La recherche d'une société juste n'a rien d'idéologique

Pour un État humanitaire

Elle ne fait que répondre à ce qu'il y a de fondamental dans l'être humain

IDÉES


Je n’ai pas d’autres mots pour décrire l’État démocratique dont le mandat principal des élus (es) serait de gérer au mieux les richesses et le patrimoine d’un pays en fonction du bien commun de toute une société. Un État qui respecterait les initiatives privées dans tous les secteurs tant et aussi longtemps qu’elles s’assujettissent aux impératifs et priorités du bien commun. Un État qui ferait sien cet adage : L’État autant que nécessaire, le privé autant que possible.
Les États, sous régime néolibéral, tels ceux qui nous gouvernent, se caractérisent, entre autres, par le contrôle oligarchique de leurs divers pouvoirs, mis au service prioritaire des oligarchies dominantes. Les préoccupations du bien commun sont reléguées au second plan. L’exercice de la démocratie, sous ce régime, se ramène à un montage où figurent des partis politiques aux multiples orientations, mais où prédominent, en général, deux grands partis aux orientations semblables. Ces derniers, hautement financés par ceux qui détiennent les pouvoirs économiques et financiers, sont garants d’une servilité à toute épreuve.
La crise économique, que vivent actuellement les sociétés néolibérales, n’est pas étrangère au dévoilement de ces dessous qui contaminent tout autant la démocratie que ceux qui en sont les principaux acteurs. Les peuples prennent toujours plus conscience qu’ils se font rouler par des prédateurs à cravate et au discours convaincant. Ils réalisent qu’ils sont de plus en plus les bouffons d’une mise en scène qui n’a d’autres objectifs que ceux de prendre leurs richesses et de leur faire payer les factures. Qu’il suffise de regarder ce qui se passe en Grèce, en Espagne, en Italie, en France et dans de nombreux autres pays.
Cette mise en scène a connu des heures de gloire dans plusieurs pays d’Afrique et d’Amérique latine. Mais voilà qu’il y a un réveil, une prise de conscience de ce grand jeu de cette démocratie, placée sous les ordres d’oligarchies. Les peuples se questionnent sur la démocratie qu’on leur présente, sur les dirigeants qui s’en font les porte-parole, sur les mains obscures qui y tirent les ficelles. Ils se demandent pourquoi les impératifs du bien commun ne s’imposent pas aux élus dont c’est pourtant le mandat. Ils ne comprennent pas que la police ou l’armée s’interpose avec agressivité et violence chaque fois qu’ils manifestent pour faire entendre leur mécontentement et faire connaître leurs revendications. Ils s’interrogent sur l’usage qui est fait des richesses que renferme leur territoire. Ils ne sont pas sans se demander comment il se fait que leurs principaux dirigeants trouvent si vite fortune et que la justice penche toujours du même bord.
Cette prise de conscience, particulièrement en Amérique latine, a fait émerger des leadeurs qui ont approfondi ces questionnements et mobilisé les populations dans le sens d’une action politique pour changer ce type de régime. C’est le cas d’Évo Morales, ex-leadeur syndical, devenu, en 2005, Président de la Bolivie. C’est également le cas d’Hugo Chavez, militaire de formation, devenu Président du Venezuela, en 1999. Il en va de même pour Rafael Correa, économiste, devenu Président de l’Équateur, en 2006.
Ces trois leaders ont en commun le fait de fonder leur action à partir des contradictions du régime politique et économique en place. Ils sont conscients du haut niveau de corruption qui existe parmi les représentants politiques et de l’influence prédominante de Washington, à travers ses ambassades et ses agences gouvernementales, sur les politiques du pays. Ils sont également conscients des grandes inégalités sociales qui existent entre les travailleurs et les classes dirigeantes. Ils se demandent pour quoi autant de pauvreté et de discrimination, alors que leur pays respectif regorge de grandes richesses.
Chacun, à sa manière, a procédé à la mise en place d’une nouvelle constitution, écrite par et pour le peuple. Cette loi fondamentale, à l’image du peuple, sert de base et de référence aux changements fondamentaux qui s’imposent dans l’organisation politique et la participation du peuple à la gestion des biens publics. Des procédures « anticorruption » ont été mises en place et une plus grande transparence de l’administration publique s’impose pour que les citoyens et citoyennes sachent. Les redevances des minières ont été augmentées. Les entreprises exploitant des secteurs jugés névralgiques pour le développement du pays ont été nationalisées. Les revenus générés, à la suite de ces changements, ont été investis, entre autres, dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’habitation et de la participation citoyenne.
