Depuis un an, plusieurs grandes entreprises ont annoncé des mises à pied qui frappent toutes les régions du Québec. La situation est difficile pour tous les travailleurs touchés, mais on aurait tort de tirer des conclusions hâtives quant à la situation d'ensemble de l'emploi.
En moins d'une année, des sociétés aussi importantes que Bell, Domtar, Abitibi-Consolidated, Cascades, Gildan, Cardinal, Merck, Bombardier et Norsk Hydro ont procédé à des milliers de mises à pied pour des motifs souvent similaires : ralentissement de l'économie américaine, concurrence des pays émergents, hausse du dollar et du prix de l'énergie. Il évident que ces difficultés de notre industrie manufacturière ont des répercussions sur la croissance de notre économie et nous font mal paraître, comparativement à l'Alberta, pour prendre un exemple au hasard... À preuve, dans la mise à jour économique qu'il a dévoilée hier, le ministre des Finances, M. Michel Audet, a révisé à la baisse, de 2,5 % à 2 %, les prévisions de croissance pour 2006 et 2007.
Ces données ne constituent pas une bonne nouvelle, mais ce n'est pas la crise... du moins, pas encore ! Ainsi, même si l'on a pu observer un ralentissement de la croissance des exportations au cours des sept premiers mois de 2006, par rapport à la même période l'an dernier, il s'agit tout de même d'une croissance qui s'ajoute à celle, forte, des deux années antérieures. Quant aux ventes totales du secteur manufacturier, elles ont aussi connu une augmentation de 3,5 % depuis le début de l'année.
Mais c'est du côté des services que la situation récente fut la plus positive, alors toutes les pertes d'emplois du secteur manufacturier ont été effacées par les gains dans les services. Au fil d'arrivée, si la tendance se maintient, il se sera créé 50 000 emplois au Québec en 2006, dont les trois cinquièmes sont des emplois à temps plein, contre 37 000 l'an dernier. À 8 % de chômage, le Québec affiche présentement le meilleur résultat des trente dernières années.
Autre indice de santé relative, les investissements des entreprises sont aussi en hausse depuis le début de 2006, de même que le revenu disponible des ménages qui continuent de dépenser. Même l'industrie de la construction est en hausse, beaucoup plus modeste depuis janvier qu'au cours des dernières années, on le comprend, mais en hausse quand même...
Cela dit, même si ce n'est pas la crise, il serait très dangereux de ne pas réagir aux mauvaises nouvelles qui laissent prévoir une tendance certaine au ralentissement. Au cours des quinze dernières années, nous avons profité d'un dollar faible et de prix de l'énergie avantageux. Cela a retardé le moment d'investir dans la modernisation. Or, contrairement à ce que l'on pourrait croire, il n'y a pas que l'industrie de la forêt qui est en cause puisque, selon une étude de l'Institut de la statistique du Québec (2005), c'est le secteur des services (banques, produits financiers, commerce, etc.) qui enregistre le retard le plus important en matière de modernisation des équipements. Comme par hasard, c'est aussi celui qui profite le plus de barrières protectionnistes contre les concurrents voisins. Ce retard explique une partie de l'écart qui sépare le niveau de vie des Québécois de celui des habitants du reste du continent.
Inutile de culpabiliser les individus en leur disant qu'ils ne travaillent pas assez : personne ne devient riche en travaillant davantage ! Si le Québec veut profiter pleinement du cycle de croissance qui suivra le ralentissement s'amorçant actuellement, il ne doit compter que sur sa seule capacité d'innover en investissant dans la formation de sa main-d'oeuvre, l'innovation et la modernisation des entreprises. C'est à cela que doivent s'atteler nos gouvernements.
***
j-rsansfacon@ledevoir.com
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé