Le projet de loi sur la qualité de l'air a finalement été présenté hier par la ministre fédérale de l'Environnement, Rona Ambrose. Comme prévu, ce projet confirme l'intention des conservateurs de renier la signature du Canada au bas du protocole de Kyoto au profit d'un modèle de laisser-faire calqué sur celui du gouvernement américain actuel.
Le premier ministre Stephen Harper nous avait prévenus : la loi présentée par son gouvernement ne s'attaquera pas en priorité à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), à l'origine du réchauffement de la planète, mais à toutes les formes de pollution atmosphérique à la fois. Cette approche «globale», croit-on, devrait faire oublier les objectifs de Kyoto puisque c'est le smog, et non la fonte des glaciers, qui nuit le plus à la qualité de vie des Canadiens.
De toute façon, selon «le nouveau gouvernement du Canada »ª, il était devenu impossible d'atteindre la cible de réduction de 6 % des émissions de GES sous le niveau de 1990 d'ici 2012. Les coupables, ce sont les libéraux, qui n'ont pas agi à temps. Au contraire, les conservateurs, eux, passeront à l'action grâce à un plan réaliste. Et être réaliste, pour M. Harper, cela implique de fixer des objectifs à long terme. À très long terme, en fait : 45 ans ! Et de miser d'abord et avant tout sur les technologies de demain pour résoudre le problème sans nuire à la croissance économique.
Un gouvernement conservateur incitera donc les entreprises à investir dans ces nouvelles technologies et, pour ce faire, il leur laissera du temps. Beaucoup de temps, puisque aucun objectif ne pourra être mesuré avant au moins 15 à 20 ans. Entre-temps, après 2010, de nouvelles normes entreront progressivement en vigueur, une fois toutes les consultations terminées avec l'industrie et les provinces.
Dans le cas de l'industrie de l'auto, le gouvernement utilisera l'objectif de réduction volontaire adopté l'an dernier par les constructeurs comme assise pour fixer les cibles ultérieures. Lesquelles ? On n'en sait rien. D'autres engins de transport seront aussi touchés, par exemple les VTT et les motos, ainsi que certains autres produits de consommation courante comme les lave-vaisselle, qui ne consomment pas d'essence, heureusement !, mais qui prennent trop d'énergie.
Cela étant, tout le monde se réjouira de l'adoption éventuelle de nouvelles normes en matière de protection de la qualité de l'air. Mais pourquoi attendre si longtemps et pourquoi tuer Kyoto ?
Par ailleurs, on ne peut qu'être surpris du nombre de références aux normes américaines comme objectifs à poursuivre pour tout et pour rien. Des moteurs d'auto aux contenus en particules chimiques polluantes des produits de nettoyage et de soins personnels en passant par les VTT, les peintures et les trains, le critère de référence absolu est toujours le même : la norme fédérale américaine. Jamais a-t-on vu un gouvernement canadien avoir recours de façon aussi systématique aux seules règles américaines pour établir ses propres normes nationales. Quel aveu de retard et quel à-plat-ventrisme ! Plusieurs États américains et d'autres pays du monde ont adopté des mesures innovatrices en matière d'environnement; pourquoi ne pas s'en inspirer au lieu de viser le plus petit commun dénominateur commercial ?
Ce projet de loi qu'on dit conçu pour améliorer la qualité de l'air mettra tellement de temps avant de livrer ses premiers fruits qu'il équivaut à laisser le marché et la concurrence étrangère imposer de force les règles du jeu au lieu de voir venir les coups. N'est-ce pas le pire service à rendre à notre économie ? Et pendant combien de temps les autres signataires de Kyoto permettront-ils au Canada de se défiler de la sorte ?
Voilà une autre magnifique démonstration de ce que ce gouvernement qui s'est fait élire avec un programme modéré nous réserve si, d'aventure, il obtient un mandat majoritaire à la Chambre des communes.
j-rsansfacon@ledevoir.com
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