Ces trois pays sont la référence première des pays émergents de l’Amérique latine. Ils sont également la cible de tous les coups bas, portés par Washington et les oligarchies nationales. Chavez a connu son coup d’État militaire en avril 2002, Correa, en 2010 et [Évo Morale->http://www.intal.be/fr/article/bolivie-et-venezuela%C2%A0-tentatives-de-coup-detat-avortees-ambassadeurs-americains-expulses
]s, en 2008. Ces trois grands leadeurs, inspiration des peuples de l’Amérique latine, mais aussi de plusieurs autres pays du monde, sont devenus des cibles à abattre. Washington, les oligarchies et l’argent de la corruption agissent pour éliminer ce régime qui place en tête de liste de ses priorités le bien commun du peuple et qui place, à l’endroit où ils doivent être, les oligarchies nationales et les représentations diplomatiques. Ces derniers, peu habitués d’occuper le second rang, n’ont plus qu’un seul rêve, reprendre le contrôle de tout.
Nos médias officiels se prêtent plus facilement pour diaboliser ces dirigeants qu’à mettre en valeur les grandes réformes apportées pour mieux répondre aux besoins de leurs peuples. Ils en arriveront même à dénigrer la démocratie participative, celle-là même qui répond le plus adéquatement à ce qu’est vraiment la démocratie : le pouvoir du peuple, pour le peuple. Ils se portent plutôt à la défense de la démocratie, dite représentative, laquelle permet à des élus de diriger, en maitres absolus, avec moins de 25 % de leur électorat. C’est évidemment plus commode pour les oligarchies minoritaires de disposer de l’ensemble des pouvoirs de l’État. C’est le cas au Canada, avec M. Harper et au Québec, avec M. Charest. Le peuple n’a absolument rien à dire sur les aventures guerrières du premier, pas plus que sur les transactions de dépossession du Québec du second.
Nouvelle de dernière heure : le président du Paraguay, Fernando Lugo vient d’être destituéde ses fonctions présidentielles par le sénat du Paraguay. Un procès politique qui ne dura que 30 heures tant pour faire connaître les accusations que pour permettre à l’intimé de faire valoir sa défense. Ce temps aura été suffisant à ce Sénat, majoritairement oligarchique, pour condamner ce Président, et le remplacer aussitôt par l’un des leurs.
On se souviendra que Fernando Lugo est cet évêque qui laissa ses fonctions épiscopales pour se consacrer à celles d’un pouvoir, destiné aux classes les moins favorisées et à l’instauration d’une plus grande justice sociale. Son gouvernement s’est inspiré d’une démocratie participative ouverte à l’ensemble de la population. Son malheur a été qu’il ne contrôlait ni le Sénat ni l’Assemblée parlementaire.
Les artistes de la légalité, sous la gouverne de leur tuteur étasunien, sont parvenus à mettre au point une procédure leur permettant de transformer l’illégitimité d’une intervention en légalité. Nouvelle manière de procéder à un coup d’État en toute légalité. Quelque chose de plus discret de ce qui s’était passé au Honduras, en 2009, lorsque les militaires, sous ordre du sénat, destituèrent le président Manuel Zalaya et l’expédièrent au Costa Rica. Reste à voir ce que le peuple paraguayen fera et comment réagiront les pays de la région. Déjà la Bolivie, l’Équateur et le Venezuela firent savoir qu’ils ne reconnaitront que Fernand Lugo, comme seul président légitime du Paraguay. Pas question d'en reconnaître un autre.
Il ne faudrait pas se surprendre que le réveil arrive jusqu’à nous et que le peuple dise «assez c’est assez». Déjà, le mouvement étudiant a sonné la cloche de la fin de la récréation de ces élus (es), véritables marionnettes au service, non pas du bien commun, mais des intérêts de ceux qu’ils servent. Le régime d’un État humanitaire sera, à n’en pas douter, l’héritage de l’ère nouvelle dans laquelle nous entrons. D’ici là les prédateurs d’hier se feront persistants pour garder leurs privilèges. Tous les moyens, pour eux, seront bons.
Oscar Fortin
Québec, le 23 juin, 2012
http://humanisme.blogspot.com

