Tommy Chouinard et Malorie Beauchemin - Libéraux et adéquistes jugent antidémocratique la stratégie de Pauline Marois qui voudrait faire des «gestes de souveraineté» dès qu'elle accéderait au pouvoir, avant même la tenue d'un référendum.
Le chef bloquiste Gilles Duceppe appuie quant à lui la démarche de Pauline Marois, en autant que les gestes de souveraineté d'un éventuel gouvernement péquiste se fassent «en tout respect» des lois.
À l'entrée d'une réunion du Conseil des ministres hier, les libéraux se sont précipités devant les caméras pour condamner la stratégie de la chef du Parti québécois. Le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, a lancé que Pauline Marois souhaite enfermer les Québécois dans une «cage aux homards», comme voulait le faire Jacques Parizeau en 1995.
«Est-ce qu'on pourrait dire aux citoyens exactement ce qu'on veut? Si le PQ est élu, est-ce qu'il va enclencher le processus de la souveraineté avant le référendum ou est-ce qu'il va attendre la décision démocratique des citoyens du Québec? Je pense que les citoyens ont le droit à la clarté», a-t-il affirmé.
Le ministre des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, croit pour sa part que la formation souverainiste est en train de se radicaliser. «Mme Marois veut tellement rassurer la frange pure et dure de sa propre formation politique qu'elle en vient à flirter avec des idées qui, à mon avis, ne sont pas démocratiques et constitueraient des gestes de grandes conséquences, négatives pour le Québec», a-t-il dit.
Selon M. Pelletier, il est inadmissible que le Parti québécois pense à «mettre la population devant un fait accompli», en faisant des «gestes de rupture, de scission», sans avoir un mandat clair de la population, par référendum. Une simple victoire électorale ne donnerait en aucun cas, selon lui, le mandat au PQ pour faire ces gestes.
Dans une entrevue accordée à La Presse et publiée hier, Pauline Marois a affirmé que le PQ, s'il est porté au pouvoir, fera des «gestes de souveraineté» avant même la tenue d'un référendum, comme le préconise le coprésident du Conseil de la souveraineté, Gérald Larose. Parmi ces gestes figurent l'adoption d'une Constitution, la création d'une citoyenneté québécoise, le renforcement du statut de la langue française et le rapatriement de pouvoirs du gouvernement fédéral. Elle dit vouloir «repousser les limites le plus loin possible».
Le chef de l'ADQ, Mario Dumont, juge que Pauline Marois «s'accapare» certaines idées adéquistes - la Constitution et la citoyenneté -, mais qu'elle le fait dans le but de provoquer une «rupture» avec le Canada. «Elle veut amener les Québécois à mettre le bras dans le tordeur», a-t-il dit.
Pauline Marois cherche selon lui à profiter d'un mandat électoral pour enclencher le processus de souveraineté. «C'est un retour à une stratégie vieille de 30 ans qui avait été mise au rancart par René Lévesque.»
Mario Dumont croit que le leadership de Mme Marois se fragilise. La chef s'est ralliée à la position de Gérald Larose sur la souveraineté après avoir adopté les vues de Jean-François Lisée sur la question identitaire, a-t-il souligné. «C'est évident qu'il y a des forces occultes qui dirigent le Parti québécois.»
Sur les ondes de RDI, Pauline Marois a expliqué que les «gestes d'affirmation» qu'elle envisage visent à «faire des gains» pour le Québec et à renforcer la «confiance» des Québécois. «Ce sont des gestes qui nous amènent à davantage nous projeter comme pouvant être souverain», a souligné la chef du PQ.
Pour faire ces gestes, a-t-elle ajouté, un gouvernement péquiste pourrait recourir à la clause nonobstant afin de se soustraire à certaines obligations de la Charte canadienne des droits et libertés.
De passage à Québec, Gilles Duceppe s'est dit «entièrement d'accord» avec la stratégie de Pauline Marois qui vise à ses yeux à «exercer la plénitude de nos pouvoirs partout où on doit le faire». Il souhaite que ces gestes se fassent en respectant les lois, «comme Mme Marois l'a dit très clairement».
Larose aux angesLe coprésident du Conseil de la souveraineté, Gérald Larose, se réjouit que Pauline Marois ait appuyé sa stratégie. Mme Marois et M. Larose ont d'ailleurs eu un entretien à ce sujet le mois dernier. «Elle m'a dit qu'elle trouve très intéressant qu'un débat s'enclenche là-dessus», a-t-il affirmé. L'ancien syndicaliste est satisfait que la chef péquiste «prenne ses distances du référendisme». Il souhaite toutefois que Pauline Marois présente un «plan de match clair» sur la souveraineté dans les plus brefs délais.
De son côté, le politologue Denis Monière reproche à Pauline Marois de vouloir «faire la souveraineté par morceaux». «Il y a une contradiction dans tout ça. Elle veut faire des gestes de souveraineté sans avoir l'appui de la majorité de la population. C'est assez alambiqué et difficile à tenir.»
En appuyant la démarche suggérée par Gérald Larose, Pauline Marois a rejeté la proposition de M. Monière selon laquelle le PQ ne devrait enclencher le processus référendaire que s'il est porté au pouvoir avec au moins 45% des votes.
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