Parmi les opinions exprimées depuis le début du débat sur les accommodements raisonnables, il y a la crainte que l'égalité entre les hommes et les femmes soit menacée. Quand une communauté exige qu'on givre les fenêtres d'un centre sportif pour cacher les femmes qui s'y entraînent en vêtements de sport, ou lorsqu'un membre de la communauté musulmane refuse d'être traité par une femme médecin, il y a remise en question de cette valeur fondamentale, une valeur qui ne devrait pourtant pas être négociable.
Le Conseil du statut de la femme (CSF), lui, n'est pas rassuré. Dans son avis rendu public hier, et qui sera présenté à la fin novembre devant la commission Bouchard-Taylor, il recommande d'amender la Charte des droits et libertés de la personne afin qu'il soit inscrit noir sur blanc (comme c'est le cas dans la Charte canadienne) que l'égalité des sexes ne doit souffrir d'aucun compromis. Comme les tribunaux n'ont jamais eu à se prononcer sur cette question, le CSF estime qu'il vaut mieux adopter une série de mesures pour prévenir les coups.
L'organisme gouvernemental, qui s'est déjà positionné en faveur du port de voile en espérant que cela favoriserait l'intégration des petites filles dans les écoles, change son fusil d'épaule. Sa présidente affirme aujourd'hui qu'aucun accommodement ne devrait être toléré au nom de la liberté religieuse ou toute autre liberté.
Elle rappelle, comme plusieurs avant elle, que le port du voile ou de la burqa n'a rien à voir avec la religion (aucune religion n'exige d'une femme qu'elle se voile) et tout à voir avec l'oppression des femmes. Dans ce contexte, croit-on, ces voiles sont donc à proscrire en tout temps en public, que ce soit à l'école ou dans un centre commercial. Est-ce vraiment nécessaire de modifier la Charte pour protéger l'égalité entre hommes et femmes au Québec?
Et si oui, quelles seraient les implications puisque la Charte québécoise, contrairement à la Charte canadienne, s'applique tout aussi bien aux rapports privés que publics dans la société? Les experts devront se pencher sur ces enjeux au cours des prochains mois. S'ils découvrent le moindre interstice par lequel il est possible de s'introduire afin de menacer le principe d'égalité alors, oui, l'ajout d'une clause deviendrait nécessaire.
Le CSF recommande également la neutralité de l'État ainsi que l'interdiction pour ses employés d'arborer tout symbole religieux apparent dans le cadre de leur travail. Elle propose également que les valeurs communes de la société québécoise soient expliquées aux nouveaux arrivants. Sur ces deux points nous sommes complètement d'accord.
Par contre, il faut questionner la nécessité de modifier la Loi sur l'instruction publique. Le Conseil suggère en effet qu'on y affirme que la valeur de l'égalité entre les sexes soit véhiculée dans les politiques d'éducation.
L'avis recommande aussi qu'on instaure dès l'école primaire un cours d'éducation citoyenne qui enseignerait aux enfants l'existence des chartes et des droits garantis, comme celui de l'égalité homme-femme. Cela nous semble exagéré. S'il y a un milieu sensibilisé à l'égalité, c'est bien celui de l'éducation. Les manuels scolaires reflètent l'avancée des femmes dans la société et les enseignants véhiculent ces valeurs depuis longtemps.
«On n'est jamais trop prudent», nous dit le Conseil du statut de la femme dans cet avis. Son inquiétude est compréhensible, les acquis féministes étant récents et donc, encore fragiles. Dans ce contexte, vaut mieux prévenir que guérir. Assurons-nous seulement de ne pas sombrer dans la paranoïa.
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