Loi 101 au cégep: une fausse bonne idée

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Mieux cibler notre immigration, quitte à la réduire






Depuis quelque temps une idée a ressurgi au sein du mouvement nationaliste et à l’intérieur du Parti québécois, celle d’étendre la loi 101 au réseau collégial, ce qui empêcherait les francophones de souche et les néo-Québécois de pouvoir étudier dans un cégep anglophone. Alors que la situation du français au Québec reste précaire et tandis que l’horizon référendaire est pour l’instant bloqué, il est compréhensible que cette mesure soit attrayante pour plusieurs nationalistes. Elle constitue toutefois une fausse bonne idée.


 

J’enseigne moi-même dans un cégep anglophone depuis une dizaine d’années et je voudrais témoigner ici de ce que j’observe tous les jours, de l’effet anglicisant d’une éducation collégiale en anglais chez nos étudiants issus de l’immigration. De façon générale et avec bien sûr des exceptions, on peut distinguer trois groupes. Il y a d’abord ceux qui sont originaires des Antilles et de l’Afrique francophones, du Vietnam, du Maghreb et de l’Amérique latine. Ces étudiants sont fortement francisés et intégrés à la majorité linguistique. Leur DEC en anglais ne change rien à cela, sinon qu’ils possèdent une meilleure capacité à parler anglais à la fin de leurs études chez nous.


 

À l’autre extrême, il y a les ressortissants du sous-continent indien, des Antilles et de l’Afrique anglophones, des Philippines ou d’autres pays ayant des liens historiques forts avec la Grande-Bretagne ou les États-Unis. J’observe chez eux un niveau de français bien inférieur, une très grande attirance vers l’anglais et une tendance à vouloir s’intégrer à la communauté anglophone.


 

Entre ces deux groupes, il y a également ceux qui sont d’origine chinoise ou russe et qui sont partagés. Certains sont très francisés et intégrés, d’autres beaucoup moins.


 

Mieux cibler notre immigration


 

Pour régler cette situation, le meilleur moyen est de mieux cibler notre immigration, quitte à la réduire. On doit sélectionner ceux qui sont susceptibles de s’intégrer à la majorité francophone. Le Québec s’est battu pour obtenir des pouvoirs en immigration précisément parce que cette réalité a un impact direct sur sa capacité à maintenir son identité distincte. Il a obtenu la victoire en 1979 (partiellement du moins) et doit maintenant exercer ce pouvoir dans la perspective pour laquelle il l’avait voulue, contrairement à ce que fait l’actuel gouvernement libéral.


 

Étendre la loi 101 au cégep aurait certes un impact sur ces jeunes néo-Québécois qui ne maîtrisent pas assez bien le français ou qui souhaitent s’angliciser, mais ils ne sont pas si nombreux. Cette mesure passerait toutefois à côté d’un problème bien plus important, le nombre de jeunes anglophones de souche qui ne parlent que peu ou pas le français. Chaque année, je suis frappé de constater dans mes classes le nombre important de ceux qui sont incapables de soutenir une conversation en français, et ce même s’ils ont passé toute leur vie au Québec et qu’ils ont eu plusieurs années d’enseignement du français langue seconde. Remédier à cette situation nécessiterait plus d’immersion française pour ces derniers au niveau secondaire et de plus grandes exigences académiques pour cette matière. Évidemment, c’est moins spectaculaire que de brandir la loi 101. Par contre, le potentiel de faire du français la langue commune et la langue de travail serait bien plus grand.


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Frédéric Bastien167 articles

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Titulaire d'un doctorat en relations internationales de l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, Frédéric Bastien se spécialise dans l'histoire et la politique internationale. Chargé de cours au département d'histoire de l'Université du Québec à Montréal, il est l'auteur de Relations particulières, la France face au Québec après de Gaulle et collabore avec plusieurs médias tels que l'Agence France Presse, L'actualité, Le Devoir et La Presse à titre de journaliste. Depuis 2004, il poursuit aussi des recherches sur le développement des relations internationales de la Ville de Montréal en plus d'être chercheur affilié à la Chaire Hector-Fabre en histoire du Québec.





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