Outre ses généreux coups de gueule contre le multiculturalisme ambiant, Maxime Bernier ne se gêne pas pour condamner la tiédeur de la classe politique canadienne. Résolument libertarien, prônant un désengagement de l'État à tous les échelons, ce franc-tireur souhaite que la politique canadienne ne soit plus prise en otage par des groupes de pression. C'est ainsi qu'il condamne, sans ambages, les lobbies industriels ou syndicaux, les cartels de l'agroalimentaire, voire les bureaucrates qui règnent à Ottawa.
« Le temps de la rectitude politique est terminé », proclamait-il lors de la création du Parti populaire du Canada. Ses propos, rapportés par le quotidien Le Devoir, le 15 septembre dernier, semblaient faire écho à la série de gazouillis qu'il avait mis en orbite tout au long de l'été. « Mais pourquoi promouvoir toujours plus de diversité ? Si tout et n'importe quoi est canadien, que signifie être Canadien ? », avait-il lancé sur Twitter vers la mi-août.
Faire de la politique autrement
Nous lui avons demandé, d'entrée de jeu, s'il y avait des atomes crochus entre Le Peuple et la plateforme de son nouveau parti. « Quand je regarde Le Peuple et le Parti populaire, on a des ressemblances quelque peu […] nous, effectivement, on veut faire des politiques qui vont s'appliquer à l'ensemble des Canadiens et non pas pour plaire à une élite ou à des groupes de pression en particulier comme font les politiciens des anciens partis », a-t-il lancé en guise de clin d'oeil.
Mettre un terme à la gestion de l'offre
Le challenger ne craint pas de se mettre à dos les puissants lobbies agricoles de la Beauce lorsqu'il dénonce ce clientélisme malsain qui aurait fini par corrompre la culture politique ambiante.
Ainsi, il promet d'abolir le système de la gestion de l'offre dans le domaine des produits agricoles, une annonce qui a fait grincer des dents au sein de son électorat beauceron. Malgré tout, il martèle que les politiciens et les technocrates « ont voulu plaire à 13 500 producteurs laitiers au détriment de 36 millions de Canadiens. Nous, on veut abolir ce système-là pour que les gens paient moins cher pour leur lait, leurs poulets et leurs œufs ».
On a beau lui rappeler que les producteurs américains risquent de provoquer un véritable tsunami en nous inondant de leurs produits, M. Bernier n'en démord pas : « il faut abolir le système de la gestion de l'offre ». Proposant de mettre en place une période de transition, il estime que le gouvernement pourrait racheter une partie des quotas des producteurs de ce secteur, une mesure qui leur permettrait « d'être capables de se moderniser, d'être plus productifs et d'exporter leurs produits, parce qu'actuellement ils ne peuvent pas exporter leurs produits ».
Les contrecoups d'une libéralisation des marchés à tous crins
Toute cette rhétorique nous a plongés dans une certaine perplexité dans un contexte où beaucoup d'intervenants préfèrent les « circuits courts » afin d'épargner les coûts en carburant et d'assurer que la salubrité et la fraîcheur des denrées ne seront pas compromises en fin de compte.
Manifestement gagné à l'idée d'une souveraineté des marchés, il croit que « les producteurs américains qui vont traverser nos frontières devront respecter les normes de salubrités du Canada ». Il pousse son raisonnement jusqu'à préciser que les producteurs « qui vont décider de rester vont peut-être fusionner et gagner des économies d'échelle ».
Un tel raisonnement ne manquera pas de plonger dans le scepticisme ceux qui s'inquiètent de voir naître de nouveaux conglomérats alimentaires finissant par imposer leur monopole.
Pour l'abolition des frontières commerciales
Le chat est sorti de son sac alors que nous avons tenté de le talonner sur le sujet. « Si les Canadiens veulent acheter un produit étranger, pourquoi l'État devrait-il imposer un tarif sur ce produit-là ? », demande M. Bernier. « Donc, oui pour l'entente de libre-échange avec les Américains, oui pour plus d'ententes de libre-échange ! La liberté de commerce fera en sorte qu'un pays soit plus prospère en définitive ».
S'il prône une ouverture maximale des frontières aux échanges commerciaux, M. Bernier n'a plus du tout la même vision des choses en ce qui concerne la gestion des flux migratoires. Un fléau devenu incontrôlable pour celui qui finit par admettre, contre toute attente, qu'un État doit bien finir par « mettre ses culottes » en définitive.
Cet article est le premier de notre entrevue exclusive avec le chef du Parti populaire, Maxime Bernier. Le second sera mis en ligne samedi.