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citoyen du Québec et du monde

Formation en Science Politique et en théologie. Expérience de travail en relations et coopération internationales ainsi que dans les milieux populaires. Actuellement retraité et sans cesse interpellé par tout ce qui peut rendre nos sociétés plus humaines.





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10 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    25 juin 2012

    @ Monsieur Thompson
    Effectivement, vous avez raison, nous nous éloignons peut-être du sujet de base de M. Oscar Fortin, et je m'en excuse. Alors vous remerciant de vos commentaires, très pertinents, et comme vous le dites, cela pourrais se poursuivre très longtemps. Je vais donc à mon tour en rester là!
    Je vous laisse donc sur ce dernier propos de ce grand sage que j'aime bien lire et relire...et encore merci pour cet échange!
    /...saisissez qu'au-delà de cet échange, au-delà de vos questions et de mes réponses, de vos réponses et de mes questions, l'Absolu demeure. Bien évidemment, vous l'avez compris, l'ensemble de mes réponses n'est destiné qu'à vous faire interroger sur l'Absolu. Absolu que vous ne pouvez, ni définir, ni même comprendre, ni même approcher (comme je l'ai dit). Par contre, je pourrais, tout à fait, vous vendre, en quelque sorte, les avantages à être, avant tout, Absolu, et les inconvénients à demeurer dans le Je ou dans le Soi.
    Le premier avantage, c'est que, quoi que vous disiez, quoi que vous pensiez et quoi que vous expérimentiez, le Je et le Soi finiront avec votre départ de ce corps et donc, ni le Je, ni le Soi, ne pourront vous satisfaire, aucunement, au-delà de la durée éphémère de ce que vous appelez cette vie. L'Absolu confère, en quelque sorte, très exactement l'inverse et l'opposé de cela. C'est la fin de la mort. C'est la fin de l'oubli.
    Le deuxième avantage (qui est, certainement, pour cette vie éphémère et ce Je / Jeu éphémère) qui laisse l'Absolu Ệtre, c'est que, bien évidemment, au sein de l'Absolu, il ne peut exister aucune des fluctuations que vous vivez chaque jour de votre vie : un jour, vous êtes heureux ; un jour, vous êtes malheureux ; un jour, vous vivez le Soi ; un jour, le Soi s'éloigne de vous. Et cela est impossible dans l'Absolu. L'Absolu vous confère donc une forme de pérennité et je dirais même plus, une sécurité totale, bien au-delà du Soi. Du point de vue de l'Absolu, on peut même se poser la question de pourquoi doutez-vous ? Pourquoi n'osez-vous pas ? J'irais même plus loin : le Je a tendance à vouloir rechercher l'Éveil, l'Illumination, la Réalisation. Il s'y emploie, je dirais (pour ceux qui sont en démarche dite spirituelle), à plein temps. Mais c'est ridicule dans la mesure où l'Absolu (qui est vous-mêmes) vous ouvre ses portes et, instantanément, dès que vous supposez et proposez la possibilité de l'Absolu, et bien, Il est là. Mais, l'Ego ne vous permettra jamais de supposer cela parce qu'il est bâti, justement, sur la négation de l'Absolu. Et le Soi est, je dirais, tellement narcissique, tellement imbu de lui-même, que, lui non plus, ne permettra, jamais, à l'Absolu de s'immiscer dans cette espèce d'auto satisfaction de celui qui se croit Éveillé (ou Réveillé) à quoi que ce soit.
    Nous sommes dans des temps, sur cette Terre (que vous vivez), particuliers et intenses. Toute la question est de savoir combien de temps vous allez, en quelque sorte, résister à l'évidence, résister à la pérennité et préférer, en quelque sorte, les allées et venues entre la joie et la tristesse, l'auto satisfaction et, en quelque sorte, le déni de l'évidence de l'Ultime et de l'Absolu. Si vous vous posez, sincèrement, la question (et je vous engage à vous la poser et non pas à me la poser), vous constaterez, par vous-mêmes, qu'il est, à ce niveau là, une espèce de stupidité de l'intelligence humaine qui est très éloignée de la Vérité de l'expérience et de cet état Ultime (qui n'est pas un état). Vous passez votre temps à aller d'un état à l'autre, d'un centre d'intérêt à un autre. Et, si je vous dis que l'Absolu répond, en bloc et d'un seul coup, à l'ensemble de toutes vos interrogations, l'Ego va penser que c'est ennuyeux et que c'est ennuyant. Alors, bien sûr, il va passer son temps (au lieu de se réfuter lui-même) à réfuter l'Absolu et à s'en éloigner, à travers une recherche, hypothétique, d'une quelconque Réalisation, d'une quelconque évolution ou d'une quelconque transformation, au sein d'une linéarité qui, de toute façon, ne laisse aucune évidence à l'Infini.
    En résumé, vous êtes dans un corps limité, vous êtes dans des pensées limitées, vous rêvez de l'Illimité. Vous êtes finis, vous rêvez d'Infini mais dès que l'Infini arrive, vous rebroussez chemin. Parce que, bien évidemment, il n'y a pas de solution de continuité (comme cela a été dit) et donc, pour vous, c'est tout à fait déplorable, tout à fait illusoire, tant que vous demeurez au sein de cet Ego (cette petite personne qui est née un jour et qui mourra, de toute façon, quoi que vous fassiez, quoi que vous réalisiez). Et vous recommencez à chaque fois.

