It’s a boy ! Mais ça pourrait aussi être une fille et ça ne ferait aucune différence. Le bébé que porte la duchesse de Cambridge sera le troisième héritier en ligne du trône britannique quel que soit son sexe, Londres s’étant engagé dans un processus de modification des règles de succession afin d’éliminer la discrimination qui pénalisait les filles. Et le Canada, en tant que pays du Commonwealth, a l’obligation d’approuver ce changement au cours des prochains jours. Petit débat royal en vue.
Le ministre de la Justice doit déposer jeudi, ou plus tard cette semaine, un projet de loi « d’assentiment aux modifications apportées à la loi concernant la succession au trône ». Cette loi devra être adoptée par la Chambre des communes et le Sénat. Selon Ottawa, ce changement ne représente pas une modification constitutionnelle et ne nécessite donc pas l’appui des provinces.
« Aucun amendement constitutionnel ne serait nécessaire pour permettre au Canada de consentir aux changements proposés, explique Julie Di Mambro, la porte-parole du ministre de la Justice. La Couronne constitue une institution vitale pour le Canada, et elle fait partie intégrante de son histoire et de sa tradition. Les changements proposés sont le résultat d’efforts déployés parmi les 16 royaumes dont la reine Elizabeth est le chef d’État en vue de moderniser les règles de la succession au Trône. »
Si Ottawa prétend que la Constitution canadienne n’est pas affectée par ce changement, il semble quand même y avoir un léger flou sur cette question. La Loi constitutionnelle de 1982 indique, à l’article 41a), que le consentement des deux Chambres à Ottawa et des Assemblées législatives des 10 provinces est requis pour modifier les passages ayant trait à « la charge de Reine, celle de gouverneur général et celle de lieutenant-gouverneur ». Ottawa estime que l’article ne s’applique pas ici.
Le constitutionnaliste et expert en questions monarchiques, Benoît Pelletier, lui donne raison. « Je suis convaincu à 100 % qu’il ne s’agit pas d’une modification constitutionnelle. L’article 41a) de la loi de 1982 parle de la charge de Reine et, dans le cas qui nous occupe, cette charge n’est pas modifiée », explique-t-il.
Il reconnaît toutefois que le principe de la « divisibilité de la Couronne » entre deux ordres du gouvernement (fédéral et provincial) brouille un peu les cartes. « Quelqu’un pourrait toujours arguer que, compte tenu du fait que la Couronne est divisée, un changement quant à l’ordre de succession au trône requerrait le consentement des provinces. C’est une thèse. » Il n’y adhère pas à cause des précédents.
En effet, le Parlement canadien a dû adopter des lois en 1937 lors de l’abdication du roi Edward VIII (pour épouser une divorcée), en 1947 lors de changements aux titres royaux et en 1952-1953 lors de la consécration d’Elizabeth II comme reine, mais « les provinces n’ont pas été consultées », note M. Pelletier. « Elles n’ont pas réagi non plus. Elles n’ont rien fait. »
Il prédit qu’il en ira de même cette fois-ci. « Honnêtement, aucune province ne s’opposera, même pas le Québec », lance-t-il. Le bureau du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes à Québec n’a pas été en mesure de répondre à notre requête mercredi. En Ontario et au Nouveau-Brunswick, on indique ne pas avoir été consulté par Ottawa, mais ne pas entrevoir de raisons de s’opposer aux changements proposés. Benoît Pelletier n’en suggère pas moins que, par « courtoisie », Ottawa demande le feu vert des provinces.
Le constitutionnaliste Henri Brun n’est pas aussi tranché. Il croit que c’est un amendement constitutionnel, qui doit donc être soumis à la formule générale d’amendement dit « 7-50 », c’est-à-dire être entériné par au moins sept provinces représentant 50 % de la population. « On peut techniquement se passer du Québec, mais ça risque de relancer un débat sur la monarchie au Canada. »
Des règles d’une autre époque
Les règles à la succession au trône britannique prévoient qu’un enfant mâle aura toujours préséance sur sa soeur, même si celle-ci est née avant lui. La reine Elizabeth II a accédé au trône car elle n’avait pas de frère. Le Succession to the Crown Bill, déposé le 13 décembre dernier, mettra un terme à cette discrimination basée sur le sexe. Tout enfant né après le 28 octobre 2011, date à laquelle les 16 États soumis à l’emprise de Sa Majesté ont accepté de manière informelle les changements, sera soumis à la règle, ce qui inclut le futur bébé de William et Kate.
La règle prévoyant qu’un héritier soit écarté s’il mariait une personne catholique est aussi abolie. Les héritiers eux-mêmes, toutefois, ne peuvent toujours pas être catholiques. Enfin, le roi ou la reine devait autoriser les mariages de chaque personne en ligne pour le trône, à défaut de quoi le mariage était déclaré nul. Cette règle ne s’appliquera plus que pour les six premiers héritiers en ligne.
Afin d’assurer l’uniformité de la Couronne, ces changements aux règles doivent être approuvés partout où celles-ci s’appliquent, soit la Grande-Bretagne et les 15 autres pays du Commonwealth, appelés pour l’occasion « royaumes ». Chaque pays devra les entériner prochainement dans le respect de ses propres lois constitutionnelles. Un pays pourrait-il bloquer la réforme par un refus ? Benoît Pelletier ne le croit pas, « mais si ce pays voulait conserver la même Couronne, il devrait vite se mettre au diapason », dit-il. Le gouvernement de Tony Blair avait refusé d’agir sur cette question de peur de ressusciter les velléités antimonarchistes en Australie et au Canada.
Des règles d’une autre époque
Petit débat royal en vue
Le Canada doit approuver les règles de succession au trône britannique
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