A quelques semaines des élections, le milliardaire George Soros a appelé les européistes à «se réveiller» face aux populistes, sans quoi l'UE suivrait «le chemin de l'Union soviétique». Une inquiétude partagée par l'ECFR qui envisage la fin du bloc.
Le milliardaire George Soros ne cache pas son inquiétude à l'approche des élections européennes. Pro-européen convaincu, le philanthrope américano-hongrois appelle, dans un éditorial publié le 11 février par Project Syndicate, (une ONG diffusant des analyses sur des problématiques internationales), les peuples d'Europe à se «réveiller avant qu'il ne soit trop tard» pour faire face à la montée du populisme. «Sinon, l’Union européenne suivra le chemin de l’Union soviétique en 1991», prédit le milliardaire qui souligne avoir été témoin de nombreuses périodes de «déséquilibre radical» dans sa vie. Il estime que la période actuelle ne fait pas exception.
«Ni nos dirigeants ni les citoyens ordinaires ne semblent comprendre que nous vivons un moment révolutionnaire, que l'éventail des possibilités est très vaste et que le résultat final est donc très incertain», s'alarme encore le financier, qui déplore que les forces anti-européennes disposent selon lui d'un «avantage» lors des prochaines élections.
«Cela s'explique par plusieurs facteurs, notamment [...] l'impossibilité pratique de modifier les traités et le manque d'instruments juridiques permettant de discipliner les Etats membres qui violent les principes sur lesquels l'Union européenne a été fondée», soutient ainsi George Soros, qui regrette que l'EU ne dispose pas «des capacités suffisantes pour faire respecter les obligations des Etats membres».
Mais cette situation trouve aussi racine dans les structures «désuètes» des partis qui empêchent, selon le milliardaire, la volonté populaire de «trouver l'expression appropriée», et qui mèneraient donc d'après lui à la montée des mouvements populistes. Pour base de son constat, George Soros s'appuie sur les exemples de l'Allemagne, de l'Italie ou encore du Royaume-Uni, à travers son vote en faveur du Brexit. «En ce qui concerne les alliances transeuropéennes, la situation est encore pire», juge en outre George Soros en s'attaquant frontalement au Parti populaire européen (PPE) qui accueille en son sein Fidesz, la formation du Premier ministre hongrois Viktor Orban, un de ses ennemis idéologiques personnels.
L'ECFR tout aussi alarmiste
Le fondateur de l'Open Society n'est pas le seul à s'inquiéter de voir disparaître aux oubliettes de l'histoire sa vision du projet européen. L'European Council on Foreign Relations (ECFR), cousin (pro-)européen du think tank américain CFR, a publié un rapport très pessimiste pour l'avenir du Vieux continent, dans l'éventualité où les eurosceptiques de gauche comme de droite parviendraient à obtenir au moins un tiers des sièges du Parlement, comme le prévoient certains sondages. Financé par divers organismes, dont l'Open Society Foundation du même George Soros ou encore la fondation Rockefeller Brothers Fund, l'ECFR s'alarme en effet que les partis eurosceptiques de toute l'Europe soient déterminés à «paralyser» le bloc.
«Leur capacité à paralyser la prise de décision au centre de l'UE désamorcerait l'argument des pro-européens selon lequel le projet est imparfait mais réformable. A ce stade, le temps de l'UE serait compté», prévient le rapport en des termes on ne peut plus explicites. Décrites dans un vocabulaire guerrier – «bataille d’idées», «lutte» et ainsi de suite – les élections de mai sont envisagées comme un véritable combat. Seule éclaircies dans ce tableau bien sombre, l'ECFR souligne que le Parlement européen n'est «qu'un des organes directeurs de l'Union européenne et, à bien des égards, le moins puissant d'entre eux».
Pour autant, le think tank appelle ses lecteurs à ne pas sous-estimer l’importance de ces élections, qui pourraient «avoir un coût très élevé pour les internationalistes libéraux». L'ECFR estime qu’un taux de participation élevé est essentiel pour faire reculer les eurosceptiques, et le groupe de réflexion va jusqu'à distiller ses conseils à ses lecteurs, pour qu'ils encouragent les gens à se rendre aux urnes.
En ligne de mire... Moscou ?
S'il assure que la position strictement «défensive» n'est plus un ressort suffisant, l'ECFR la fait pourtant jouer à plein. En dehors d'appuyer sur le désir présumé des eurosceptiques de «démanteler l'état de droit», de perturber l'établissement de réglementations environnementales unifiées et de mener rien de moins qu'une attaque globale contre les «valeurs européennes», les «anti-européens» sont, en plus, accusés d'être proches de la Russie. De là à penser que Moscou fera preuve d'ingérence dans les élections pour les aider, il n'y a qu'un pas... que n'hésite pas à franchir l'ECFR.
«Etant donné l'ingérence de la Russie lors des récentes élections nationales en Europe et la tension dans les relations entre l'UE et la Russie résultant des hostilités dans la mer d'Azov, il est fort probable que Moscou tentera de manipuler le vote», est-il écrit dans le rapport de l'ECFR, qui omet bien entendu de préciser qu'aucune preuve de cette supposée volonté d'ingérence n'a jamais été donnée.
Dans son éditorial, le milliardaire George Soros livre ses conseils pour «protéger l'Europe de ses ennemis, tant intérieurs qu'extérieurs». «La première étape consiste à reconnaître l'ampleur de la menace qu'ils représentent. La seconde consiste à réveiller la majorité pro-européenne endormie et à la mobiliser pour défendre les valeurs sur lesquelles l'UE a été fondée. Sinon, le rêve d'une Europe unie pourrait devenir le cauchemar du XXIe siècle», prophétise le financier.
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