    /...ces phrases sont des résonances importantes pour vous permettre d'oser et de vous poser la question de pourquoi vous n'osez pas. Quelle est cette peur ? Quel est ce doute qui est inscrit dans ce corps (qui n'est qu'un sac de nourriture, qui est destiné à nourrir autre chose, bien sûr, à sa mort) ?. Et vous persistez à vous imaginer être ce corps et tout ce qui ne dure pas (qui n'a qu'un temps au sein de ce monde), qui est inscrit entre votre venue dans ce monde et votre départ de ce monde. Et vous rêvez d'Illimité à travers une relation avec un être aimé. Et vous rêvez de permanence de quelque chose qui serait Éternel mais en prenant bien garde de vous installer dans l'éphémère. Est-ce que vous vous rendez compte de ce ridicule, de ce qui est pensé, de ce qui est imaginé et de ce qui est projeté ? Voulez-vous sortir du ridicule ? Voulez-vous, enfin, être cette Joie Éternelle, cette Extase permanente ? Seriez-vous autant effrayés par votre propre plaisir ? Seriez-vous autant effarés de n'être que cette Source de plaisir, indicible, permanent, Éternel ?.../

  • Claude G. Thompson Répondre

    24 juin 2012

    @ Peter
    Dans la tradition hermétique, on parlait de l’esprit. Oswald Wirth décrivait ainsi le passage que vous décrivez vers l’absolu :
    “ […Ce qui distingue le Sage, c’est qu’il ne se fait aucune illusion sur la fausse réalité qui tombe sous les sens. Devant sa vue spirituelle, tout devient esprit. Le Monde lui apparaît comme le miracle de la Chose unique des hermétistes. En conservant l’Unité radicale de ce qui est, nous nous élevons à la Gnose, récompense suprême des efforts consacrés à la recherche du Vrai. Cette connaissance directe (Gnosis) se traduit en extase intellectuelle, provoquée par la contemplation du sanctuaire dont la Papesse tient les clefs. Nul ne pénètre dans le Temple où resplendit la lumière de l’Esprit; mais lorsque la matière s’évanouit devant notre perception mentale, aucun obstacle ne s’oppose plus à notre complète illumination. Pénétré par la Lumière divine, l’homme, définitivement relevé de sa chute, devient lumineux et achève ainsi le cycle de sa réintégration...] ”
    En langage psychologique, nous dirons que l’individu qui est parvenu à l’individuation a définitivement rompu avec toute attitude unilatérale et demeure centré en toutes circonstances. Il voit les choses telles qu’elles sont et demeure ouvert et réceptif face à l’inconnu. Il ne se pose jamais en juge du monde, mais en médiateur, capable de conduire les autres vers la vérité. Il parle avec son cœur et au meilleur de sa connaissance, tout en sachant que même le plus petit parmi les hommes possède les mêmes possibilités que lui de naître à lui-même. Il ne s'écoute pas, il est à l'écoute. À lui s’applique l’aphorisme « connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux ». Cette connaissance lui permet d’entrer dans un processus nouveau dont l’Univers est la pierre d’assise. Seul celui qui a contemplé les causes secrètes des choses est en mesure d’en faire profiter les autres. Toute révolution authentique repose sur d’authentiques connaissances. Autrement, on ne parlera que de révolte, de confusions, de chaos ou de désordre. L’univers est un immense chaos, mais un chaos organisé. Son expansion est infinie et ses possibilités sans bornes. Où qu’on se situe, sur l’astre et dans le système solaire que sont les nôtres ou aux confins du cosmos, les mêmes lois régissent les mêmes réalités et les mêmes principes. Pour nous, tout est affaire de vision, d’esprit.
    Sri Aurobindo écrit :
    “ […L’Esprit est la vérité de notre être. Dans leur imperfection, le mental, la vie et le corps sont ses masques; mais dans leur perfection, ils seraient ses formes. Être spirituel ne suffit pas; cela prépare un certain nombre d’âmes au ciel, mais laisse la terre exactement où elle est. Un compromis n’est pas non plus le chemin du salut. […Le monde connaît trois sortes de révolutions. Les révolutions matérielles ont de puissants résultats; les révolutions morales et intellectuelles sont infiniment plus vastes dans leur horizon et plus riches dans leurs fruits; mais les révolutions spirituelles sont les grandes semailles. […Si ces trois changements pouvaient coïncider en un parfait accord, une œuvre sans défaut serait accomplie. Mais le mental et le corps de l’homme ne peuvent pas contenir parfaitement la puissance du flot spirituel; la plus grande partie en est gaspillée et beaucoup du reste, pervertie. Dans notre sol, de nombreux labours intellectuels et physiques sont nécessaires pour obtenir une maigre récolte à partir de vastes semailles spirituelles...] ”
    Le point de vue oriental est différent parce que le contexte culturel est différent et que la contemplation et la connaissance du monde ne procèdent pas des mêmes fonctions d’orientation de la conscience que les nôtres. Tout devient alors question de perception autant que d’aperception. L’essentiel est de savoir écouter. Sri Aurobindo est sans conteste celui qui a le mieux su faire une synthèse des modes de perceptions des cultures indienne et occidentale grâce à l’étendue phénoménale de sa connaissance de chacune d’elles. Et malgré cela, il n’a pu faire autrement que de faire appel à une approche descriptive fortement marquée par une métaphysique dont le langage ne se laisse percer que dans l’abandon de l’outil de la compréhension rationnelle, pour céder la place au ressenti, au lâcher-prise et à la contemplation.
    Traditionnellement, dans la tradition monastique, on parlait de la nuit de l’âme, qui représentait la plongée dans l’inconnaissable. Dans un remarquable petit ouvrage de XlVième siècle, dont l’auteur a voulu conservé l’anonymat, il est écrit au chapitre trois, à propos de l’attitude que doit cultiver celui qui entreprend l’œuvre :
    “ […C’est pourquoi ne te relâches point, mais sois en travail jusqu'à ce que tu t’y sentes porté. Car dans les commencements lorsque tu le fais, tu ne trouves rien qu’une obscurité; et comme s’il y avait un nuage d’inconnaissance, tu ne sais pas quoi, excepté que tu sens dans ta volonté un élan nu vers Dieu. Cette obscurité et ce nuage sont, quoi que tu fasses, entre toi et ton Dieu, et ils font que tu ne peux ni clairement Le voir par la lumière de l’entendement dans ta raison, ni Le sentir dans ton affection par la douceur de l’amour.
    Donc, apprête-toi à demeurer dans cette obscurité tant que tu le pourras, toujours plus soupirant après Celui que tu aimes. Car si jamais ton sentiment vient à le connaître ou si tu dois Le voir, autant qu’il se peut ici-bas, toujours ce sera dans le nuage de cette obscurité...] ”
    Autrement dit, la découverte du soi implique sa recherche incessante. L’homme est un devenir, à l’image de l’affirmation de Jéhovah : “Je suis celui qui devient”. L’idée même de ce devenir implique le déploiement incessant de l’acte créateur tout autant que de l’ouverture de la conscience de celui qui crée. Jamais rien n’est terminé, tout est en perpétuel devenir et croire que l’on est arrivé c’est s’enliser dans l’illusion des miroitements nébuleux de la lumière lunaire. Rechercher le soi c’est avoir entendu l’appel de l’inconnaissable. Réaliser le soi, c’est explorer l’inconnu. Devenir, c’est être.
    Merci pour votre réponse. Bien entendu, nous pourrions continuer ainsi longtemps, mais dans le cadre où nous nous retrouvons pour ce faire, compte tenu de ce dont M. Fortin nous entretenait au départ, je préfère en rester là.
    Claude G. Thompson

