Qu’ils vivent à Montréal ou en région, les Québécois, et en particulier les francophones, s’opposent fermement à tous les accommodements consentis aux minorités religieuses. Mais un véritable fossé s’est cependant creusé entre les générations : les jeunes sont, au contraire, d’accord avec la plupart des accommodements.
Hijab à l’école, au soccer, ou dans les services publics, port du kirpan ou du turban à la Gendarmerie royale, repas spéciaux dans les cafétérias : les Québécois s’opposent fortement à tous les accommodements, révèle un sondage réalisé par la firme SOM pour le compte de La Presse et du Soleil.
En effet, les pourcentages d’opposants sont sans équivoque. Près de 70% des répondants croient par exemple qu’on devrait interdire le hijab au soccer, et 65% des gens pensent que les petites musulmanes ne devraient pas pouvoir porter leur foulard à l’école.
Près de 80% estiment qu’on ne devrait pas permettre à un policier de la GRC de porter le turban. Les deux tiers des répondants sont contre les menus différents dans les cafétérias pour les minorités religieuses. Près de 60% sont contre les locaux de prière dans les institutions scolaires.
Quasi-unanimité dans certains cas
Certains accommodements suscitent même une quasi-unanimité chez les répondants, quel que soit leur sexe, leur âge ou leur niveau de scolarité. Quelque 90% des personnes sondées rejettent l’idée de leçons de natation particulières pour les filles, ou encore la possibilité de voter le visage voilé.
La même proportion de répondants s’oppose à la demande des hassidim d’obtenir un évaluateur masculin pour un examen de conduite à la Société d’assurance automobile du Québec. Neuf personnes sur dix s’opposent aussi au port du kirpan à l’école.
Et, clairement, les francophones sont plus opposés aux accommodements, et en particulier à tout ce qui touche le hijab. Sept francophones sur dix s’opposent par exemple au port du hijab à l’école, alors que seulement 42% des répondants anglophones ou allophones y sont réfractaires. Une différence de 28 points. Même chose pour le hijab dans les services publics – une différence de 19 points – ou le port du foulard au soccer –17 points d’écart.
Le débat des derniers mois sur les accommodements raisonnables a-t-il radicalisé l’opinion publique? «Radicalisé, je ne sais pas. Mais il est certain qu’il y a une hypersensibilité sur tout ce qui touche la religion dans l’espace public», estime Rachida Azdouz, vice-doyenne de la faculté d’éducation permanente de l’Université de Montréal. La notion d’accommodement raisonnable est-elle «brûlée» au Québec? «Si la notion continue à être aussi galvaudée et mal comprise, oui, en effet, elle risque d’être brûlée», dit-elle.
Les jeunes plus ouverts, pas les Montréalais
Il y a cependant un net bémol dans ce portrait d'opposants: les jeunes. Sauf pour les accommodements qui touchent à l'égalité des sexes, comme les leçons de natation particulières ou les demandes des hassidim à la SAAQ, les jeunes acceptent en majorité, eux, la plupart des accommodements.
Par exemple, 51% des répondants de 18 à 24 ans jugent acceptable que les policiers sikhs puissent porter le turban à la GRC. Les deux tiers des jeunes disent oui aux menus adaptés dans les cafétérias. La même proportion de jeunes répondants acceptent les locaux de prière dans les institutions scolaires. Et trois jeunes sur quatre ne voient aucun problème au port du hijab par les musulmans à l'école ou dans les services publics.
Et contrairement à leurs aînés, qui estiment, pour les deux tiers, qu'on a accordé trop d'accommodements, 56% des jeunes croient qu'on en a accordé juste assez (40%) ou même, pas assez (16%).
Une question d'habitude
«Les enfants de la loi 101, du moins à Montréal, ont côtoyé la différence depuis plus longtemps. Ils ont vu qu'une fille peut être voilée et suivre un cours d'éducation physique, avoir des amis, socialiser», dit Mme Azdouz. «Mais je me méfie du schéma jeune versus vieux. Il ne fonctionne pas toujours.»
Cependant, contrairement à ce que l'on pourrait croire, les Montréalais ne sont pas plus ouverts que les autres Québécois aux accommodements. Ils rejettent, à peu près dans les mêmes proportions, les compromis consentis aux minorités religieuses. «Le clivage Montréal-région sur cette question était effectivement une explication simpliste», croit Mme Azdouz.
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Crucifix contre hijab
Katia Gagnon - Si les Québécois sont très majoritairement contre les signes religieux affichés par les personnes d'autres religions, ils tiennent cependant à ce que les symboles du catholicisme demeurent en évidence dans les espaces publics.
Ainsi, près de 70% des répondants s'opposeraient à ce que l'on retire le crucifix de l'Assemblée nationale. De plus, 52% des gens refuseraient que l'on supprime la prière dans les conseils municipaux. Que l'on soit issu de Montréal, de Québec ou des régions, ces pourcentages demeurent sensiblement les mêmes.
«Les événements de l'automne dernier autour des accommodements raisonnables peuvent expliquer cette crispation. Car il y a une crispation autour des symboles religieux, même chez les gens qui sont laïques. Un repli identitaire en appelle un autre. On se retranche tous derrière nos symboles», commente Rachida Azdouz, de l'Université de Montréal.
Confusion entre foi et tradition
Au Québec, estime cette spécialiste des accommodements raisonnables, il y a une confusion entre foi et tradition judéo-chrétienne.
«On ne peut pas enlever le sapin de Noël des centres commerciaux. Ça fait partie des traditions. Mais dire que le crucifix, ça fait partie des traditions, c'est autre chose. Il n'y a pas de place pour un tel symbole religieux dans un espace citoyen comme celui de l'Assemblée nationale.»
Sondage SOM–La Presse–Le Soleil
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