Une expression que l’on entend souvent depuis quelques années: « Nous sommes tous des immigrants ». Pourquoi emploie-t-on cette expression qui n’a pas de sens? Peut-être parce qu’on ne veut pas regarder la réalité en face. Ce n’est pas mépriser ceux qui arrivent au pays que de dire qu’ils sont des immigrants, que nous les accueillons comme des immigrants, et que nous souhaitons qu’ils s’intègrent à la communauté d’accueil. Le 27 décembre dernier, j’entendais le Premier ministre du Québec affirmer tout naturellement que nous sommes tous des immigrants. Les mots ne veulent donc rien dire!
On nous rétorque que nos aïeux étaient des immigrants. Je veux bien, encore qu’ils arrivaient ici dans une région qui n’était pas très peuplée, qui ne formait pas un pays organisé. Les Amérindiens, pour qui j’ai le plus grand respect, ne formaient pas un pays qui accueillait les arrivants. Ils étaient peu nombreux et étaient installés dans des endroits éloignés les uns des autres. Les arrivants, nos aïeux, s’installaient dans des endroits plutôt déserts et nouaient des relations avec les Amérindiens. Puis ils avaient des enfants qui n’arrivaient pas d’Europe, qui naissaient au pays, s’y installaient. Ils n’étaient pas des immigrants. Je ne comprends pas qu’on puisse dire que nous, leurs descendants, nous sommes des immigrants. Quant à cela, il faudrait dire que nous sommes des adolescents parce que nous avons tous été un jour des adolescents.
Je conseillerais au Premier ministre de lire le Petit Robert. Au mot « immigrant » il verra qu’on y lit: « Personne qui immigre dans un pays ou qui y a immigré récemment ». Et au mot « immigrer », il lira: « Entrer dans un pays étranger pour s’y établir ». Il y a longtemps que mes parents sont entrés au pays et s’y sont établis. Le Québec n’est pas pour moi un pays étranger...
Pourrait-on m’expliquer pour quelles raisons on s’acharne à ne pas appeler les choses par leur nom? Je ne suis pas un immigrant au Québec. J’ai des amis qui sont des immigrants, je suis heureux de les accueillir. Et j’ai justement pour eux une attention spéciale parce que je sais qu’ils sont nouveaux au pays, qu’ils ont besoin d’une attention particulière. Mais pourquoi s’acharner à brouiller la réalité?
Paul-Émile Roy
Nous ne sommes pas tous des immigrants
Pourrait-on m’expliquer pour quelles raisons on s’acharne à ne pas appeler les choses par leur nom?
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8 commentaires
Jean-François-le-Québécois Répondre
3 octobre 2008Je voudrais dire, d'abord, que si un président américain a déjà dit que leur société était un «melting pot», chose très différente de la soupe multiculturelle Canadian, en revanche, celui qui dirait que cette nation est une nation d'immigrants, sans racines, sans histoire propre, s'attirerait une sacrée désaprobation!
Je poursuivrai en disant, de manière bien directe, que nous sommes nombreux, au Québec, à être fatigués, vraiment, de ces clichés crypto-marxistes apprêtés à la canadienne qui nous sont servis par Justin Trudeau, depuis quelques années!
Non, nous ne sommes pas partout pareils; c'est ce qui fait la richesse de tout le patrimoine culturel développé par les différentes familles de l'humanité!
Autre chose: pour Justin Trudeau, c'est comme si tous et chacun, à la surface de notre planète, étaient comme un Canadien vivant à l'étranger mais qui n'avait pas encore immigré pour ensuite demander ici sa citoyenneté... Qu'il en parle, par exemple, à un citoyen américain qui aime son pays, et n'a aucune espèce d'intention d'adopter le bouillon multiculturel du paternel de Justin!!!
Rodrigue Guimont Répondre
4 janvier 2008Vous avez, Madame Dorvily, en bonne partie raison lorsque vous dites : «que l’on ne peut et l’on ne devrait pas être appelé immigrant sur la terre qui nous a vue naître».