  • Archives de Vigile Répondre

    24 juin 2012

    Bonsoir Monsieur Thompson
    Merci pour ce texte! Très intéressant!
    Il y a beaucoup de chose dans vos propos. Pour être certains que nous parlons de la même chose voudriez-vous lire SVP ce petit texte d’un Bidi indien qui répond à une question d’un occidental lors d’une conférence.
    Question : quelle est la différence entre transcendance et réfutation ?
    Faut-il déjà que ces deux termes s'appliquent à quelque chose de commun, pour parler de différence. On parle de différence de couleur de peau quand on parle d'une peau qui est blanche ou d'une autre de couleur. Quel est l'élément commun qui existe entre la réfutation et la transcendance ? Si ce n'est, je pense, dans ta tête, qu'il te faut passer de l'un à l'autre. La réfutation est une gymnastique qui vise à faire dérailler le mental, à le sidérer, en quelque sorte, à le noyer dans ses propres certitudes, dans ses propres croyances pour lui démontrer et lui montrer qu'elles n'ont aucun sens. La transcendance évoque, le plus souvent, un passage d'un état à un autre, d'un moment à un autre, passage d'un état ou d'un moment qui évoque, en quelque sorte, une transformation, une possibilité de pont de l'un à l'autre. La réfutation est tout sauf un pont parce que la réfutation est une action inscrite au sein de l'illusion, brisant l'illusion. La transcendance est posée comme condition qu'il y a un état qui doit donner un autre état. La réfutation ne permet pas de passer d'un état à un autre état. La réfutation va supprimer tous les états. Ayant fait disparaître tous les états, ce qui a toujours été là peut enfin apparaître à celui qui, si l'on peut dire, regarde. Et celui qui regarde va, en définitive, devenir cet Absolu. La transcendance est une dynamique : il y a un mouvement, apparent, supposé ou réel. La réfutation vise à détruire tout mouvement, sans effort, simplement en jouant le jeu, en quelque sorte, du mental illusoire et le jeu de la personnalité. La transcendance, c'est déjà envisager qu'il y a un passage et déjà, le plus souvent, ce passage est celui du Je, de la personnalité, au Soi. Mais il n'y a aucune transcendance entre le Soi et le non-Soi. Ce n'est pas possible. On ne passe pas d'un état à l'autre. Il n'y a pas de pont. Simplement, quand le non-Soi est établi, à ce moment-là vous pouvez repasser dans le Soi et dans le Je. Et cela devient, pour vous qui êtes dans la forme, un jeu, mais c'est valable dans ce sens. On peut dire que le pont existe dans ce sens et que réellement, là, oui, il y a transcendance : du non-Soi vers le Soi. Éventuellement, du Soi vers le Je. Il y a transcendance du Je vers le Soi, mais il ne peut y avoir transcendance du Soi au non-Soi. Il n'y a pas de pont. Le pont ne se construit que dans l'autre sens. C'est un pont à sens unique, mais qui permet le double sens, après.
    La transcendance ne peut donc concerner l'Absolu. La transcendance ne concerne que le passage du Je au Soi. Le problème du Soi, soit-il le plus vaste, est toujours un enfermement. Avant d'être le Soi, avant que ce corps n'existe, avant que ce sac de nourriture apparaisse, est-ce que le Soi était là ? Est-ce qu'il y avait une conscience pour l'observer ? L'Absolu est tout sauf la conscience, tout sauf le Soi, tout sauf le Je, parce que le Soi comme le Je sont éphémères. Il ne peut exister de transcendance, dans ce sens-là. La transcendance est utile pour celui qui veut passer du Je au Soi. Mais cette transcendance ne peut être mise en avant, en aucune manière, dans le passage du Soi au non-Soi, puisqu'il n'y a pas de passage. Cela rejoint la problématique de la question et de la réponse. Tant que vous cherchez un passage (qui n'existe pas), tant que vous envisagez une transcendance, il y a (sous-entendu, en vous) le besoin de persistance au sein d'une identité, qu'elle soit limitée comme le Je, ou vaste comme le Soi. Mais vous n'êtes pas une identité, encore moins une histoire, quelle que soit l'histoire, parce que l'histoire se déroule dans l'illusion. Vous êtes bien au-delà de toute histoire ou de toute transcendance. Vous ne pouvez y arriver en adoptant de tels points de vue. Parce que vous ne savez pas, vous n'avez aucune conscience de ce qui était avant ce sac de nourriture, et même si vous connaissez d'autres sacs de nourriture qui étaient supposément vous, avant, dans d'autres vies, où étiez-vous entre les deux sacs de nourriture ? Que faisiez-vous ? Si vous avez la réponse à cela, alors la réponse est vraie. Mais tout ce que vous supposez avant est faux.
