Et si, au lieu de les élire, on tirait au sort nos gouvernants ?
Par exemple, au lieu d’un vote le 5 novembre, on choisirait au hasard les membres de nos conseils municipaux ! Parfois, j’aurais envie qu’on fasse le test.
Surtout après avoir lu l’essai La démocratie hasardeuse, d’Hugo Bonin (XYZ éditeur).
Ça fait au moins 25 ans que je lis sur le tirage au sort en démocratie. Attention, c’est moins fou que ça en a l’air.
Après tout, dans la mère de toutes les démocraties occidentales, Athènes, presque toutes les charges publiques étaient tirées au sort.
L’élection n’est devenue synonyme de démocratie qu’à l’ère moderne.
Et encore : les fondateurs de nos systèmes politiques avaient horreur du peuple. Ils voulaient non pas des démocraties, mais des gouvernements « représentatifs ».
D’où l’existence du Sénat canadien et ses grands pouvoirs (au moins sur papier). D’où, chez nos voisins du Sud, les « grands électeurs » aux élections présidentielles.
Tout pour éviter que les « masses » aient trop de poids. Et l’élection ne fut acceptée que parce que le vote était censitaire.
Crise
Graduellement, nos gouvernements représentatifs se sont démocratisés : le suffrage est devenu universel.
Mais nous faisons face à une crise de la représentativité semblant constamment s’aggraver. Le cynisme croît. La participation politique baisse.
Face à ces problèmes, toujours le même type de propositions : changement du mode de scrutin, référendum d’initiative populaire, révocation des élus.
Des idées non sans mérites, mais qui font fi des problèmes liés à « l’élection ».
Compétences
Des dirigeants tirés au hasard seraient-ils compétents ? Bonne question ! L’élection, elle, ne nous donne évidemment que des compétents (j’ironise, vous l’aviez compris).
Un des ennuis avec les élections, c’est qu’on a besoin de candidats, disait en substance Simone Weil. Tout le monde n’est pas psychologiquement capable de dire « votez pour moi ». Sauf les narcissiques, pour qui c’est naturel...
Vous vous dites : mais le tirage au sort, c’est dangereux ! Attention, notre démocratie l’utilise. Pour des questions graves en plus : les jurys, composés de personnes tirées au sort, décident de la culpabilité ou non d’accusés.
Autre présence subtile, mais massive du tirage au sort : les sondages, fondés sur l’opinion de gens tirés au hasard. Par leur truchement, nous sommes gouvernés par tirage au sort !
L’ennui, c’est que notre sondocratie escamote l’étape cruciale d’une bonne décision : la délibération.
Graduellement
Que faire ? Abolir les élections et les remplacer par un grand tirage au sort ? Non. Ce serait brutal. L’idéal est l’évolution à la britannique, graduelle.
Pourquoi ne pas tirer au hasard les membres d’une seconde chambre ? Le Sénat à Ottawa et un nouveau conseil législatif à Québec.
Avec du « vrai monde » qui imposerait des « vraies affaires » constamment à la première chambre élue et au gouvernement.
Je sais que ça n’arrivera pas. Mais juste d’y penser, ça nous permet de mieux comprendre certains défauts de nos démocraties.
Et c’est ce que le livre d’Hugo Bonin nous permet de faire admirablement.