D’autre part vous semblez confondre Québécois tout court et Québécois de souche. Les ancêtres des «Québécois de souche» sont arrivés au pays (Nouvelle-France) au XVIIe siècle. Ils étaient contemporains des Quakers et autres puritains anglais des premiers colons de la Nouvelle-Angleterre. Ces Français d’origine devenus «Canayiens» au fil des générations sont le noyau dur de notre culture québécoise.
Si je m’expatrie en Haïti, en Grèce ou en Italie il ne me viendrait pas à l’idée de me réclamer Italien de souche, Grec de souche ou Haïtien de souche, pour la simple raison que mes ancêtres n’ont pas contribué à fonder ce pays. Je ne peux prendre une identité qui n’est pas mienne.
Par contre, et là vous avez raison Madame, vous êtes Québécoise d’esprit et de corps, puisque vous avez à cœur de bâtir avec nous un avenir meilleur pour vous et nos enfants.
Archives de Vigile Répondre
3 janvier 2008Monsieur Roy,
Je vous remercie pour ce questionnement fait à haute voix. Elle me permet, en effet, de faire ma première intervention sur ce magnifique site.
Je dois dire d'embler que je sympathise avec vous sur la banalisation fait de l'emploi du mot "immigrant" pour définir le Québécois sur sa propre terre natale.
Toutefois, permettez que j’exprime les nuances qui m’incitent à vous répondre.
Premièrement, je pense bien qu'il importe que nous nous élevions hors des limites territoriales d'une province et d'un pays et que nous acceptions que tous les humains soient bel et bien immigrants de la terre. En soi, nous sommes des citoyens du monde et vu d’un tel angle l’utilisation du mot immigrant peut se faire à souhait. Ainsi donc, bien que je n’approuve pas l’approche et les dires de Monsieur Charest sur le dossier, fait est de reconnaître qu’il n’a pas tort d’appeler tous les Québécois des immigrants puisque tous les humains le sont dans un sens très large et un brin abstrait.
Bien sûr, tout ce qui gît et vit se languit de structure et ainsi donc puisque les Français ont jadis conquis cette terre et par la suite les Anglais, il est de bon ton que les Québécois revendique une appartenance à la terre. De même, nous ne pouvons reléguer dans un coin cette même appartenance à la terre qui revient de droit aux Amérindiens sous prétexte que la région n’était pas très peuplée. Par conséquent, trois différentes nations peuvent à juste titre s’approprier l’amour à la terre du Canada français.
J’acquiesce à vos propos que l’on ne peut et l’on ne devrait pas être appelé immigrant sur la terre qui nous a vue naître. D’autant plus que l’action d’immigrer sous-entend un déplacement volontaire ou involontaire d’un pays, d’un lieu qui n’est pas le sien. Alors voilà que c’est justement là ou le bas blesse dans le cœur des Québécois « de souche ». Alors que vous exprimez votre indignation d’être ainsi interpellé « immigrant », imaginez le mien qui se fait dire « de retourner dans son pays » ou tout simplement de se faire appeler « minorités visibles » sur cette terre qui est également la mienne. Je suis née sur cette terre et je porte la cause de la souveraineté du Québec comme bien d’autres de ces supposés « immigrés » que vous reléguez dans une catégorie à part pour mieux trouver une classe à accuser quand le Québec échoue dans la conquête de son indépendance.
Pourrait-on m’expliquer pour quelles raisons les Québécois « de souche » s’acharne à ne pas appeler les choses par leur nom? Je suis née au Québec, que vous le vouliez ou non, je suis une québécoise et dans quelque génération, mes enfants seront eux aussi « de souche ». Ainsi donc, pour reprendre vos paroles, les faits sont que les québécois « de souche » sont peu nombreux, mes parents sont donc venus ici et ont noués des relations avec vous. Puis ils ont fait des enfants qui n’arrivaient pas d’Haïti, qui sont nés au pays, s’y installaient. Je ne suis pas une immigrante, pas plus que vous ne l’êtes et tous les autres québécois et ça, Monsieur Roy, c’est la réalité!