    La réfutation est d'accepter de se servir de l'outil qui croit toujours avoir raison pour lui montrer qu'il n'est pas la raison, qu'il n'y a aucune logique dans la raison, que cette logique ne peut que servir dans l'illusion pour maintenir l'illusion, pour entretenir l'illusion, pour nourrir l'ego ou nourrir le Soi. Mais l'Absolu ne peut être nourri par cela. Je dirais qu'il l'étouffe un peu plus, qu'il le noie un peu plus. Rappelez-vous : le Je, le Soi, feront tout ce qui est en leur pouvoir pour que jamais vous ne soyez immobiles, pour que jamais l'Absolu soit vécu. Il n'y a que la réfutation. Il n'y a aucune méditation, aucune spiritualité, aucune Vibration, qui peut vous conduire au non-Être. Certes, cette transcendance du Je au Soi, dans les premiers temps, est utile (voire même indispensable parce qu'elle va rassurer le Je, le Soi), démontre que le Je est illusoire. Mais qui va démontrer que le Soi est illusoire ? Personne, parce que le Je n'est plus là quand le Soi est là. Il vous faut donc non pas transcender mais faire taire tout ce qui est le Soi. Mais ce faire taire ne peut se réaliser de là où vous envisagez d'être. Aucunement. Cette transcendance, ainsi nommée, n'est en fait que la réfutation qui permet de saper les fondements du Je et du Soi, créant (et le terme est exact) un court-circuit. Qu'est-ce que c'est qu'un court-circuit ? C'est justement ce qui ne va pas emprunter le circuit naturel et qui fait donc disjoncter ce qui ne sert à rien.
    La réfutation est se servir (en quelque sorte, dans l'exemple que j'ai pris) du courant existant, de cette vitalité éphémère soutenue par le corps de nourriture (quels que soient les noms savants que vous employez : chakra, Kundalini, Êtreté), pour le faire disjoncter. À ce moment-là, la réfutation va vous faire déboucher sur ce qui est réel parce que comprenez que le réel ne peut pas changer, parce que s'il change, il n'est pas le réel. Le réel est immobile. Il n'a que faire du monde, il n'a que faire de vous, de votre histoire, de toute histoire. Et vous êtes cela. Rien d'autre. Et donc si tu poses calmement cette réfutation, tu comprendras qu'il n'y a rien à chercher ni à trouver parce que tout a toujours été là.
    Mais il faut cesser tous les Je, tous les Soi, toutes les parodies de spiritualité. Même la Joie, qui a tant été utile dans votre chemin, doit être transcendée mais ne peut être transcendée. C'est, en fait, le rire de l'Absolu qui fait le passage, mais pas dans l'autre sens. Dans ce sens-là et seulement dans celui-là. Alors, si tu ris de toi, si tu ris de ton Soi, si tu te ris de tout, d'abord cela va t'angoisser, parce que la spiritualité, c'est sérieux, n'est-ce pas ? On parle d'éternité, on parle de permanence, d'immanence, de transcendance. Mais il faut rire de tout cela. Parce que cela change, et tant que quelque chose change, ce n'est pas réel. Et toi-même tu changes tous les matins, donc ce n'est pas réel. C'est l'ego qui va te faire croire ça, qui va apporter une substance à ce qui est irréel. Le réel ne peut changer. Il est Absolu. Tout ce que tu manifestes change : ton humeur, ton physique, celui qui observe.
    Si je peux m'exprimer ainsi, va vers le vide, va vers ce que ton ego appelle le néant. Et tu trouveras ce qui est plein, ce qui ne bouge pas, ce qui ne change pas. Cela a toujours été là et tu Es cela. Tu découvriras alors que tu n'as pas à te gargariser d'Amour ou de Lumière parce que c'est très exactement ce que tu Es, et tu N'es rien d'autre. Si tu envisages la Lumière et l'Amour comme extérieurs à toi, comme une quête, comme une recherche, tu ne pourras jamais les trouver. Tu ne pourras que les voir, parce que tu t'es distancié et séparé de ce que tu Es, dans le réel. Tu as juste à Être cela, dans le non-Être, dans le non-Soi. Tu veux être heureux ? Il n'y a pas d'autre chose pour être heureux. Tout le reste ne fait que passer. Même la Joie. Même la Kundalini. Même les chakras. Que deviennent tes chakras quand tu meurs ? Que devient ta Kundalini quand tu meurs ? Peux-tu emporter ta Kundalini de l'autre côté ? Qu'est-ce que tu emportes ? Vas-tu emporter tes souvenirs ? Vas-tu emporter ton histoire ? Tout cela change. Ce n'est pas réel. Et tu Es réel.
    Réfute et tu verras ce qui se passe et qui a toujours été là. Transcende si tu veux, mais surtout réfute. Transcender ne suffit pas. Réfuter suffit, totalement. Reste tranquille. Apprends à rester tranquille. Ce que vous nommez la spiritualité vous fatigue plus qu'autre chose. Remerciez, même, de ne pas comprendre. Remerciez, même pour ceux qui n'ont pas vécu le Soi, parce que le champ est libre pour le réel et pour le non-Soi. On n'accède pas au non-Soi à partir du Soi, même si c'est une étape qui semble réelle. Le non-Soi n'a que faire du Soi et encore moins du Je. La Source sort de l'Absolu. L'Absolu contient la Source. La Source ne contient pas l'Absolu, même si l'Absolu est présent dans la Source. Il ne peut en être autrement. De même que ton Je est rendu possible par l'Absolu. Et il ne le sait pas. Si tu réfutes ainsi, de cette manière, tes progrès (si tant est que l'on puisse parler de progrès) seront foudroyants. Mais rappelle-toi que l'ego va tout faire pour te dire que c'est stupide, alors que c'est lui qui est stupide. N'attache aucune importance à ce qui passe. Et toi d'ailleurs tu ne fais que passer. Rends-toi compte de cette absurdité. Ce que tu Es est Absolu. L'erreur est de croire que ce corps, cette histoire, ce chemin, sont l'Absolu. L'Absolu permet cela. S'il n'y avait pas d'Absolu, il n'y aurait pas de Je, pas d'histoire, rien. Or il n'y a pas rien. Tout au plus la perception du néant, de l'angoisse, mais même cette angoisse est sous-tendue par l'Absolu. Sans Absolu, pas d'angoisse. Mais tout cela est à réfuter. Parce que si je te demande de transcender une angoisse, comment vas-tu faire ?

