La France est confrontée à tout un débat sur la liberté artistique.
Faut-il autoriser le rappeur Médine – dont un des albums les plus connus s’intitule Djihad – à donner un spectacle au Bataclan, salle parisienne où 90 personnes ont été sauvagement assassinées en 2015 par... des djihadistes ?
Vous me direz que si on croit à la liberté d’expression, on souhaite que tous les artistes s’expriment sur toutes les tribunes. Sauf que le Bataclan n’est pas une salle comme les autres... et Médine n’est pas un artiste comme les autres.
LIEU SYMBOLIQUE
Depuis qu’on a appris que le rappeur Médine allait jouer au Bataclan, en octobre 2018, le débat fait rage. C’est qu’en 2005, Médine a sorti un album intitulé Djihad, et que dans sa chanson Don’t Laïk, en 2015, il lançait des provocations du style : « Crucifions les laïcards comme à Golgotha... Je scie l’arbre de leur laïcité, avant qu’on le mette en terre... J’me suffis d’Allah, pas besoin qu’on me laïcise... À la journée de la femme, je porte un burqini. Islamo-racaille, c’est l’appel du muezzin. J’mets des fatwas sur la tête des cons ».
Médine affirme que quand il parle de « djihad », il fait référence à un combat spirituel. Sauf que partout dans le monde, le mot djihad n’est pas innocent : il signifie guerre sainte et c’est de ce mot que se revendiquent les fous d’Allah qui ont, entre autres, fait 130 morts en novembre 2015, au Bataclan et à la terrasse des cafés.
Si Médine fait référence à un combat spirituel, pourquoi sur ses affiches et ses t-shirts le mot « djihad » est-il placé à côté d’un sabre ? Quand on sait que certaines des victimes du Bataclan ont été égorgées par les djihadistes...
Deux avocats des familles de victimes ont fait paraître une lettre dans laquelle ils s’opposent à la présence de Médine au Bataclan : « Nous ne laisserons pas souiller la mémoire des morts et le cœur des blessés et de leurs proches par la tenue de ces concerts sans réagir. [...] Nous refusons d’y laisser chanter le “djihad”, célébrer les “talibans” et “crucifier les laïcards” ! Nous ne tendrons pas l’autre joue en ce lieu symbolique ! »
Rappelez-vous le tollé soulevé récemment au Québec quand des militants proarmes ont voulu se réunir devant la place du 6 décembre 1989, à Polytechnique. C’était une question de décence humaine. On ne fait pas de politique sur les lieux d’un massacre.
Pour moi, c’est le même critère, celui de la décence, qui devrait être utilisé pour le Bataclan. Ce n’est pas un endroit anodin. C’est un lieu qui sera associé à tout jamais à la folie religieuse qui massacre des innocents venus simplement profiter d’une soirée de musique. N’y chantons pas le « djihad ».
MÉMOIRE DES VICTIMES
Hier, on a souligné un triste anniversaire. Le 12 juin 2016, Omar Mateen a ouvert le feu dans la discothèque Pulse d’Orlando, faisant 49 morts.
Est-ce que deux ans plus tard, au nom de la liberté d’expression, on laisserait un chanteur qui a des propos « ambigus » sur la communauté LGBTQ se produire dans cette boîte de nuit gaie où des innocents sont morts ?
Poser la question, c’est y répondre.