Le premier ministre Philippe Couillard s'insurge lorsqu'on évoque ses liens très étroits avec l'ex-grand patron du Centre universitaire de santé McGill Arthur Porter comme l'a fait récemment le député de Saint-Jérôme Pierre-Karl Péladeau. D'un air offensé, M. Couillard laisse entendre que ce genre de discours est une forme de culpabilité par association qui met son intégrité en doute.
Mais les faits sont têtus et il est vrai que les deux médecins se connaissent depuis une vingtaine d'années. A l'époque ils ont pratiqué la médecine ensemble en Arabie Saoudite, a révélé Porter à l'écrivain T.R. Todd qui a rédigé un livre sur sa vie. Ce dernier s'est longuement entretenu avec Porter dans la prison du Panama où il attend son extradition au Canada pour répondre de plusieurs accusations de fraudes à l'endroit du CUSM.
Pendant la course à la direction du Parti libéral M. Couillard a tenté de prendre ses distances face à Porter. Son rival Raymond Bachand lui a toutefois durement reproché d'être allé faire de l'argent en Arabie Saoudite, avec Porter, pendant que ses collègues se dévouaient ici pour le PLQ. Le voile que M. Couillard cherchait à préserver sur ses relations avec Porter est tombé au fil des semaines alors que surgissaient de nouvelles informations sur ce duo financier politico-médical.
Si les deux hommes se sont éloignés un certain temps au retour de leur profitable séjour en Arabie Saoudite, c'est pour mieux se retrouver plus tard. Rentré au Québec, Philippe Couillard se lance en politique en avril 2003 et devient ministre de la Santé sous Jean Charest. Pendant ce temps Porter fait carrière en Alberta, en Ontario puis aux États-Unis. Après des années prospères sa carrière sombre alors que la controverse sur sa gestion du Détroit Medical Centre défraie les manchettes dans cette ville. Le directeur général Porter a notamment plongé l'institution dans un gouffre financier et s'est lui-même placé dans un grave conflit d'intérêts.
Mais Porter retombe néanmoins sur ses pieds l'année suivante et gagne la confiance du comité de sélection du futur Centre universitaire de santé McGill qui le choisit pour diriger la construction du nouvel hôpital et le recommande au gouvernement du Québec. Le flamboyant médecin se retrouve en bonne position puisque son ancien collègue Philippe Couillard est devenu ministre de la Santé sous Jean Charest en avril 2003. L'affaire est dans le sac! Porter renoue avec Couillard et voyage avec lui aux États-Unis pour sauver l'hôpital des Shrinners. Au fil des mois il partage des dîners avec «son ministre», va à la pêche avec lui, l'amène à une soirée chez les francs-maçons et ainsi de suite.
Curieusement, personne à Québec ne semble avoir entendu parler des démêlés de Porter avec son ancien employeur à Détroit, du conflit d'intérêts qui a précipité sa chute et des dettes qu'il a laissé derrière lui en quittant ce grand centre hospitalier américain. Le comité de recrutement de McGill ne s'était même pas donné la peine de communiquer avec les autorités de l'hôpital de Détroit ou des universités où il avait donné des cours.
Pourtant, plusieurs mois avant son embauche à Montréal, la revue l'Actualité médicale et Le Devoir (1) avait déjà publié des articles faisant état de sa gestion calamiteuse au Détroit Medical Centre et de sa démission inévitable dans les circonstances. Le service de nouvelles Postmedia News reprenait d'ailleurs plus tard les informations des deux médias et précisait même auprès de qui le cabinet de M. Couillard ou son ministère aurait pu s'informer en 2004 s'il avait vraiment voulu vérifier les antécédents de Porter:
«Personne n'a communiqué avec Mike Duggan, qui a remplacé Porter à la direction de l'hôpital, Nick Vitale, qui en était le directeur financier, Hassan Amirikia, ancien président de l'Association médicale du Centre, ou l'avocat Oscar Feldman, qui avait quitté le conseil d'administration et exprimé publiquement ses préoccupations touchant les allégations de conflit d'intérêts à propos de Porter. John Crissman, alors doyen de l'école de médecine de la Wayne State University du Michigan, avait communiqué avec Egon Zehnder International, l'entreprise de chasseurs de tête ayant recruté Porter en vue de diriger le CUSM, pour le renseigner sur les antécédents de celui-ci à Détroit, mais il affirme dans un courriel ne pas dutout se souvenir d'un appel de quelque organisme gouvernemental canadien que ce soit», écrit le Postmedia News
Pourquoi le ministre de la Santé Philippe Couillard a-t-il permis l'embauche de Porter en dépit de ses déboires aux États-Unis? À cette question le chef libéral a toujours répondu d'un air ingénu: «Porter a trompé tout le monde». Et c'est ce qu'il répète depuis chaque fois que quelqu'un aborde ce sujet. En d'autres mots, qu'on ne me parle plus de ce Porter emprisonné à Panama en attendant son extradition au Canada. À l'émission Tout le monde en parle, M. Couillard a même admis que Porter était son ami, puis il a ajouté qu'il n'en dirait pas plus tant que l'affaire n'aura pas été tranchée par un tribunal. Cette pirouette lui permet de gagner du temps, mais un jour il devra bien fournir des explications plus approfondies.