  • Archives de Vigile Répondre

    23 juin 2012

    M. Déry, "L'État autant que nécessaire, le privé autant que possible" présuppose que les mandataires de l'État accordent au bien commun la priorité première sur toutes les autres et qu'ils ne soient pas, comme c'est actuellement le cas, des marionnettes d'oligarchies. Les exemples donnés du Venezuela, de la Bolivie et de l'Équateur mettent en évidence des dirigeants qui répondent à ce mandat du bien commun. Ils remettent à leur place les multinationales et les oligarchies qui empiètent sur ce bien commun. Ils ne sont pas contre le privé, mais ils sont contre ceux qui empiètent sur le bien commun. En somme, c'est à l'État que revient le pouvoir de gérer le bien commun et de prendre les moyens appropriés pour y parvenir. Ce n'est pas l'affaire du privé. En ce sens il faut que nos dirigeants aient les mains libres et qu'ils agissent d'abord et avant tout au service du peuple. Sinon nous retombons dans le piège dans lequel nous sommes actuellement.

  • Claude G. Thompson Répondre

    23 juin 2012

    @ Peter
    Vous écrivez : “[…De mon point de vue, l’Amour, la Connaissance, la Félicité, la Vie et l’Unité dont parlait Sri Aurobindo ne s’appliquent que très peu, sinon pas du tout à ces hommes. Ils ont peut-être transcendé le JE egocentrique de la personnalité pour le SOI spirituel qui veut améliorer la situation de son peuple et du monde, mais tant que le SOI lui-même ne sera pas transcendé à son tour, l’Amour, la Connaissance, la Félicité, la Vie et l’Unité ne resteront que des mots entre les mains du SOI : une sorte d’ego assagit, mais non totalement transmuté. L’Amour, la Connaissance, la Félicité, la Vie et l’Unité ne peuvent se Vivre qu’au-delà du Soi. Tant que le Soi demeure, il y a encore de l’ego présent…]”
    Aurobindo était au départ un homme politique et il versa dans l’emploi de la force violente et les attentats armés. Il fut emprisonné et c’est au cours de son séjour en prison qu’il vécut ses premières expériences d’éveil. Il renonça à la politique et décida de travailler autrement à la libération de son pays.
    Par ailleurs, on ne peut pas transcender le Soi parce qu’il est transcendant. L’ego seul peut y donner accès. Mais pour cela, il faut l’épurer parce qu’au départ, toutes nos souffrances sont le produit de l’ego qui tente de se maintenir dans un sentiment de continuité, de solidité et de permanence alors que toutes ses tentatives sont vouées à l'échec. L'ego ne saurait avoir une continuité, son rôle étant simplement d'assurer notre conscience d'exister à travers une personnalité définie en continuel devenir. Rien ne saurait survivre de lui sinon le souvenir confus d'événements que l'on voudrait voir revenir et qui sont passés à jamais. Il naît de la succession des événements de notre vie dont chacun représente un instant qui s'est fixé dans la matrice qui le constitue. Cette fixation crée une impression de permanence à laquelle il est impossible de s'accrocher sans devoir vivre dans l'illusion, loin de l'ici maintenant. Nos relations avec les objets ou les circonstances extérieures sont fugaces et momentanées et engendrent des pensées ou des sentiments de continuité et de solidité, lorsqu'elles sont répétées suffisamment longtemps. Ainsi, nous créons-nous une image illusoire de nous-mêmes autour d'un ego qui ne périra pas. Nous construisons autour de nous et en nous un rempart de protection afin de nous persuader qu'il en est ainsi, et nous fuyons toutes les occasions ou les circonstances qui pourraient venir mettre en péril la solidité de notre construction tout en en déniant la permanence. Notre peur d'être confrontés à ce déni constitue notre prison, alors que seules la reconnaissance et l'acceptation de notre impermanence peuvent nous donner la possibilité de mourir à la souffrance et de renaître à la vie dans son aspect créateur.
    Il nous faut pour cela comprendre la nature de l’ego. Il nous faut d'abord constater qu'il n'existe pas comme individualité permanente, mais qu'il est constamment changeant et que seules nos pensées ou nos conceptions erronées nous donnent le sentiment de sa continuité. Il nous faut ensuite aller au-delà du constat de l'absence ou de la non-existence réelle de l'ego et prendre conscience que si nous avons pu observer qu'il y avait ou non ego, il fallait qu'il y ait un observateur. Tout comme la formation du processus amenant à l'idée d'un ego est relative aux événements s'enchaînant au cours de l'existence et en formant la trame, la prise de conscience de ce processus doit s'accompagner d'un nouveau type de relativité introduisant l'observateur et l'objet observé. Il n'est pas suffisant de dire que l'ego n'existe pas parce que les choses changent continuellement. On s'accroche ainsi au changement permanent comme à quelque chose de solide alors que « changement » implique nécessairement « fluidité », voire « impermanence ». "La seule chose qui ne change jamais, c'est le changement". Cette boutade implique donc qu'il y a dans la vie une continuité, mais qu'elle n'a rien à voir avec ce que nous associons à l’ego et à ses tentatives de rendre permanent ce qui n'est que passager.
    L'idée de l'absence d'ego ne fait pas disparaître la réalité de la naissance, de la souffrance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort, ni ne saurait en prouver la non-existence. Que nous arrive un malheur et nos belles théories ont tôt fait de se dégonfler. La prise de conscience de l'existence de l’ego peut au contraire nous permettre d'expérimenter pleinement la souffrance en lâchant prise à toutes les idées préconçues sur ce qu'elle est ou devrait être. On vit ainsi dans l'instant présent et tout ce qui survient, plaisir et douleur, naissance et mort…, est vécu et expérimenté dans sa plénitude, sans arrière-pensée et sans interférence. On fait pleinement l'expérience des choses sans idées préconçues. On constate alors que la souffrance recèle la félicité, que l'impermanence recèle l'éternité et que l’épuration de l’ego révèle l'être réel en soi.
    Quant au Soi, personne ne l’a mieux défini que C.G. Jung qui en décrivait ainsi la nature :
    “ […Le Soi est une entité «surordonnée» au moi. Le soi embrasse non seulement la psyché consciente, mais aussi la psyché inconsciente, et constitue de ce fait pour ainsi dire une personnalité plus ample, que nous sommes aussi... cela dépasserait nos possibilités et nos virtualités de représentation que de nous discerner en tant que Soi, car cette opération mentale présupposerait que la partie puisse embrasser le tout. Il n'y a pas lieu de nourrir l'espoir d'atteindre jamais à une conscience approximative du Soi; car, quelque considérables et étendus que soient les secteurs, les paysages de nous-mêmes dont nous puissions prendre conscience, il n'en subsistera pas moins une masse imprécise et une somme imprécisable d'inconscience qui, elle aussi, fait partie intégrante de la totalité du Soi. De sorte que le Soi restera toujours une grandeur, une entité «surordonnée»…].”
    Pour moi, des hommes politiques comme ceux dont nous a parlé M. Fortin son beaucoup plus près de l’idéal dont traite Sri Aurobindo dans son texte que ne le furent jamais les nôtres.
    Claude G. Thompson

  • Francis Déry Répondre

    23 juin 2012

    "L’État autant que nécessaire, le privé autant que possible."
    Il y a un piège dans cet idéal. Le privé peut se lancer dans la conquête de l'État via la croissance monstrueuse de certains conglomérats, à l'image de Paul Desmarais au Québec (quoique que celui-ci s'est plutôt déchargé de ses actifs pour investir ailleurs), le clan Irving au Nouveau-Brunswick, et dans une moindre mesure, Saputo et D'Accurso.
    L'Etat devient alors une officine pour s'octroyer des contrats. Le modèle PPP.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 juin 2012

