationaliste. Mais ce serait réfléchir les doigts croisés.
D'autres pourraient se lancer dans les tactiques d'alliance, mais, on l'a vu, ce terrain paraît plus miné que jamais.
La réforme du mode de scrutin paraît la meilleure chance pour que les deux partis collaborent après les élections, à l'Assemblée nationale. Mais pas avant les élections.