Les nominations croisées de Porter et Couillard
Une fois aux commandes du CUSM Porter a continué d'entretenir de bonnes relations avec Philippe Couilard, si bien qu'en 2005 celui-ci l'a nommé président du Réseau universitaire intégré de santé (RUIS). Le directeur du CUSM entretenait aussi de liens avec les autorités à Ottawa grâce à ses bonnes relations avec le sénateur conservateur David Angus, qui était également membre du conseil du CUSM. Cela explique sans doute la nomination de Porter, la même année, au Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité (CSARS) l'organisme fédéral qui surveille les espions canadiens.
Les deux médecins ont continué de se fréquenter même après le démission de M. Couillard du cabinet et son retrait de la politique en juin 2008. Lorsque Porter sera promu président du CSARS cinq ans plus tard, il n'oubliera pas l'ami Philippe qui deviendra à son tour membre de ce groupe très restreint.
Un an plus tard, en mai 2009, Philippe Couillard est nommé au CA de la Société minière Canadian Royalties et coup du hasard, Porter l'est également.
En juin 2010, Philippe Couillard est nommé membre du Conseil privé comme son ami Porter l'avait été avant lui.
Finalement, le 22 juin 2010, Philippe Couillard et Arthur Porter fondent le cabinet conseil Porter, Couillard et Associés, une entreprise qu'ils n'auront pas le temps d'exploiter. Les révélations des médias sur les liens de Porter avec l'obscur trafiquant d'armes Ari-Ben Menashe le force à démissionner de la présidence du CSARS en novembre 2011. Un an plus tard, le 1er octobre, c'était au tour de M. Couillard de quitter ce comité pour retourner à la politique. Les deux partenaires ont donc décidé, le 4 octobre suivant, de dissoudre Porter, Couillard et Associés.
Ni le cabinet de M. Harper ni celui de M. Couillard ont jamais expliqué comment Arthur Porter était passé entre les mailles des filets, tant à Ottawa qu'à Québec, avant de s'enfuir dans son paradis fiscal antillais. Dans les deux capitales et les divers services policiers, c'est le mutisme le plus complet sur le fait que rien ne semble bouger dans le processus d'extradition de Porter. C'est comme si personne ne souhaitait vraiment qu'il revienne à Montréal s'expliquer devant le tribunaux.
:
(1)
Rioux-Soucy, Louise-Maude, Le Devoir, mercredi 24 novembre 2004, p. A1
Un personnage controversé à la tête du CUSM
Le Dr Arthur T. Porter traîne derrière lui une expérience désastreuse en matière de PPP
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
6 novembre 2014Couillard est dans une position intenable vis à vis le fédéral. Aussitôt que Porter va être repatrier (si) sont chien est mort comme premier ministre. Donc il devient facile de comprendre tous ces gaffes monumentales. Il racole les fédéraux pour sauver sa peau
François A. Lachapelle Répondre
5 novembre 2014Le Dr et PM Philippe Couillard nous reproche d'évaluer ses réalisations par association avec certaines connaissances et certains collaborateurs dont le Dr Arthur T. PORTER.
La culpabilité par association existe. La Commission Charbonneau en a fait mille démonstrations. L'expérience de la vie met sur notre chemin tout genre d'individus. On ne conclut pas de marché avec tous les quidams. Mais, on conclut des ententes avec certains. Il demeure que les fréquentations douteuses et croisées à plusieurs reprises entre les 2 professionnels que sont COUILLARD et PORTER sont révélatrices.
De plus, en plus d'un CV en piste de lièvre de Philippe Couillard ( insatisfaction, fuite, impatience, inconstance ), nous constatons à l'observation que le PM Philippe Couillard n'est pas aussi doué en politique, en histoire et en sociologie qu'en médecine.
Maintenant qu'il est notre PM et contrairement à son rôle de médecin qui observe son patient, ce sont nous les électeurs qui observons les faits et gestes du PM Couillard. On constate que son intelligence n'est pas garante de son jugement politique. Faut croire qu'il est aussi sujet du principe d'incompétence aussi appelé "principe de Peter".
Archives de Vigile Répondre
1 novembre 2014Un personnage controversé à la tête du CUSM
Le Dr Arthur T. Porter traîne derrière lui une expérience désastreuse en matière de PPP
24 novembre 2004 |Louise-Maude Rioux Soucy
http://www.ledevoir.com/non-classe/69307/un-personnage-controverse-a-la-tete-du-cusm
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