Vanessa Dorvily
Rodrigue Guimont Répondre
2 janvier 2008Monsieur Charest me semble bien déprimé depuis les dernières élections. Le ton ennuyé, pour ne pas dire blasé, qu’il utilise depuis qu’il est allé chercher Daniel Gagnier, ex-stratège de Pierre Elliot Trudeau, comme chef de cabinet pour mieux se rapprocher de l’électorat francophone paraît-il (faut le faire!!!) est inquiétant. Il semble sur une autre planète, décontracté jusqu’à l‘absence…
Une phrase creuse comme : «Nous sommes tous des immigrants» n’est pas innocente en soi. Venant d’un anthropologue j’aurais compris quelque chose, que nous sommes tous le produit d’une longue marche civilisatrice. Mais voilà, pour son malheur, Monsieur Charest nous a peu habitué à une telle profondeur d’esprit.
Cela sent le par cœur, une autre petite phrase assassine destinée encore une fois à réduire notre différence. Bref, comme des milliers de Québécois francophones je n’ai aucune espèce de confiance en Monsieur Charest pour défendre les intérêts supérieurs du Québec. Quand cela sent le poulet c’est parce que c’est du poulet…
Gaston Boivin Répondre
31 décembre 2007Certains fédéralistes, qui craignent que la volonté d'affirmation du peuple québécois n'ait raison de son appartenance canadienne, s'évertuent en jouant avec les mots à chercher à rapetisser ce qu'il est, à tenter de l'émietter en le dépouillant de sa substance historique pour l'apparenter aux nouveaux arrivants qui, de tous les autres pays, viennent chez nous, avec une mémoire et un sentiment d'appartenance zéro de leur nouveau pays et une mémoire colossale de leur ancien pays. Évidemment, le procédé tient autant de la fausse prémisse qu'il peut s'apparenter au syllogisme. Ainsi en est-il lorqu'ils s'évertuent à affirmer que les québécois sont tous des immigrants: Ils ne semblent pas leur venir à l'esprit que les québécois descendants de la Nouvelle-France ont une mémoire colossale de leur pays le Québec mais une mémoire beaucoup plus courte du pays de leurs ancêtres et que leur sentiment d'appartenance va tout entier au Québec et non pas au pays lointain de leurs ancêtres, qui n'est plus qu'une référence. Cette mémoire du pays et ce sentiment d'appartenance se mesure en termes de générations après une première immigration: La première génération des descendants d'un immigré aura un sentiment d'apparenance plus fort au pays que son auteur et une mémoire de celui-ci qui sera additionnée de sa contibution à son édification et de celle de ses parents. Ce n'est pourtant pas sorcier! Vouloir apparenter les descendants de la Nouvelle-France à des immigrants après 400 ans d'existence au pays est une insulte à l'existence de notre peuple et un mépris à son égard. Je me demande quel serait la réaction d'un américain si un immigrant fraîchement débarqué aux U.S.A. lui disait qu'il n'est rien qu'un immigrant comme lui, d'autant plus si cet américain s'appellerait Georges Bush. De toute facon, je ne crois pas qu'un immigrant oserait dire cela à un américain, car les américains sont maîtres de leur pays , pas plus d'ailleurs que j'estime qu il viendrait à l'esprit de leur président d'affirmer une telle énormité. Mais chez nous, nous ne sommes pas maîtres de notre pays et le premier ministre qui représente notre peuple est plus intéressé à sauver le Candada que le peuple qu'il représente. Les immigrants ne sont pas dupes: Ils comprennent que ce peuple existe dans un pays non reconnu, que le pays officiel ignore et dont le premier représentant clame lui-même que les gens qu'il représente sont tous des immigrants dans ce faux pays où seul l'option Canada existe. Et que comprennent-ils quand, commentant la décision du gouvernement Harper de ne finalement pas inviter la reine d'Angleterre à la commémoration du quatre-centième anniversaire de la fondation de Québec, son ministre des relations inter-gouvernementales, monsieur Benoît Pelletier dit regretter cette décision et cette nostalgie d'avant 1760 qui semble exister chez certains québécois. Comment respecter un peuple que ses propres représentants se permettent de ne pas respecter. Quelle drôle de situation qu'est la nôtre!
