Manon Massé a manqué de retenue à la suite de la décision du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) de ne pas procéder à une mise en accusation du député Gerry Sklavounos. Dans un État de droit, où la présomption d’innocence est un pilier de notre système juridique, il ne convient pas à une parlementaire de s’immiscer dans le débat en disant croire la plaignante et jeter le doute sur l’institution qu’est le DPCP. Elle démontre un radicalisme de mauvais aloi en ces circonstances.
Considérant les origines de la député, qui a œuvré dans les Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS), je peux comprendre sa sensibilité à l’égard d’Alice Paquet et son empressement à dire qu’elle la croit, surtout que madame Massé a pu observer de près les difficultés éprouvées par les femmes pour obtenir justice. Ce passé militant explique sûrement l’écart commis par la députée, mais cela ne la justifie pas de manquer de réserve, surtout lorsque la décision du DPCP est sans équivoque.
Il arrive effectivement que le DPCP n’entame pas de poursuites dans certains dossiers faute de preuves suffisantes ou par anticipation d’une impossibilité à faire sa preuve hors de tout doute raisonnable. Dans le cas qui nous préoccupe, le DPCP va plus loin en prétendant qu’il n’y a pas de preuve d’un acte criminel qui justifierait une poursuite. S’élevant au-dessus du système de justice, la parlementaire condamne sans autre forme de procès, son collègue Gerry Sklavounos malgré les conclusions contraires de l’enquête. La présomption d’innocence ne peut pas servir exclusivement lorsqu’elle nous convient et être passée par-dessus bord lorsqu’elle heurte les humeurs du quidam. En agissant ainsi, la député nous ramène à l’ère des lynchages du Far West.
Le refus du premier ministre de rouvrir les portes du caucus libéral au député Sklavounos, après cette décision du DPCP, peut toutefois nous laisser perplexe sur le comportement éthique du député et expliquer la hargne nourrie par Manon Massé dans cette affaire. Il n’y a pas d’acte criminel avéré, mais cela ne veut pas dire que le député se comportait respectueusement envers les femmes de son entourage et qu’il faisait honneur à sa fonction. Les bruits de corridor ont d’ailleurs émané rapidement la plainte d’Alice Paquet.
Il y a fort à parier que le comportement de « mononcle » du député de Laurier était connu bien avant cette frasque tout comme celui de Pierre Paradis avant que soit révélée publiquement l’enquête dont il était la cible. Le laisser-faire qui a précédé leur mise sur la sellette est désespérant et peut ajouter à la révolte de Manon Massé quand on constate le laxisme institutionnel. Le premier ministre Couillard manque de sérieux en prétendant qu’il va exiger à ce que son député s’engage à adopter des comportements adéquats avant de le réintégrer dans son caucus.
Gerry Sklavounos ne mérite pas la prison pour ses actes, mais il n’est toutefois plus digne de siéger comme député après avoir jeté le discrédit sur la fonction. En pareille affaire, le premier ministre canadien a compris plus rapidement que notre premier ministre provincial en n’hésitant pas à chasser deux de ses députés du caucus libéral après qu’il a été révélé qu’ils faisaient l’objet de plaintes pour harcèlement sexuel.
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