Monsieur Morin,
Avant de rédiger cette lettre, j’ai lu l’actuelle chronique de M. André Savard. J’ai ensuite relu, pour une troisième fois, votre texte paru dans Le Devoir du 13.09.11, Les" Embardées Suicidaires" auquel réfère M. Savard. J’ai aussi relu la dernière chronique de Nic Payne, qu’il vous a consacrée à ce sujet, ainsi qu’une réaction de Luc Archambault que, de son côté du fleuve, il vous a adressée dans une intéressante métaphore historique. Et j’ai relu vos propositions pour "Continuer autrement", afin que le Québec sorte de l’impasse.
Monsieur Payne m’a souvent reproché de ne pas discuter sur le fond des choses. Et, comme il l'a fait aussi pour vous, de « critiquer » ou d’ «épithéter ». C’est vrai que, dans la colère, on peut devenir sévère et trop verser dans le jugement. Ça joue le plus souvent dans les deux sens. Je me suis même prise cette fois à presque lui accorder raison suite à ma première réponse à votre témoignage. J’avoue que je réagis le plus souvent davantage avec un espèce d’instinct à la fois intuitif et, je dirais, cordial. C’est plutôt l’ « intelligence de l’instant du cœur » qui me mène le plus souvent. C’est sans doute féminin. Je ne pourrai tout à fait m’en défaire pour tâcher ici d’aller, encore une fois pour qui trouve que je me répète, à ce qui continue de me sembler à moi le fond des choses, n’en déplaise à M. Payne.
Disons d’abord que, de vous relire, ainsi que MM. Savard, Archambault, Roland Poulin, avec qui j’ai partagé des opinions sur le sujet, MM Gendron tantôt et bien sûr Payne, dont les avis sont le plus souvent – à mon regret - aux antipodes des miens, m’a servi d’exercice. Je me suis aussi rappelé la, disons, désespérance de Caroline Moreno et les choix "situationnels" ou stratégiques d'Andrée Ferretti. Cet exercice, je l’ai abordé comme un défi. Car toutes ces opinions secouent les miennes et ne me laissent pas tranquille, contrairement à ce que j’ai, en toute bonne foi alors, laissé entendre dans un commentaire à M. Poulin, que j’ai ensuite rectifié auprès de lui. Je parle du défi de la plus grande franchise envers soi-même. Tâcher de sonder honnêtement mes réactions et positions pour les situer à travers celles de ces personnes que j’estime et dont les opinions sont importantes pour moi m’a obligée à cette franchise. Et j’avoue qu’il m’arrive même parfois de craindre que M. Payne ait, à certains égards, raison!... Mais... je mise fondamentalement sur la conscience - pas la morale, la perceptrice, la conseillère.
***
M. Morin, je me sens souvent sur la même longueur d’ondes que vous lorsque je vous lis. Mais... je me considère comme une indépendantiste. Et, même si j’endosse le plan de « gouvernance souverainiste », cousin du Plan Larose et qui me semble bien proche de ce que vous proposez, et proche de ce que proposait M. Robert Laplante en 2003, je me sens impatiente et j’ai hâte que ça bouge... Mais je refuse de croire, comme ce M. Savoie, que ça va bouger plus vite avec Jean-Martin Aussant... qui, tout en s’impatientant aussi et en exigeant plus d’ « indépendance » voulait repêcher l’ « Option Québec » de René Lévesque... et, pour présenter son Parti, parlait davantage de souveraineté, tout à coup, que d’Indépendance. Je ne crois plus aux magiciens, ni à la magie moi non plus. Ni au grand théâtre et aux effets théâtraux. Je crois aux gestes d'impact, même lorsqu'ils ne s'affichent pas nécessairement avec tambours et trompettes.
Comme M. Savard, je vous accorde raison au sujet des « embardées suicidaires » du mouvement souverainiste, de NOTRE mouvement à tous. Je ne crois pas que nous en ayons besoin d’un nouveau. Ni les moyens. J’ai pour ma part parlé de tendance mortifère et de maladie auto-immune. Et je sais que vous comprenez ce que je veux dire lorsque je pose l’agaçante question du COMMENT - sinon via le PQ - ceux qui le rejettent comptent faire l’Indépendance du Québec que nous souhaitons tous-tes. Quoi qu’en pensent ceux qui se moquent alors - " hors du PQ point de salut!" -, je n’affirme pas une telle chose, car je ne suis ni une naïve ni une intégriste. Je demande simplement que l’on me décrive la façon de VITE se sauver sans lui. Quand M. Payne me reproche alors de discuter de la forme et non du fond, je lui réponds que, pour moi, la seule question de fond actuellement, c’est celle de la forme. Il prétend qu’il a répondu « en long et en large et... etc » , à mes trop simples questions. C’est inexact de mon point de vue. Mais c’est l’URGENTE question. FONDAMENTALE! Si je veux porter de l’eau à qui j’aime et qui se meurt de soif dans la chambre à côté, il me faut un récipient; une FORME. Et ce n’est pas en discutant et se disputant, dans la cuisine, entre aidants naturels réunis, au sujet de la chambre, du lit, du médecin, des dernière volontés du mourant ou de son plan de vie s’il guérit, ou encore des autres contenants préférables à celui que j’ai bien en main, que je porterai secours au mourant.
