Le gouvernement Marois a fait de la refonte de la Charte de la langue française la pièce centrale de son programme législatif des prochains mois. L’opposition à son projet de loi numéro 14 est vive, à tel point que son adoption ne sera possible qu’au prix de compromis.
Le projet de loi n’est pas aussi vaste que l’était à l’origine la Charte de la langue française. Il s’agit d’une refonte apportant certains assouplissements et renforcements. Le débat qui s’est engagé ce mardi avec l’ouverture d’une consultation publique en commission parlementaire n’est toutefois pas sans rappeler celui de 1977. On entendra ad infinitum les craintes de tout un chacun. Le pire est à venir, prédisait ainsi mardi le maire de Côte-Saint-Luc, Anthony Housefather, à propos du statut bilingue de certaines municipalités.
La grande différence avec 1977 est que, minoritaire, le gouvernement Marois devra composer avec l’opposition. D’emblée, le Parti libéral a annoncé formellement ses couleurs. Il ne voit dans ce projet que coercition et retrait des droits de la minorité. Pas de surprise. Pendant ses neuf années au gouvernement, il a rejeté tout renforcement de la loi 101. Il n’est intervenu législativement qu’à la suite d’un jugement de la Cour suprême sur les écoles passerelles.
L’opposition de la Coalition avenir Québec, pour ferme qu’elle soit, apparaît moins radicale. Elle pointe trois irritants, ce qui déjà circonscrit pour le gouvernement le champ des compromis. Le premier porte sur le retrait du droit des enfants de militaires qui ont fréquenté l’école anglaise hors Québec de poursuivre ici leurs études en anglais. Le deuxième, sur le statut bilingue des villes comptant plus de la moitié d’anglophones. Et le troisième, sur l’extension aux entreprises ayant entre 25 et 49 employés de l’obligation d’obtenir un certificat de francisation.
La marraine du projet de loi, Diane De Courcy, devra trouver les compromis nécessaires. Des assouplissements sont possibles, surtout sur les modalités d’application. Il est vrai que l’obligation faite aux petites entreprises de se franciser leur ajoutera un fardeau. Elles auront besoin de souplesse. Néanmoins, il y a là un passage obligé que soulignait avec raison dans un récent avis le Conseil de la langue française, ne serait-ce que parce que les petites entreprises sont un lieu d’intégration des immigrants.
L’économie du projet de loi 14 est la valorisation de l’usage du français dans l’espace public que forment les administrations publiques, les maisons d’enseignement et les lieux de travail. Or, on observe que si la place du français dans le monde du travail avait augmenté entre 1971 et 1989, elle a depuis reculé. Le CLF relève une nette tendance à la bilinguisation. En 2006, deux travailleurs sur cinq au Québec utilisaient l’anglais au travail. Dans la région de Montréal, c’était près de trois sur cinq, où le français n’est la langue de travail que de 69 % des petites entreprises qui sont les plus enclines à exiger l’anglais lors de l’embauche.
Ce qui est en cause ici, ce n’est pas le fait que l’on puisse promouvoir le bilinguisme ou le multilinguisme dans la société québécoise. Ni le fait que l’usage de l’anglais est incontournable dans certaines circonstances, mondialisation oblige. Non, c’est que l’on voit la bilinguisation des milieux de travail comme un phénomène normal, lequel atteint même le gouvernement québécois, notait mardi le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec.
Le français a fait des progrès depuis l’adoption de la loi 101, font valoir les opposants au projet de loi 14. Il en a fait justement parce qu’il y a eu cette loi 101 et non parce qu’on a misé sur la bonne volonté. Les mesures d’incitation des libéraux dans les petites entreprises ont produit bien peu de résultats. À l’heure où la pression s’accroît sur le français, il faut une loi. Une loi qui soit faite avec respect de tous, mais une loi.
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