Liban, P.Q.

Géopolitique — Proche-Orient



Les Montréalais ont pu ressentir à quel point le conflit qui déchire le Moyen-Orient leur est proche, désormais.

Plusieurs d'entre eux ont vu ces derniers jours leurs voisins d'origine libanaise (quelque 40 000 vivent dans la région montréalaise) revenir de vacances écourtées au Liban, dans des conditions atroces et la peur au ventre. Dès les premiers jours de la campagne militaire israélienne dans le Sud-Liban, la famille du propriétaire d'une pharmacie Jean-Coutu (quoi de plus familier à l'oreille d'un Québécois ?), Ali Al-Akhras, était décimée lors d'un bombardement. L'offensive de Tsahal a fait 1000 morts, 3000 blessés, des centaines de milliers de réfugiés et des milliards de dollars de dommages matériels. L'économie libanaise est en lambeaux. Un courant de sympathie pour le peuple libanais s'est vite affirmé.
D'autres Montréalais ont entendu une autre version, celle de leurs voisins, qui racontent l'épreuve douloureuse de leurs familles vivant, elles, en Israël, contraintes de quitter leur demeure pour échapper aux ripostes du Hezbollah. Montréal est l'une des villes de la diaspora juive. La communauté y possède de nombreuses institutions sociales. Ses dirigeants ont acquis une influence indéniable sur le plan économique tout comme sur le plan politique. Tous les juifs de Montréal, loin de là, ne soutiennent pas les stratégies militaires d'Israël. Mais bon nombre ont exprimé leur solidarité avec la décision du gouvernement Olmert d'utiliser la force pour «se défendre» contre des mouvements qui souhaitent ouvertement la destruction de l'État hébreu.
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L'un des écrivains israéliens les plus connus au monde, Amos Oz, milite depuis 40 ans pour une solution pacifique négociée entre les peuples d'Israël et de Palestine. Il a fondé, en 1978, le mouvement La Paix maintenant.
Il y a quelques années, lorsqu'on lui a demandé ce que nous pouvons faire, nous, qui ne sommes pas partie liée à ce conflit, à part nous tenir la tête dans les mains et crier «Quelle horreur !», sa réponse fut très simple. D'abord, cessez de répandre dans vos journaux des vues étroites et simplistes d'Israël, de la Palestine, des Arabes et de l'islam. Ensuite, perdez cette mauvaise habitude de montrer du doigt l'un ou l'autre en cherchant lequel est le bon et lequel est le méchant.
Le conflit israélo-palestinien n'est pas un western, disait-il. C'est plutôt une tragédie dans laquelle deux peuples sont victimes. Cherchez donc, au lieu d'identifier un coupable, à aider non pas l'un ou l'autre mais ces deux peuples qui poursuivent tous les deux une cause juste.
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L'offensive israélienne au Liban incite plusieurs personnes à choisir un camp même si tous appellent à la paix.
Il est clair que l'offensive militaire israélienne est disproportionnée et qu'elle aurait dû cesser depuis longtemps. Non seulement plus d'un millier de civils ont payé de leur vie le prix de cette stratégie, mais plusieurs israéliens commencent à comprendre que celle-ci risque de donner un résultat contraire à celui qui est espéré. Tout comme Israël n'avait pas réussi à éliminer l'OLP et Yasser Arafat en 1982, lorsque commença la première et longue occupation du Liban, l'État hébreu ne parviendra pas à éradiquer le Hezbollah qui, tout en étant un mouvement armé, s'est également constitué en parti politique dont des représentants, démocratiquement élus, siègent au gouvernement libanais, et a créé un ensemble de services sociaux dont jouissent les populations libanaises les plus démunies. Pire, en massacrant des populations civiles, Israël est en train de transformer son ennemi en héros de la résistance. D'aucuns accordent déjà une victoire symbolique au Hezbollah et à son chef, Nassan Nasrallah.
Il va de soi que, sur ces faits, Israël a eu tort, en complicité avec les États-Unis de George W. Bush, au nom d'objectifs stratégiques et militaires qui débordent le conflit local. Ce n'est certainement pas le peuple israélien qui a voulu ce nouvel épisode de barbarie. Lui-même d'ailleurs en est victime.
Israël affirme que l'offensive militaire a été provoquée par une «agression» du Hezbollah. Il rappelle, à juste titre, que ce mouvement ainsi que le Hamas s'est donné comme but la destruction d'Israël, un objectif réaffirmé récemment par l'un des commanditaires du mouvement chiite, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Il est vrai, également, que la communauté internationale n'a jamais réussi à appliquer la résolution 1559 de l'ONU qui prévoit le désarmement des milices chiites au Liban. En remontant le fil de l'histoire, chacun trouvera ainsi prétexte à renchérir. C'est comme ça que la région a connu cinq guerres et subi 150 000 morts depuis la création d'Israël en 1948.
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Au cours des derniers mois, des progrès avaient été enregistrés dans la région avec le début du retrait d'Israël et la fermeture de certaines colonies dans les territoires palestiniens. Des sondages indiquaient également des changements d'attitude au sein du peuple palestinien, désormais disposé en majorité à reconnaître Israël, en dépit de la doctrine officielle du Hamas, parti au pouvoir. La société israélienne elle-même évolue. Quelque 20 % de la population d'Israël est arabe. Le sionisme n'a plus le même attrait dans une société plus individualiste qui aspire elle aussi à la paix.
L'épisode sanglant de cet été 2006 va certainement ralentir ces progrès.
Chez nous, que peut-on faire, à part se mettre la tête dans les mains et crier «Quelle horreur !» ?
Montréal est un lieu de rencontre de ressortissants et sympathisants de toutes les parties en cause. Pourrait-elle être le lieu d'un dialogue pour maintenir un peu d'espoir ? Au niveau des peuples, puisque pour l'heure, il semble difficile de pouvoir compter sur les États, y compris le nôtre, pour élaborer une solution acceptable.
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michel.venne@inm.qc.ca

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Michel Venne35 articles

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Directeur général Institut du Nouveau Monde

Michel Venne est le fondateur et le directeur général de l’Institut du Nouveau Monde. Il est le directeur de L’annuaire du Québec, publié chaque année aux Éditions Fides. Il prononce de nombreuses conférences et est l’auteur de nombreux articles scientifiques. Il est membre du Chantier sur la démocratie à la Ville de Montréal, membre du comité scientifique sur l’appréciation de la performance du système de santé créé par le Commissaire à la santé et au bien-être du Québec, membre du conseil d’orientation du Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques favorables à la santé, membre du conseil d’orientation du projet de recherche conjoint Queen’s-UQAM sur l’ethnicité et la gouvernance démocratique.





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