À la veille de la conférence du G8, le président français, Jacques Chirac, donne un sérieux camouflet au gouvernement Harper. Dans une lettre envoyée à quelques journaux dans le monde dont La Presse, il déplore à mots à peine couverts la tiédeur d'Ottawa à l'endroit du protocole de Kyoto.
Isolant en termes diplomatiques le Canada et le Japon, cancres du groupe des Huit quant à la réduction des gaz à effet de serre, Paris leur demande de « donner l'exemple dans le respect de leurs engagements, comme le font l'Europe et la France ».
« À menace globale, réponse mondiale, écrit M. Chirac. On ne réglera pas le problème du réchauffement en ordre dispersé ou en multipliant les annonces unilatérales et partielles. Je suis inquiet de l'affaiblissement du régime international de lutte contre le changement climatique. Il faut renverser la tendance. »
Dans cette lettre (publiée intégralement en page A17), le président français soutient que les sept pays du G8 membres du protocole de Kyoto ont une « responsabilité particulière ».
Citant l'Europe et la France comme des exemples à suivre, excluant les États-Unis qui n'ont pas ratifié Kyoto et la Russie qui n'a pas besoin de réduire ses émissions, il ne reste donc que le Japon et le Canada. « À eux de montrer la voie pour l'après-2012, précise-t-il. Nous voulons un accord ambitieux, à la mesure de la menace qui pèse sur l'humanité; un accord qui engage tout le G8, y compris les États-Unis, ainsi que les pays émergents. »
Dans sa missive, M. Chirac écorche également l'Organisation des Nations unies qui n'est, à son avis, tout simplement pas à la hauteur pour lutter contre les changements climatiques. L'urgence de la situation commande à son avis la création, dans les plus brefs délais, d'une superstructure capable de mobiliser le monde pour affronter ce défi planétaire. Il précise qu'il demandera à ses homologues de s'engager en faveur de cette proposition lors de la conférence du G8 qui débute après-demain à Saint-Pétersbourg.
L'idée avancée par la France est de regrouper sous un même toit, celui d'une éventuelle Organisation des Nations unies pour l'environnement (ONUE), la responsabilité des quelque 600 conventions internationales sur l'environnement, dont le protocole de Kyoto. On souhaite que ce nouvel organisme devienne aussi important que la Banque mondiale ou l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
La France espère justement que le mandat d'une future ONUE soit suffisamment large pour accélérer la transition vers l'ère de l'après-pétrole et pour aider les pays émergents à concevoir un développement écologiquement responsable. L'organisation pourrait même « améliorer le fonctionnement des marchés du pétrole et du gaz ».
L'idée d'une ONUE n'est pas totalement nouvelle. Déjà en 2003, le président Chirac en avait fait une priorité. La donne est cependant différente aujourd'hui puisque l'Organisation des Nations unies est en pleine réflexion sur son avenir, sur les structures qui la compose.
C'est ainsi que Paris pousse fort pour que soit éliminé le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), programme d'envergure plutôt modeste créé il y a plus de 30 ans pour affronter les nombreux problèmes écologiques à l'échelle internationale.
Appuyée par l'Union européenne et la Chine, notamment, la France soutient que depuis 1972, les problèmes environnementaux se sont multipliés et qu'aujourd'hui, d'énormes lacunes sont constatées dans la mise en oeuvre des politiques mondiales en cette matière.
« Malgré tous les efforts engagés, nous conduisons collectivement la planète vers une catastrophe écologique en raison de la surexploitation de ses ressources, de l'extinction d'espèces, de la destruction des forêts tropicales et donc de l'amoindrissement des opportunités de développement des générations présentes et à venir », écrivaient récemment à cet égard les ministres de l'Environnement de la France, de l'Allemagne et de l'Espagne dans le quotidien Les Échos.
Dans leur croisade, les pays européens ont reçu un appui à peine voilé du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui recommande la constitution d'« une structure mieux intégrée » de gouvernance environnementale internationale.
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