Éditorial - Vingt-quatre ans après l'adoption de la Charte de la langue française, il était temps que soit abordé le dossier linguistique autrement qu'en terme de durcissement ou d'affaiblissement de la loi 101, ce que nous propose la Commission sur les États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec en mettant en avant une approche nouvelle et inspirante.
Au point de départ, la création de cette commission avait été critiquée à droite comme à gauche. Certains reprochaient au premier ministre d'alors, Lucien Bouchard, de repousser ainsi aux calendes grecques un débat dont il voulait faire l'économie, tandis que d'autres craignaient l'extrémisme de Gérald Larose qui allait en présider les travaux. Rétrospectivement, il faut reconnaître la sagesse de la décision de M. Bouchard de sortir ce débat du cercle étroit du monde politique pour le confier à un groupe indépendant capable de porter un regard nouveau sur cette question.
On ne sera pas d'accord avec chacune des recommandations de ce rapport. Certaines sont trop timides et d'autres sont mal étoffées, mais il faut souligner en premier lieu l'esprit général qui a animé le travail des commissaires. L'affirmation de la langue française ne peut se faire sans la reconnaissance de la pluralité de l'identité québécoise. Ce qui n'était voilà 24 ans qu'un noble principe devient aujourd'hui possible.
Avec la commission, il faut constater «que les réalités se sont transformées et que les mentalités ont changé». Convenons avec elle que le vieil antagonisme anglais-français s'est estompé et qu'il est possible, maintenant que le français a pris la place qui devait être la sienne, de penser un nouvel aménagement linguistique qui reposera sur la citoyenneté plutôt que sur l'ethnicité.
Le français étant devenu langue commune, la commission nous convie à abandonner l'attitude de protection qui a été celle généralement de la majorité francophone pour une attitude d'affirmation. Le virage proposé est souhaitable et correspond largement à ce qu'attend cette génération des Québécois nés avec la loi 101 qui veulent construire la citoyenneté québécoise. Cependant, il faut bien réaliser qu'il n'y a pas encore, à cet égard, de solides consensus. Ceux-ci sont à construire. La commission est d'ailleurs la première à reconnaître que «la société québécoise doit encore intégrer d'immenses pans de son identité». Il y a des antagonismes qui ne sont pas complètement disparus, cela, autant chez les anglophones que les francophones. Le virage proposé sera bien plus difficile et plus long à réaliser qu'il n'y semble à première vue. Pour autant, il ne faut pas tourner le dos à ce débat.
Plusieurs seront tentés d'écarter du revers de la main la démarche que nous propose le rapport Larose. L'édifice construit par les commissaires est fragile car il repose sur des mesures dont plusieurs sont difficilement applicables dans le contexte constitutionnel actuel. C'est le cas des propositions relatives à la constitutionnalisation de la loi 101, dont Stéphane Dion s'est déjà moqué. C'est le cas aussi de la proposition visant à récupérer d'Ottawa la pleine compétence en matière de sélection des immigrants.
Il va de soi que tout n'est pas à mettre en oeuvre immédiatement dans ce rapport et qu'il y a des chapitres à approfondir. Pour sa part, le gouvernement québécois doit retenir d'abord l'intention des commissaires et cette démarche d'affirmation qu'on lui propose. Il pourrait être tenté de limiter sa réaction à des mesures ponctuelles. Il a le choix puisque ce rapport est riche de nombreuses recommandations, dont plusieurs seront faciles à mettre en oeuvre, pour peu que l'on soit prêt à dégager les budgets nécessaires. Ce serait dommage toutefois qu'il n'ose faire sienne cette approche citoyenne qu'on lui propose et refuse de prendre le relais d'un débat dont notre société ne peut faire l'économie.
Rappel
Les temps changent
Convenons avec elle que le vieil antagonisme anglais-français s’est estompé et qu’il est possible, maintenant que le français a pris la place qui devait être la sienne, de penser un nouvel aménagement linguistique qui reposera sur la citoyenneté plutôt que sur l’ethnicité.
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