Et cela m’amène au Cri de Luc Archambault pour l’Union de nos Forces!... Bien sûr! Et après? N’est-ce pas ce que nous souhaitons tous l’Union de nos Forces? Mais en espérant que ce soit l’autre qui en prenne l’initiative et qui monte dans notre bateau? Je lui pose les mêmes questions : COMMENT? Supposons qu’il chausse, ici et maintenant, les bottines de Pauline Marois, d’Amir Khadir, de Jean-Martin Aussant, de François Legault, bientôt de Pierre Curzi, qui sait... Cette personne, celle qu’il estime la mieux placée pour partir le bal, pour décréter la fin de la « gouvernance » ou « position » « collabo », elle procède COMMENT pour la faciliter, l’enclencher ou la réaliser, cette UNION DE NOS FORCES et ce passage à l’Acte? Qui commence ? Qui applique le plan de match Archambault? Et qu’on ne se méprenne pas; je ne fais pas de sarcasme; je ne dis pas que cet homme que j’estime aussi n’a pas raison sur le fond... Je lui ai depuis longtemps déjà accordé raison sur ce fond. Il veut que l’on se « commette » en faveur de la démocratie, du "peuple souverain".. mais il semble sous-entendre une façon de faire cette commission qui m’échappe encore... Je comprends que lui se commette à « sa façon », selon sa conscience; je la respecte, cette façon, bien qu’elle me questionne parfois; je reconnais ses mérites, mais est-ce là la souhaitable façon collective? Convient-elle à tellement d’autres? Convainc-t-elle? Je commence la lecture d’un volume qui s’intitule Égocratie et Démocratie - Alban Martin - qui me permettra peut-être de voir plus clair en cela. En 4e page couverture :
« ... la réputation des hommes (!) politiques est fréquemment mise à mal par les nouveaux media (blogs, réseaux sociaux, vidéos amateurs, etc.). Avec internet et les technologies participatives, le citoyen contemporain a hérité d’un nouveau pouvoir à l’envergure encore insoupçonné.(...) « ... la démocratie représentative s’est transformée en arène de cirque, où les coulisses sont visibles et les spectateurs bruyants et omniscients. (...) Ce problème inédit exige des solutions nouvelles... C’est un nouvel espace civique qui est à conquérir... La réconciliation entre la démocratie - le pouvoir du peuple – et l’égocratie – le pouvoir de chaque individu – est à ce prix. »
Intéressante réflexion en perspective.
Je suis aussi d’accord avec MM Savard et Gendron – si je l’ai bien compris - qu’il y a actuellement des écarts, des excès de paroles et des galvaudages de droits et d’appels au peuple qui font davantage songer à l’Anarchie qu’à la Démocratie. D’ailleurs, M. Martin, que je suis à lire, cite deux formes connues de démocratie : 1 : la directe - où les citoyens exercent le pouvoir et votent lois et budgets -. (Comme modèle de cette Démocratie, on sert en exemple l’athénienne du Ve siècle av J.C.) Et 2 : l’indirecte, ou représentative, où les citoyens choisissent des représentants - soit celle que nous vivons. Mais M. Martin rappelle que dans celle d’Athènes - idéalisée – seulement quelques milliers de citoyens libres dans toute la population avaient le droit de constituer le demos (le peuple). (p 16). Alors... Pour l’Idéal...
Monsieur Morin, je crois à la sincérité de votre amour pour notre peuple et je vous rends hommage d’être encore en train de réfléchir et de suggérer... C'est aussi ça la démocratie.
Cordialement.
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4 commentaires
Marcel Haché Répondre
30 septembre 2011@ J. Binette.
Non seulement il est trop tard, les forces en présence sont trop inégales. Le P.Q. n’aurait absolument rien à gagner dans un partage de la carte électorale. Mettre le P.Q. sur le même pied que Q.S., le P.I.et O.N., ce n’est pas la meilleure realpolitik qui soit. Le nombre de députés, les centaines de milliers de votes passés en faveur du P.Q. interdisent à ce parti une coalition électorale qui tendrait à un partage de circonscriptions. Je serais bien surpris que le P.Q. se laisse mener à une patente semblable. Je serais même bien surpris que les deux chefs de Q,S. y rêvent encore, si tant il est vrai qu’ils ont déjà rêvé pareil rêve.
Mais une coalition dans le discours et sur certains énoncés de principe, pourquoi pas ?
Ce que le P.Q. doit avoir en mémoire, c’est l’effet négatif, sinon létal, qu’avait eu la simple apparence d’une coalition du Bloc avec des partis fédéralistes. Nous devrions savoir maintenant que cette coalition avortée avait été comme un baiser de la mort fait à Gilles Duceppe.
