Par André Parizeau,
_ Chef du PCQ
Québec solidaire fera de la défense de la langue française un des thèmes centraux de la prochaine campagne électorale. Telle est l'annonce que Françoise David et Amir Khadir ont en effet fait samedi le 4 février, en marge du spectacle de "J'aime ma langue dans ta bouche" qui avait lieu le même jour, sous les auspices du Mouvement Québec Français (MQF) et qui avait justement pour but de promouvoir l'importance de ce combat.
Ceci est une excellente nouvelle .
Autant Amir Khadir que Francoise David participaient eux-mêmes au spectacle du MQF. Tous deux sont restés plutôt vagues au niveau de comment tout cela pourrait se concrétiser, mais cela était normal. Il faut en effet savoir que la finalisation de la plate-forme électorale de Québec solidaire sera le principal point à l'ordre du jour du prochain congrès de Québec solidaire, prévu au printemps.
Conséquemment, ces deux porte parole de l'organisation ne pouvaient allés trop loin dans leur annonce. Le fait qu'ils aient quand même décidé, à ce point-ci, et plusieurs semaines avant la tenue de ce congrès, de s'avancer de la sorte, démontre l'importance que la direction de Québec solidaire semble accorder à cette question et devrait être très bien reçue, aussi bien au sein des rangs de cette formation, dans une très large mesure, que dans tout le reste de la mouvance souverainiste, toutes tendances confondues.
Cela devrait du même coup aider à éliminer une certaine confusion qui avait pu s'installer des suites de la tenue du dernier congrès, au cours duquel des débats parfois assez polarisés s'étaient produits et n'avaient pas permis de dégager une orientation très claire face à toute la question de la défense du français.
Au delà d'un certain nombre d'énoncés assez généraux, la plupart des propositions très concrètes, venant des différentes associations locales, souvent très bonnes, avaient fini par être soient référées pour études futures, ou carrément abandonnées par les représentants de ces mêmes associations.
Sur la question de l'extension de la loi 101 au niveau des CEGEP, un sujet qui jusqu'à récemment avait aussi divisé le PQ -- jusqu'à ce que le congrès de 2011 décide finalement d'intégrer cette revendication au programme de ce parti; cela ne s'était cependant pas fait sans une lutte de plusieurs années puisque la direction du PQ s'y opposait férocement -- le congrès de Québec solidaire avait d'autre part et finalement décidé de ne pas appuyer cette revendication, reprenant en ce sens-là ce qui avait été pendant des années l'argumentaire de la direction du PQ. Le vote avait cependant été assez serré.
Après avoir donné l'impression, pendant un certain temps, que la direction de Québec pouvait avoir certaines réticences face à la nécessité de s'impliquer plus activement dans le combat pour la défense du français, cette toute récente prise de position de la part des deux co-porte-parole nationaux semble indiquer un net réalignement de leur part. Est-ce à dire que cela pourrait aller jusqu'à revenir sur la question de l'extension de la loi 101 au niveau des CEGEP ? Ce serait souhaitable. Il faudra voir.
Pour le moment, le ton même donné par ces deux co-porte-parole semblent tout au moins indiquer une volonté de faire plus. « La protection de la langue française est l'affaire de tous, déclarait Françoise David, lors du point de presse. Je me réjouis donc de l’initiative de tous les artistes qui vont s'exprimer haut et fort ce samedi! Faire du français la langue véritablement prédominante dans les milieux de travail mais aussi dans les services publics, les services de garde, l’école et les commerces, relève de notre responsabilité collective. »
Amir Khadir était tout aussi clair : « Les Québécois-es ne souhaitent pas revivre une année de laxisme linguistique comme ce fut le cas en 2011 avec la Banque nationale, Bombardier ou encore Hydro-Québec. Le gouvernement libéral de Jean Charest doit contraindre les fleurons de l’économie québécoise et toutes les entreprises et commerces de redonner au français toute sa place comme langue de travail. »
Le fait que Québec solidaire ait délégué leur deux co-porte-parole au spectacle du MQF est un autre geste très positif qui -- il faut aussi l'espérer -- continuera à faire des petits.
Le fait que ce spectacle avait l'appui d'un très large éventail d'artistes provenant de tous les horizons, et dont plusieurs venaient aussi des communautés culturelles, contribuait en surplus à démontrer le ridicule des arguments souvent amenés, y compris au sein des forces de gauche, et notamment au sein de Québec solidaire, pour décourager une plus grande implication dans ce combat. Ceux et celles qui disent en effet que le combat mené par le MQF serait un combat d'arrière garde, avec une vision dépassée et qui ne correspond plus au nécessité du moment, notamment en ce qui a trait à l'importance d'avoir un discours beaucoup plus inclusif vis à vis des communautés culturelles, devaient bien se demander comment ils pourront désormais continuer à défendre leur point de vue ... de plus en plus indéfendable.
Même s'il est encore trop tôt pour dire comment tout cela va finir par évoluer, une chose demeure. Après bien des hésitations, tout cela semble maintenant aller dans la bonne direction. Cela semble en même temps confirmer une des grandes règles de l'action politique, à savoir le fait que le temps finit souvent par arranger bien des choses, surtout quand les gens se mobilisent, que les pressions nécessaires continuent à se faire.
