Plusieurs voies peuvent être ouvertes pour contester la loi sur la laïcité

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Le pouvoir de désaveu pourrait être invoqué par Ottawa


La réticence des chefs de partis fédéraux à intervenir dans une contestation judiciaire de la loi québécoise sur la laïcité donne l’impression erronée, peut-être, que le gouvernement canadien ne peut rien faire à ce sujet.


Après tout, le gouvernement du Québec a invoqué la disposition de dérogation prévue dans la Constitution pour empêcher que sa loi soit invalidée parce qu’elle contreviendrait à la Charte des droits et libertés.


Toutefois, des experts constitutionnels soutiennent que cette disposition n’est pas un bouclier complet contre des contestations judiciaires fondées sur la Charte ni qu’elle empêche Ottawa d’examiner d’autres recours juridiques.


« Il existe des fondements juridiques pour contester la loi qui ne sont pas soumis à la clause de dérogation », soutient le doyen de la Faculté de droit de l’Université McGill, Robert Leckey.


Jusqu’à présent, seul le chef libéral semble avoir laissé une porte ouverte à une éventuelle intervention du gouvernement fédéral dans le dossier, même si Justin Trudeau dit qu’il serait « contre-productif » de le faire maintenant.


Deux groupes de défenses des droits civiques contestent la loi devant la Cour supérieure du Québec.


À l’exception de M. Trudeau, les autres chefs fédéraux semblent avoir entendu la demande du premier ministre François Legault de respecter la Loi sur la laïcité.


Andrew Scheer, Jagmeet Singh et Elizabeth May ont tous déclaré qu’ils n’interviendraient pas pour contester la loi, même s’ils l’ont tous dénoncée. De son côté, Maxime Bernier a reproché à ses homologues de se mêler d’une affaire interne québécoise.


Toutes les opinions juridiques pour contester la loi en dépit de la disposition de dérogation n’ont pas été examinées.


« À moins de persuader les tribunaux d’affaiblir des fondements juridiques, il n’existe pas vraiment de solution évidente, dit Carissima Mathen, professeure de droit à l’Université d’Ottawa. Certains spécialistes ont soulevé de nouveaux arguments, mais comme cela serait sans précédent, il faudrait convaincre la cour. Je pense que les gens sont d’accord pour dire que la pente sera raide. »


Mais M. Leckey rappelle que les tribunaux ont déjà trouvé des moyens novateurs pour aborder l’examen de lois que des juges considéraient comme « profondément injustes ».


« Des gens vont tenter de plaider avec des arguments qui n’ont pas encore été soulevés parce qu’ils n’étaient pas nécessaires auparavant », ajoute-t-il.


Par exemple, des opposants pourraient avancer l’argument que la disposition de dérogation ne s’applique qu’à certains articles de la Charte. Elle ne peut pas être invoquée pour protéger une loi de certaines dispositions de la Charte comme l’article 28, qui précise que « les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes ».


Comme la Loi sur la laïcité affecte les femmes musulmanes d’une manière disproportionnée, M. Leckey estime que les tribunaux peuvent être convaincus qu’elle contrevient à l’article 28.


Mais, selon Mme Mathen, il serait « difficile » de convaincre un juge, car l’article 28 est généralement considéré comme un guide interprétatif de la Charte qui ne confère pas un droit distinct.


Il existe aussi l’option nucléaire : le gouvernement fédéral pourrait utiliser son pouvoir de révocation pour invalider la loi. Cela n’a pas été fait depuis 75 ans.


Le conseil des ministres fédéral pouvait invalider des lois provinciales s’il jugeait que celle-ci était contraire à l’intérêt national ou empiétait sur une compétence fédérale. Dans les premières années de la Confédération, Ottawa y a eu souvent recours. La dernière fois que ce pouvoir de désaveu a été exercé remonte à 1943 lorsque le gouvernement fédéral avait annulé une loi albertaine interdisant la vente de terrains à des huttérites ou à « des étrangers ennemis ».


Mme Mathen croit qu’un gouvernement qui oserait utiliser une telle disposition « dépasserait les bornes » et risquerait de provoquer une crise dans les relations fédéral-provincial. « Ce n’est pas seulement le Québec qui s’y opposerait », a-t-elle conclu.




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