    Bonjour Monsieur Thompson
    Vous écrivez…
    Qu’est-ce qui distinguent ces individus ?
    Pour moi, il est clair qu’ils se sont libérés de l’égoïsme instinctif pour accéder au soi. Ils incarnent le sacrifice du moi égoïste et le triomphe du soi altruiste dont les attributs sont ceux de la perfection morale, du courage et de l’abandon. Leurs mots d’ordre sont abnégation et désintéressement.
    Ces mots de Sri Aurobindo définissent admirablement bien leur quête :
    “Qu’y a-t-il de nouveau que nous ayons à accomplir ? L’Amour, car jusqu’à présent, nous n’avons accompli que la haine et notre propre satisfaction ; la Connaissance, car jusqu’à présent nous ne savons que faire erreur, percevoir et concevoir ; la Félicité, car jusqu’à présent nous n’avons trouvé que le plaisir, la douleur et l’indifférence ; le Pouvoir, car jusqu’à présent nous n’avons accompli que la faiblesse, l’effort et une victoire toujours défaite ; la Vie, car jusqu’à présent nous ne savons que naître, grandir et mourir ; l’Unité, car jusqu’à présent nous n’avons accompli que la guerre et l’association.”
    De mon point de vue, l’Amour, la Connaissance, la Félicité, la Vie et l’Unité dont parlait Sri Aurobindo ne s’appliquent que très peu, sinon pas du tout à ces hommes. Ils ont peut-être transcendé le JE egocentrique de la personnalité pour le SOI spirituel qui veut améliorer la situation de son peuple et du monde, mais tant que le SOI lui-même ne sera pas transcendé à son tour, l’Amour, la Connaissance, la Félicité, la Vie et l’Unité ne resteront que des mots entre les mains du SOI : une sorte d’ego assagit, mais non totalement transmuté. L’Amour, la Connaissance, la Félicité, la Vie et l’Unité ne peuvent se Vivre qu’au-delà du Soi. Tant que le Soi demeure, il y a encore de l’ego présent.

  • Claude G. Thompson Répondre

    23 juin 2012

    M. Fortin.
    Vous écrivez : […Cette prise de conscience, particulièrement en Amérique latine, a fait émerger des « leadeurs » qui ont approfondi ces questionnements et mobilisé les populations dans le sens d’une action politique pour changer ce type de régime. C’est le cas d’Évo Morales, ex-leadeur syndical, devenu, en 2005, Président de la Bolivie. C’est également le cas d’Hugo Chavez, militaire de formation, devenu Président du Venezuela, en 1999. Il en va de même pour Rafael Correa, économiste, devenu Président de l’Équateur, en 2006…]”.
    Qu’est-ce qui distingue ces individus?
    Pour moi, il est clair qu’ils se sont libérés de l’égoïsme instinctif pour accéder au soi. Ils incarnent le sacrifice du moi égoïste et le triomphe du soi altruiste dont les attributs sont ceux de la perfection morale, du courage et de l’abandon. Leurs mots d’ordre sont abnégation et désintéressement.
    Ces mots de Sri Aurobindo définissent admirablement bien leur quête:
    “Qu’y a-t-il de nouveau que nous ayons à accomplir? L’Amour, car jusqu’à présent, nous n’avons accompli que la haine et notre propre satisfaction; la Connaissance, car jusqu’à présent nous ne savons que faire erreur, percevoir et concevoir; la Félicité, car jusqu’à présent nous n’avons trouvé que le plaisir, la douleur et l’indifférence; le Pouvoir, car jusqu’à présent nous n’avons accompli que la faiblesse, l’effort et une victoire toujours défaite; la Vie, car jusqu’à présent nous ne savons que naître, grandir et mourir; l’Unité, car jusqu’à présent nous n’avons accompli que la guerre et l’association.”
    Merci pour le courage dont vous faites montre en vos convictions.
    Claude G. Thompson

  • Claude G. Thompson Répondre

    23 juin 2012

    M. Fortin.
    Vous écrivez : […Cette prise de conscience, particulièrement en Amérique latine, a fait émerger des « leadeurs » qui ont approfondi ces questionnements et mobilisé les populations dans le sens d’une action politique pour changer ce type de régime. C’est le cas d’Évo Morales, ex-leadeur syndical, devenu, en 2005, Président de la Bolivie. C’est également le cas d’Hugo Chavez, militaire de formation, devenu Président du Venezuela, en 1999. Il en va de même pour Rafael Correa, économiste, devenu Président de l’Équateur, en 2006…]”.
    Qu’est-ce qui distingue ces individus?
    Pour moi, il est clair qu’ils se sont libérés de l’égoïsme instinctif pour accéder au soi. Ils incarnent le sacrifice du moi égoïste et le triomphe du soi altruiste dont les attributs sont ceux de la perfection morale, du courage et de l’abandon. Leurs mots d’ordre sont abnégation et désintéressement.
    Ces mots de Sri Aurobindo définissent admirablement bien leur quête:
    “Qu’y a-t-il de nouveau que nous ayons à accomplir? L’Amour, car jusqu’à présent, nous n’avons accompli que la haine et notre propre satisfaction; la Connaissance, car jusqu’à présent nous ne savons que faire erreur, percevoir et concevoir; la Félicité, car jusqu’à présent nous n’avons trouvé que le plaisir, la douleur et l’indifférence; le Pouvoir, car jusqu’à présent nous n’avons accompli que la faiblesse, l’effort et une victoire toujours défaite; la Vie, car jusqu’à présent nous ne savons que naître, grandir et mourir; l’Unité, car jusqu’à présent nous n’avons accompli que la guerre et l’association.”
    Merci pour le courage dont vous faites montre en vos convictions.
    Claude G. Thompson

  • Archives de Vigile Répondre

    23 juin 2012

    Grand merci pour cette information concernant Fernando Lugo et le Paraguay.