Les « jaspinages » réciproques anti P.Q., anti Q.S., ces deux là principalement, mais aussi les autres « jaspinages », de la provenance anti, du P.I et de O.N., autour d’un partage de la carte électorale, les différents « jaspinages » seraient du bonbon aussi délicieux que providentiels pour les zamis-d’en-face, (qui se trouvent souvent à être dans notre dos), et Radio-vous-savez-quoi mettrait la table quotidiennement au plus petit bruissement pouvant ressembler à de la discorde.
Ce serait finalement la discorde assurée, montée en épingle par toute la presse, toutes les presses, incluant Vigile, qui ne pourrait pas rester à l’écart après avoir été de tous les combats. Et tout cela, finalement, au seul profit du P.L.Q. du West Island. J’oublie intentionnellement ici Legault-Sirois. Fa que… sur ce point, faudrait pas mettre la barre trop haute, disons.
Nicole Hébert Répondre
29 septembre 2011Merci, messieurs Binette et Gendron.
Alors, oui, réfléchissons au fur et à mesure. Des États généraux sur l’Indépendance du Québec; j’en suis aussi. Allons-y encore pour les remue-méninges, si la majorité croit qu’il le faille. Certains des démissionnaires du PQ, le NMQ, les ont suggérés. Madame Marois a emboîté le pas; elle a rencontré des réserves à l’intérieur de son parti comme à l'extérieur; d’aucuns qui les avaient demandés le lui ont reproché, ont reculé, l’accusant de récupérer l’idée. Elle a demandé au Conseil de la Souveraineté d’agir en ce sens. Ça paraît logique. Alors? M. Gendron, vous dites que nous saurons dans quelques jours si... Qu’est-ce à dire? Et quelle faute le PQ pourrait-il commettre à ce stade-ci? A-t-il menacé de refuser les règles du jeu; puisqu'il ne lui appartient pas de les établir. Il me manque peut-être là-dessus des informations. Mais il ne saurait être qu’un participant, avec un poids proportionnel à sa taille et son rôle, j'imagine. Vous le dites, des États généraux, c’est l’affaire de tous/toutes, alors? Pourquoi lui faire porter en partant le poids d’une éventuelle faillite de ce projet? Parce qu’il est le Parti le plus impliqué dans la joute actuelle?
La coalition maintenant... Ce n’est pas ce que je privilégie quant à moi mais j’avoue qu’elle s’imposera peut-être finalement. Et sur la question du Comment, prenons l’exemple de Mme Marois qui souhaiterait, mettons, répondre à cet appel de voix plurielles, semble-t-il, pour qu'elle amène son Parti - comme du reste c'est le cas pour les autres chefs de Partis – à opter pour une coalition. Il ne s’agit pas là d’une mince affaire et cette affaire est aussi affaire de démocratie. Cette femme est chef d’un Parti, avec ses membres, son Programme, ses valeurs... Comment procéderiez-vous, à sa place, pour passer de la parole des autres aux actes impliquant ses propres commettants? Dites-moi Comment vous le voyez. J’ai l’obsession du Comment?...
États généraux et coalitions... sont-ce vraiment là les solutions d'urgence?
Honnêtement,
Nicole Hébert
Archives de Vigile Répondre
29 septembre 2011Monsieur Binette, madame Hébert,
Pour des États généraux, j'en suis. Mais des États généraux, ce n'est pas qu'affaire de partis. Ils impliquent la séciété civile, les citoyens. La formule doit être large, inclusive. Croyez-moi.
Et oui, le PQ doit accepter d'y aller à fond, ce que je crois qu'il ne fera pas. Pas prêt, trop à cheval sur ses vieux paradigmes. Mais c'est clair que s'il décide d'y aller, QS ne pourra se permettre de snober (d'ailleurs, ils sont en faveur des ÉG). Cap sur l'idépendance, les syndicats, et tous les autres intéressés par la construction de la nation devront s'y associer.
On saura d'ici quelques jours s'ils pourront voir le jour. Et je vous avoue que j'ai peur. Si jamais c'est la faute du PQ, parce que trop limitatif, alors vous me verrez exposer ma carte déchirée du PQ déchirée via Vigile.
Le PQ a son avenir entre ses mains, et a lui de sauter dans le tas. Madame Hébert ne doit plus hésiter: la donne de 1976 ou de 1995 n'est plus. On rebâtit avec ce qu'on a, mais ce qu'on a doit prendre acte de la réalité nouvelle. Darwinisme politique oblige.
On avance en réfléchissant, pour mieux comprendre l'essence de nos doutes.
Archives de Vigile Répondre
29 septembre 2011Le geste d'impact, à mon sens, ne peut venir que du PQ. Cela pourrait être, par exemple, de participer à des états généraux avec le tiers des délégués, en permettant le tiers à Québec Solidaire et l'autre tiers à différents partis, candidats et associations indépendantistes.
Cela pourrait mener à une entente avec partage de la carte électorale et un programme commun.
D'autres pays ont regroupé leurs forces , disons, progressistes,et ce serait possible ici, mais si quelqu'un a un geste à poser(et à courir un risque, bien sûr...) c'est le PQ. Et avec les résultats que le Bloc a obtenus le 2 mai, stratégiquement, le PQ a tout à gagner à bouger.