Les Québécois ne sont pas les seuls à croire qu'il y a des limites aux accommodements raisonnables. Dans le reste du Canada aussi, on estime que les nouveaux arrivants doivent s'adapter à la culture canadienne. Un sondage réalisé dans tout le pays, et publié récemment dans la revue Options politiques, jette un éclairage nouveau sur le débat qui fait rage actuellement.



Jusqu'ici, on croyait que la «crise» entourant les accommodements raisonnables était circonscrite entre Gatineau et Sept-Îles. Or il appert qu'à Sudbury comme à Calgary, on se demande aussi s'il faut tolérer le port du kirpan et de la burqa dans les écoles, les institutions publiques et les milieux de travail.
Ce sondage pancanadien fait écho au sondage SOM publié aujourd'hui dans nos pages. Dans les deux cas, il montre que les Québécois sont catégoriques dans leur rejet des accommodements raisonnables. Le sondage révèle toutefois qu'il existe également une opposition dans le reste du Canada, bien que les opinions y sont moins tranchées.
Sur la question des accommodements religieux ou culturels en milieu de travail par exemple, 64,5% des Québécois y sont opposés alors que 44,7% des Canadiens seulement les rejettent. Sur des questions moins «confrontantes» comme les menus spéciaux dans les cafétérias, on est plus conciliant à l'extérieur du Québec.
Ces résultats sont importants et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, ils font taire ceux qui affirmaient que les Québécois étaient seuls dans leur rejet des accommodements raisonnables. Il semble au contraire que les Canadiens sont eux aussi préoccupés par cette question.
L'analyse initiale qui voulait que le peuple québécois soit replié sur lui-même serait donc à revoir. Au fond, les questionnements identitaires et les discussions autour des accommodements raisonnables font partie de la réflexion à laquelle est confrontée toute société qui ouvre ses frontières à l'immigration. Le Canada n'y fait pas exception.
Pourquoi les positions sont-elles plus campées au Québec? Bien entendu la couverture médiatique intensive des derniers mois a fait en sorte que la grande majorité des Québécois a une opinion sur le sujet. On estime que 90% des Québécois a entendu parler des accommodements raisonnables alors que dans le reste du Canada, la proportion tombe à 63,7%.
Ensuite, il y a la question culturelle. D'un côté, il y a ceux qui défendent l'idée du Canada et de ses deux peuples fondateurs alors que pour d'autres, c'est l'approche du Canada multiculturel à la Trudeau, une vaste mosaïque composée des multiples communautés, qui prévaut. Ces deux visions vont continuer à s'affronter au cours des prochains mois, et pas seulement au Québec où cette question est encore plus sensible pour des raisons linguistiques.
Il y a quelque temps, la gouverneure générale, Michaëlle Jean, lançait l'idée qu'on tienne un exercice équivalent à la commission Bouchard-Taylor dans le reste du Canada. L'idée n'est peut-être pas si saugrenue. En effet, il serait intéressant d'entendre ce que les Canadiens de Terre-Neuve à Vancouver ont à dire sur l'intégration des immigrants et l'identité canadienne. On découvrirait peut-être que, contrairement aux idées reçues, les Canadiens considèrent eux aussi qu'ils ont une culture à défendre.