En soumettant une motion de confiance au Parlement dans les prochaines semaines sur le prolongement de la mission canadienne de combat en Afghanistan, le premier ministre Harper a fait son lit.
Dans la mesure où les positions du Parti libéral, du Bloc et du NPD sur la fin de la mission de combat à Kandahar sont connues depuis fort longtemps, le premier ministre sait bien que la conséquence possible de son geste pourrait être de provoquer la chute de son gouvernement et de plonger le pays dans des élections générales.
Après deux ans à la tête d'un gouvernement minoritaire, ce n'est pas tant sa volonté d'en découdre avec ses adversaires qui surprend, mais bien qu'il fasse le calcul que la position qu'il défend sur l'Afghanistan en soit une qui lui procure un avantage sur les autres partis dans le combat à suivre. Dans une bataille électorale qui se fera essentiellement au Québec et en Ontario, faire de la mission de combat dans le sud de l'Afghanistan un enjeu central de la campagne électorale apparaît pour le moins risqué. Rien dans le paysage politique actuel n'indique que les Québécois, tout comme les autres Canadiens, soient très chauds à l'idée de voir nos troupes rester là-bas sans qu'un échéancier précis de retrait et des critères de succès bien établis aient été clairement exprimés par le gouvernement. Or, dans les deux cas, on est loin du compte.
Il se trouve qu'en dépit du fait que le gouvernement cherchera sûrement à se réfugier derrière le rapport Manley (dont les deux conditions principales justifiant un prolongement sont un ajout additionnel de 1000 soldats canadiens ou un renfort substantiel venant des autres pays de l'OTAN), le gouvernement a fait bien peu d'efforts pour convaincre les Canadiens du bien-fondé du prolongement de la mission de combat.
Au contraire, avec la façon dont le gouvernement a cherché à régir et à dissimuler l'information dans le dossier des détenus afghans et sur la mission en général, il a largement contribué à semer le doute sur ses intentions réelles. Au-delà de cette mission, et au moment même ou les sondages démontrent que les Canadiens ont à coeur et cultivent le plus grand idéalisme sur le rôle que devrait jouer leur pays dans le monde, on cherche d'ailleurs toujours à comprendre pourquoi la politique étrangère de ce premier ministre et de ce gouvernement en est venue à reposer exclusivement sur une intervention militaire en Afghanistan.
Sur le plan de la stratégie purement politique, certains diront que le geste du premier ministre place le chef libéral dans une position difficile. Pourtant, il serait bien hasardeux pour le premier ministre d'accuser M. Dion d'avoir tergiversé et causé le déclenchement d'une élection (si effectivement, c'est ce qu'il se produit). S'il y a un enjeu sur lequel le Parti libéral a été consistant depuis plus d'un an, c'est bien l'Afghanistan. Dans l'un de ses premiers discours en tant que chef du parti à l'Université de Montréal, le 22 février 2007, M. Dion disait: «(...) un gouvernement libéral sous ma gouverne ne prolongera pas la mission des troupes de combats du Canada basées à Kandahar au-delà de février 2009. Le Canada informera immédiatement l'OTAN que cette échéance n'est pas négociable, et qu'il faut que l'Alliance trouve un autre pays pour prendre le relais.» Hier, M. Dion a réitéré clairement la position de son parti, laissant entendre que la date butoir de février 2009 pour la fin de la mission de combat n'était pas négociable.
Soit, il est possible que le premier ministre fasse le calcul qu'il est temps pour lui d'aller devant le peuple et que l'Afghanistan, tout comme le budget ou le projet omnibus sur la criminalité, lui serve de prétexte purement opportuniste pour envoyer le signal qu'il veut des élections et qu'il est prêt à orchestrer sa propre chute. À un moment où le gouvernement est déjà vulnérable sur deux autres enjeux majeurs, soit l'économie et l'environnement, et que les fantômes de l'ère Mulroney reviennent hanter le gouvernement, remettre la mission de combat à Kandahar au centre de la joute politique s'avère un pari fort risqué.
Stephen Harper (Photo PC)
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Robert Asselin
L'auteur est directeur adjoint de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa. De 2001 à 2006, il a été conseiller et rédacteur de discours au sein des gouvernements Chrétien et Martin.
- source
Mission en Afghanistan: un pari fort risqué
Afghanistan - le vote aux Communes
Robert Asselin6 articles
L’auteur est directeur adjoint de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa. De 2001 à 2006, il a été conseiller et rédacteur de discours au sein des gouvernements Chrétien et Martin.
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