C'est d'ailleurs ce qui nous avait amené, nous au PCQ, à conclure, en décembre dernier, en parlant du dernier congrès de Québec solidaire, comme quoi l'adoption de meilleures résolutions en matière de défense de la langue, n'était peut-être que partie remise.
Chose certaine, et si ce réalignement de la part de Québec solidaire devait continuer, cela devrait aussi favoriser, à moyen ou long terme ,d'éventuels rapprochements en vue d'une possible alliance électorale avec les autres formations politiques souverainistes, nommément Option nationale, et même le PQ.
Cette fameuse question des alliances électorales continue encore aujourd'hui d'être un autre sujet chaudement débattu à l'intérieur de toute la mouvance souverainiste.
Une éventuelle alliance de ce type non seulement pourrait avoir un impact important pour battre la droite, représentée par les libéraux et la CAQ, non seulement cela pourrait également, dépendamment des modalités, aussi favoriser une relance importante du mouvement souverainiste d'une manière encore jamais vue, mais cela pourrait aussi donner à termes de bien meilleures perspectives politiques pour l'avenir du combat pour la défense du français.
Sur un autre plan,mais sur un sujet qui demeure relié, il faut aussi noter le fait que les choses semblent également évoluer d'une manière plutôt positive, du côté du PQ. Cela est particulièrement vrai des résolutions votées, lors du tout dernier Conseil national du PQ, en lien avec l'âge de vote, ainsi que l'adoption du principe des référendums d'initiative populaire. Selon les dirigeants du SPQ Libre et qui signaient tout récemment un texte sur le site de l'aut'journal à ce propos, ces résolutions, ainsi que d'autres marqueraient un repositionnement de ce parti sur une orientation plus à gauche, ou tout au moins plus centriste, par rapport à la stratégie passée qui consistait plutôt à aller plus à droite et à aller patauger dans les plate-bandes de l'ex ADQ.
Est-ce vraiment le cas ? Seul le temps le dira; on pourra alors voir aussi jusqu'où ce repositionnement pourra aller, advenant que tel serait le cas. Il faut dire qu'il reste encore bien des membres au sein de ce parti qui préfèreraient que le PQ reste plus aligné sur des positions de droite, comme en fait foi la récente sortie du député Marceau qui disait proposer qu'un futur gouvernement péquiste endosse l'idée voulant que les compagnies devraient payer encore moins d'impôts que maintenant, de manière à favoriser une meilleure reprise de l'économie.
Qu'un député du PQ en vienne à tenir un tel discours, comme pourrait le faire un député caquiste ou libéral, a de quoi laisser songeur, tout en se disant en désaccord avec les orientations de ces deux partis, a de quoi laisser songeur. Ce n'est pas sans faire penser à François Rebello...
C'est d'autant plus problématique qu'une récente étude parrainée par le CTC, soit la plus importante centrale syndicale au Canada anglais vient de conclure que ces fameuses réductions d'impôts aux compagnies n'ont finalement que très peu d'impacts sur la création d'emplois, et permettent surtout à ces mêmes compagnies d'augmenter leurs dividendes à leurs actionnaires.
On peut aussi déplorer le fait que le PQ, tout en se disant être le parti le plus ouvert à faire la politique autrement, continue encore de refuser toute ouverture par rapport au dossier d'une réforme du mode de scrutin pour y introduire une forme de proportionnelle. C'est d'autant plus absurde que le PQ est justement le parti qui, le premier, vota un appui pour une telle réforme, dans les années 70, pour ensuite mettre le tout sur une tablette, en prétextant qu'une telle réforme, avant l'avènement de l'indépendance du Québec, pourrait être problématique...
Une fois encore, le temps nous dira comment les choses évolueront également du côté du PQ. Chose certaine, si le PQ devait ultimement revenir à des positionnement un peu plus à gauche, tout en acceptant de revoir sa propre stratégie pour l'accession à l'indépendance, cela pourrait là aussi favoriser un rapprochement avec Québec solidaire et Option nationale en vue, toujours, de cette fameuse alliance électorale.
Il était en même réconfortant de voir quelqu'un comme le député du PQ, Bernard Drainville, venir dire sur les ondes de l'émission de TV Tout le monde en parle -- cela se passait ce soir même --, qu'il est toujours en faveur d'une telle alliance.
Pour le moment, Québec solidaire ne possède pas de mandat de ses instances qui lui permettrait de prendre l'initiative dans ce domaine, mais Françoise David a déjà clairement laissé entendre que toute proposition en ce sens serait certainement regardé au mérite et, au besoin, soumis à ses membres.
À tout prendre, l'évolution de la situation politique, au Québec, pourrait encore nous surprendre et il faut la encore l'espérer.
Lors du spectacle du MQF, et en surplus de Québec solidaire, le PQ et Option nationale avaient aussi leur représentants sur place. De manière non surprenante, autant les libéraux que la CAQ n'avaient pas été invités pour leur part.
Note: l'auteur de ces lignes est un des membres fondateurs de Québec solidaire; lors du dernier congrès de QS, il était avec bien d'autres au premier rang pour faire la promotion de la revendication pour étendre la loi 101 jusqu'à et y compris au niveau des CEGEP. Depuis plus plus de 2 ans, il fait également partie de ceux et de celles qui poussent pour une alliance entre QS et le PQ.