Le nouveau rapport de l'Observatoire des tout-petits le confirme une fois de plus : ce sont les centres de la petite enfance (CPE) qui offrent les meilleurs services éducatifs. Dans l'ensemble, ces services y sont supérieurs à ceux offerts dans les autres garderies.
Alors pourquoi Québec ne les favorise pas davantage? Au nom du libre choix. Pour répondre aux parents qui veulent décider où ira leur enfant.
Or, leur choix est moins libre qu'il ne le paraît. Il est influencé par l'accès, le prix et l'information.
Dans la dernière décennie, ces facteurs n'étaient pas neutres. Les libéraux ont augmenté le nombre de places dans le réseau privé non subventionné. Ils les ont rendues moins chères pour certaines tranches de revenu. Et ils n'ont rien fait pour en contrôler la qualité.
Bref, en toute connaissance de cause, Québec a incité les parents à choisir le réseau de qualité généralement inférieure.
Heureusement, dans la dernière année, le ministre de la Famille, Luc Fortin, a commencé à corriger le tir. Les données de l'Observatoire, qui datent de 2003 à 2014, n'en tiennent pas compte. Mais il reste sans doute du travail à faire.
Le réseau de services éducatifs a changé de visage. En 2003, le privé non subventionné comptait pour moins de 1 % du réseau. Aujourd'hui, il totalise 22 % des places. Les CPE représentent ainsi une plus faible proportion des places. C'est la première limite au libre choix : l'accès. On ne peut pas choisir ce qui n'est pas disponible. La preuve, l'année dernière, près de 38 000 parents étaient inscrits au guichet du Ministère, en attente d'une place dans le réseau subventionné.
Il est toutefois vrai que la pénurie de places se résorbe lentement. Elle se limite désormais à certaines régions. Et M. Fortin fait désormais une plus grande place aux CPE - ils comptaient pour la majorité des 2000 places annoncées ce printemps.
La seconde contrainte au libre choix, c'est le prix. En 2015, le gouvernement Couillard a modulé les tarifs des garderies subventionnées. Pour une famille à revenu faible ou élevé (moins de 50 000 $ ou plus de 110 000 $), il est devenu un peu moins cher de choisir le réseau non subventionné. Cette réforme comptable a ainsi orienté le choix de certains parents en rendant plus avantageux le réseau privé. Même si, de façon générale, les services y sont de moindre qualité.
A priori, l'écart ne paraît pas immense (1,86 $ par jour pour un revenu familial brut de 40 000 $). Mais il reste préoccupant, car les enfants de milieux défavorisés sont à la fois ceux qui ont le moins accès à des services de qualité et ceux qui en profiteraient le plus.
Par contre, les libéraux ont adopté une mesure cruciale pour l'égalité des chances : les CPE deviendront gratuits en tout temps pour les parents prestataires de l'aide sociale. La gratuité se limitait auparavant à deux journées et demie par semaine.
À la question de l'accès et du prix s'ajoute celle de l'information. Même si un parent a accès à différents réseaux, et ce, à prix égal, peut-il vérifier lequel offre le meilleur service ? Une telle évaluation n'est pas facile à faire.
L'État a un rôle crucial à jouer pour contrôler la formation des éducatrices et la qualité des programmes.
À cet égard, les choses s'améliorent aussi. L'automne dernier, le ministre Fortin a resserré les exigences avec sa loi 143. Le réseau non subventionné devra désormais suivre le programme ministériel. Et la qualité sera aussi vérifiée. C'est un réel gain. Par contre, deux lacunes demeurent : le nombre d'inspecteurs a été réduit (de 44 à 34) et certaines garderies leur échapperont systématiquement. En effet, il y a encore environ 30 000 tout-petits québécois inscrits dans des garderies non régies par le Ministère, soit des garderies en milieu familial avec cinq enfants ou moins.
M. Fortin s'y attaque un petit peu. Il a renforcé les contrôles en matière de sécurité. Mais sa relative timidité s'explique. Hier, en même temps que l'Observatoire des tout-petits dévoilait son rapport, des parents manifestaient devant les bureaux du ministre à Sherbrooke. Ils se plaignaient de la fermeture d'une garderie illégale - elle fonctionnait sans permis, avec plus de six enfants. Le message des parents : laissez-nous choisir, on est capables de vérifier la qualité des services !
On sympathise avec ces parents - ils ne trouvaient pas de place ailleurs. Mais c'est un argument de plus pour développer le réseau dans l'ordre, en favorisant l'accès aux places de qualité et en contrôlant les services. Car tant qu'il n'y aura pas différentes options disponibles, avec de l'information sur chacune d'elles, on ne pourra pas parler de choix libre.
Un diplôme obligatoire?
L'année dernière, la Commission sur l'éducation à la petite enfance recommandait que toutes les éducatrices soient titulaires d'un diplôme d'études collégiales spécialisé. À l'heure actuelle, on exige que les deux tiers des éducatrices d'un établissement en aient un. La pénurie de main-d'oeuvre rendrait compliquée l'application à court terme de cette mesure. Mais c'est une solution à examiner à moyen et à long terme.