Québec - Le juge André Rochon a ravi les trois partis politiques québécois en acceptant d'attendre le jugement de la Cour suprême - dans deux ou trois ans- avant d'appliquer une récente décision de la Cour d'appel, qui avait invalidé des portions de la Charte de la langue française.
«Ce sursis fait en sorte que le statu quo est maintenu et que les règles actuelles [...] qui régissent l'admissibilité à l'école anglaise au Québec sont maintenues jusqu'au jugement final de la Cour suprême», s'est réjouie la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne.
Le 22 août dernier, la Cour d'appel, dans une décision partagée (deux juges sur trois), avait déclaré inconstitutionnelles des parties de la Charte ajoutées en 2002 pour colmater une vaste brèche dans la loi 101. Avant cette date, les enfants pouvaient obtenir leur billet d'entrée à l'école anglaise publique après avoir fait un détour d'un an dans une école anglaise privée non subventionnée. L'avocat Brent Tyler (ancien président d'Alliance Québec), qui avait mené le combat des 47 requérants qui souhaitaient réhabiliter la brèche dans la loi, exigeait que le jugement soit appliqué sans délai. Mais le procureur général du Québec avait plutôt demandé un sursis.
Dans sa décision, le juge Rochon explique que la proposition de M. Tyler aurait entraîné un «chaos administratif et juridique pour toutes les parties impliquées, et ce, particulièrement à la veille de la rentrée scolaire». Le juge estime que l'intérêt public commandait d'attendre la décision de la Cour suprême avant d'appliquer la décision du 22 août. Il souligne aussi au passage que «les dispositions en cause furent adoptées par une législature démocratiquement élue et sont censées viser le bien public». De plus, il ne s'agit pas, selon lui, d'un cas où l'inconstitutionnalité est «manifeste».
Le chef de l'opposition Mario Dumont a parlé d'une «décision empreinte de sagesse» à propos d'une loi qu'il juge «bonne» puisqu'elle évite «qu'on contourne des principes simples, compris par tout le monde et fondamentaux». Il terminait une réunion de deux jours avec ses élus à Orford.
La chef péquiste Pauline Marois s'est pour sa part réjouie que le gouvernement Charest, en réclament un sursis, «ait bougé sur ce front-là». Mme Marois, qui tenait un point de presse au terme du caucus péquiste, s'est dite inquiète de la future décision de la Cour suprême. Il serait impossible, d'un point de vue juridique, de lui opposer la disposition dérogatoire (clause nonobstant): «On n'est à l'abri de rien. [...] On va se préparer à faire une démonstration très claire que c'est l'autorité de l'Assemblée nationale qui est ici battue en brèche.» Elle n'a toutefois pas précisé quelle forme prendrait cette «démonstration très claire».
Plus tôt, le porte-parole péquiste en matière de langue, Pierre Curzi, s'en était pris à la consécration de la primauté du judiciaire sur le législatif qui se produirait si jamais la Cour suprême maintenait le jugement du 22 août. Dans un tel scénario, «on serait complètement obligé d'accepter une brèche, ce qui est invraisemblable. On ne peut pas, comme peuple, comme nation, accepter que, tout à coup, le pouvoir judiciaire mette en cause une décision unanime et totalement légitime de la majorité de la population. C'est intolérable», a-t-il déclaré. Ainsi, il est impératif, selon lui, de «continuer à mobiliser les gens».
Avec la collaboration de Fabien Deglise
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