Archives de Vigile Répondre
31 décembre 2007J'ai tiqué moi aussi en entendant Jean Charest déclarer que nous sommes tous des immigrants...
Comment ça moi un immigrant? Et mon père, et mon grand père et les huit autres avant eux c'étaient des immigrants ? Hé ben!
Quand les deux frères qui forment la cellule souche de notre présence familiale ici sont arrivés, il étaient pêcheurs. La saison terminée ils retournaient une fois dans leur village en Normandie, une autre saison montant passer l'hiver à Québec. Ils migraient, à l'intérieur de leur pays, exactement comme un travailleur peut monter à la Baie James et revenir occasionnellement dans son patelin d'origine. Cela en fait-il un immigrant?
Je ne suis pas un immigrant. Je suis chez moi ici depuis 1747. Ça n'a rien à voir avec l'immigration d'un magrhébin ou d'un Pakistanais, venant s'incorporer à une culture étrangère pour lui.
Un bon choix de cadeau pour un Charest qui prend plus de temps pour lui-même à ce qu'il dit : Un dictionnaire. Ça presse. Et un baillon peut-être, pour lui éviter de dire des niaiseries.
Jean Pierre Bouchard Répondre
31 décembre 2007J.Charest en tant qu'ancien politicien conservateur est hors de tout doute un adepte du multiculturalisme canadien trudeauiste qui a commencé à être constitué dès 1969 par le rêve impossible d’un bilinguisme canadien crédible. La tradition familiale dont il est issu est probablement imprégnée par la veille notion d'un Canada français "normalement" inséré dans le cadre fédéral. Ce qui explique pourquoi l'affaire des accommodements l'a tant dérangé et qu'il n'a su s'en "sortir" que par la création d’une commission supervisée par deux intellectuels sur mesure non dérangeants.
L’aveuglement devant la réalité d’un Québec français qui ne constitue plus que 23% de la population canadienne est typique de ces Québécois qui se révèlent incapables de faire leur deuil d’un Canada mythifié dans sa profondeur continentale qui ne correspond plus a notre réalité sociopolitique. M.Charest qu’il soit simple député ou malheureusement premier ministre actuellement est dépourvue de toute perspective d’ensemble sur la situation du Québec. Devant l’information démographique d’un recensement de Statistique Canada qui indique le caractère fragile du français à Montréal il fait réagir une ses ministres en disant que « tout va bien » !
La réalité c’est que J.Charest par son indifférence contribue jour après jour à défaire le Québec à l’ignorer dans ce qui le constitue. Entre hier et aujourd’hui, selon lui notre culture ne s’inscrit pas dans une réelle continuité. À quelques heures du lancement du 400ème de Québec, il croit donc que « nous sommes tous des immigrants » indépendamment de toute évidence.
Une idée qui peut être ici comme ailleurs sera considéré c’est celle qui dit que nous n’avons pas les moyens de laisser longtemps se pourrir notre situation politique et qu’il faudra bien se débarrasser des libéraux. Péquistes et Adéquistes devront peut être envisager de former une coalition d’ici au plus tard un an. Envisager le début de quelque chose d’abord pour expulser de Québec ce gouvernement de sous-traitance.
Raymond Poulin Répondre
31 décembre 2007Pourquoi? De la part du quidam, par rectitude politique. Dans le cas de Jean Charest, on y ajoute une pincée d'électoralisme pour saler le plat. Enfin, pour beaucoup de locuteurs (et sans doute Charest aussi), pour noyer non pas le poisson mais l'assise, le noyau du peuple québécois: s'il n'y a pas de nation originelle, nous voilà donc tous une pièce du patchwork multiculturel canadien. Du sous-Justin Trudeau à la sauce fédéraliste. Les mots sont rarement innocents, surtout lorsqu'ils sont repris et amplifiés par des politiciens.