Il aura fallu un peu plus de temps que prévu pour annoncer le plan d'aide à l'industrie forestière, mais cela aura été payant pour les travailleurs touchés et les entreprises. Ce plan, annoncé hier par les ministres du gouvernement Charest, est dans la plus pure tradition interventionniste des gouvernements québécois, à mille lieues de l'approche conservatrice. À tel point qu'on peut se demander si ce ne sont pas les contribuables qui font les frais de la vision à court terme de cette industrie et de l'incurie des gouvernements antérieurs.
Au cours des derniers mois, la hausse du dollar canadien et la diminution de la demande de papier journal et de bois d'oeuvre ont fait ressortir de façon dramatique les problèmes structuraux plus profonds qui affligent notre industrie de la forêt depuis longtemps.
Lors d'une sortie mémorable dont lui seul a le secret, le directeur général du Conseil de l'industrie forestière, l'ancien ministre Guy Chevrette, affirmait récemment que les trois facteurs importants auxquels les compagnies faisaient face étaient «le prix de la fibre, le prix de la fibre et le prix de la fibre». Démagogue comme pas un, M. Chevrette exigeait du même souffle que Québec réduise les coûts de production des compagnies de 300 millions par année.
Sans acquiescer en totalité à cette demande, le gouvernement Charest a tout de même consenti à prendre à sa charge certains coûts élevés comme la construction de routes, les travaux de reboisement et la lutte contre les incendies et les insectes. En revanche, Québec a rejeté l'idée de réduire les redevances sur la coupe de bois, ce qui aurait été perçu par l'industrie américaine comme une subvention directe aux entreprises.
Au total, cela représente tout de même une économie de 200 millions en quatre ans pour les forestières. Ces mesures resteront-elles en vigueur même après le retour des beaux jours ? Souhaitons que non : en effet, il s'agit de coûts qui font partie de l'exploitation de la forêt et que l'ensemble des Québécois n'ont pas à assumer en temps normal.
Même s'ils ne recevront pas la part la plus importante du plan annoncé hier, les travailleurs de l'industrie -- du moins ceux des usines, les camionneurs et les forestiers n'étant pas admissibles -- auront droit, pour une fois, à une aide digne de ce nom de la part de Québec. Ainsi, les 55 ans et plus qui ne pourront pas se placer ailleurs recevront l'équivalent de la rente maximale versée par la RRQ à un retraité de plus de 65 ans, soit 10 134 $ par année, et ce, jusqu'à l'âge de 60 ans. Quant à ceux qui souhaitent se recycler, Québec et Ottawa les accompagneront financièrement. Notons au passage à quel point Ottawa se montre pingre dans cette crise en injectant au total seulement sept des 722 millions en jeu.
Mais c'est au chapitre de la restructuration industrielle que le plan Charest se révèle le plus ambitieux d'un point de financier, avec une enveloppe de prêts de l'ordre de 425 millions destinée au financement des fonds de roulement, des projets de regroupement de scieries, d'investissements et d'acquisition d'entreprises.
La question qui se pose est de savoir si les entreprises, surtout les trois plus grandes, investiront dans la fabrication de nouveaux produits de deuxième et de troisième transformation ou si elles se contenteront de fermer des usines pour accroître leur rentabilité, comme cela a été le cas depuis cinq ans. N'oublions pas qu'au Québec, un grand nombre de scieries fonctionnent d'abord et avant tout pour fournir des copeaux aux grands frères, les papetières, qui appartiennent souvent aux mêmes groupes. Si la consolidation dans les usines de sciage se résume à une opération de réduction des coûts pour les papetières, l'argent de nos taxes n'aura servi qu'à servir les intérêts des actionnaires, pas ceux des régions.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé