L'Europe politique est à nouveau en panne, après le rejet par les Irlandais d'un nouveau traité de nature constitutionnelle, dit de Lisbonne, qui aurait confirmé et même accru les pouvoirs de Bruxelles. Cette mouture remaniée de cette sorte de Magna Carta a été désavouée par un référendum à l'issue duquel le «non» l'a emporté par sept points de pourcentage, ce qui est assez considérable.
Ce n'est pas une surprise.
On comprend aujourd'hui, après de semblables échecs référendaires vécus en France et aux Pays-Bas, que l'appareil de pouvoir gigantesque et kafkaïen graduellement bâti au centre du continent effraie littéralement les citoyens.
En pratique, en effet, les Irlandais ont rejeté un texte qu'ils ne comprenaient pas, un embrouillamini à peine moins confondant que les 850 pages, en incluant protocoles, annexes et autres déclarations, soumises aux Français en 2005! Plus pratiquement encore, ils ont refusé d'assumer la possibilité d'un changement dont ils ne connaissent pas la couleur, à l'image des éleveurs de boeuf du pays qui, grassement subventionnés par l'Union européenne, tiennent principalement à ce que tout demeure à l'identique dans leur pré haut. Ils ont refusé de déléguer plus avant la moindre parcelle de leur pouvoir de décision en matière de droit de veto, par exemple, ou de taxation, ou de présence politique continentale et internationale.
On ne peut les en blâmer. Comme on ne peut nier que l'eurocratie bruxelloise soit devenue un monstre terrorisant.
À ce jour, 14 pays européens ont ratifié le traité de Lisbonne par voie parlementaire, et non par référendum (la constitution irlandaise, elle, rendait ce scrutin obligatoire). On ne peut s'empêcher de penser que, dans ces contrées enrôlées par le haut, des consultations populaires auraient peut-être donné des résultats différents...
Appelons ça: l'euroscepticisme.
Compréhensible, donc.
Mais il est impossible de se réjouir du fait que la grande Europe, maintenant un agglomérat de 27 nations plus ou moins assorties, se retrouve à nouveau dans un cul-de-sac. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Il fallait l'unanimité? Désormais, elle n'est évidemment plus possible puisque les Irlandais, qui ne comptent que pour moins de 1% de la population européenne, n'en ont pas moins cassé le vase!
Au surplus, les politiques européens concèdent qu'il n'existe pas de véritable plan B.
Que faire, en effet? Infliger aux Irlandais un second référendum "réparateur", comme ils en ont déjà vécu un après le premier référendum de 2001 lorsqu'ils avaient de même rejeté un traité continental, dit de Nice? Cette fois, la sauce ne prendrait sans doute pas.
Inventer une Europe asymétrique, où une dérogation sur mesure serait consentie à l'Irlande en une sorte... d'accommodement raisonnable? Juridiquement et politiquement complexe. Bref, tout cela sera certainement soupesé au Conseil européen prévu pour la fin de cette semaine.
Entre-temps, on sonde encore une fois la profondeur du gouffre qui existe entre la population européenne et ses élites politico-bureaucratiques.
Panne européenne
le «non» l'a emporté par sept points de pourcentage, ce qui est assez considérable
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