Les Québécois à l'affût d'un nouveau liant politique

Égalité républicaine! Un liant libérateur à construire!


Au Québec, ce liant, en dormance, est présent partout au quotidien mais absent ou quasi absent dans les partis politiques qui promeuvent la création d'un pays, le PQ et QS, et ceux qui n'ont que des visées provinciales : le PLQ, l'ADQ et le futur CAQ.

Depuis le 2 mai 2011, sur la scène fédérale, tout semble figé. Par contre, au Québec, il y a de la bougeotte dans l'air. Tellement que plusieurs estiment que la déconfiture du PC, du PLQ et du BQ pend au bout du nez de l'ADQ, du PLQ et même du PQ sous la gouverne de Pauline Marois.
À cause d'un débordement individualiste inattendu? J'en doute. L'individualisme est présent au Québec depuis belle lurette. Puis il n'est pas facile de cerner ce qui s'est passé, les Québécois de la vague orange étant réfractaires à l'étiquetage.
Sur la scène canadienne, ils se sont manifestés un tantinet à gauche et, demain, selon des sondages, ils pourraient se trouver un tantinet à droite sur la scène québécoise ou, selon un dernier sondage, supporter un PQ dirigé par Gilles Duceppe.
Si c'est le cas, cette vague orange et celles qui s'annoncent n'ont rien d'un comportement politique irréfléchi. Ces Québécois, branchés sur les réseaux sociaux, seraient plutôt de fins stratèges.
Sur la scène canadienne, le PC n'avait rien d'attirant et l'est royalement depuis. Du PLC, émanaient et émanent encore trop d'odeurs bizarres. Quant au BQ, le chef, dont le parti mit de l'avant des politiques réformistes, clama qu'il n'y a rien à attendre du Canada alors que la chef du PQ prôna le report dans dix d'une consultation sur l'avenir du Québec.
Dix ans, c'est long. Assez long pour revoir plus tard les choses autrement. Dès lors, appuyer, pour divers motifs, le NPD, allait de soi, d'autant que le chef tint un message d'espoir.
Quand on scrute ce message, force est de constater qu'il contenait des idées en concordance avec les thèses d'Occupy Wall Street. Dans le contexte politique canadien d'alors, ces idées, contrairement à celles du BQ, pouvaient être appliquées.
Ces Québécois auront-ils un comportement identique sur la scène québécoise? Difficile à dire. QS, qui prône des idées proches de celles du NPD, n'a pas le vent dans les voiles. Un parti à naître recevrait l'appui d'un certain nombre d'entre eux tout en demeurant réceptifs à l'idée de créer le pays du Québec et plusieurs appuieraient Gilles Duceppe à la tête du PQ.
Derrière cette bougeotte, il y a tout sauf des excès d'individualisme ou des comportements irrationnels, voire hautement émotifs. Il y a plutôt, à mon avis, quelque chose qui renvoie aux effets collatéraux de la Révolution tranquille.
Avec cette révolution, l'univers référentiel des Canadiens français du Québec s'est transformé. Ces derniers se dirent Québécois et agirent en conséquence partout, y compris sur la scène internationale, ce qui eut un impact sur l'univers référentiel des autres Québécois.
Le temps aidant, tous les résidents du Québec devinrent des Québécois de sorte qu'une nation politique s'avérât en gestation, ce qui inquiéta les autorités canadiennes et indisposa les ethno-nationalistes qui s'activent au Québec et au Canada dans des milieux socio-politiques voués à édifier les clivages d'antan.
Au coeur de cette modification se trouvent les enfants de la loi 101. À l'école, sur les terrains de jeu, au travail et dans la vie de tous les jours, ces enfants sont des alter-ego des enfants des «de souche». Depuis près de quarante ans, tous ces enfants, leurs parents et leurs entourages vivent sans les étiquettes qui ont marqué l'univers de leurs parents et de leurs grands-parents.
Le 2 mai 2011, ces jeunes et les membres de leurs entourages ont dit qu'ils entendent vivre de cette façon. Ce point, fondamental et structurant, révèle un changement majeur dans la façon de concevoir le fait québécois.
Pour ces Québécois, il n'importe pas seulement de faire de la politique autrement, de présenter une poignée de réformes ou de mettre de l'avant des projets sociaux. Il faut, au préalable, concevoir les Québécois comme des égaux politiquement liés entre eux.
Au Québec, ce liant, en dormance, est présent partout au quotidien mais absent ou quasi absent dans les partis politiques qui promeuvent la création d'un pays, le PQ et QS, et ceux qui n'ont que des visées provinciales: le PLQ, l'ADQ et le futur CAQ. Encore moins les partis fédéralistes pour qui ce liant ne peut être que canadien.
Voilà pourquoi il y a de la bougeotte dans l'air. Si ce liant prend politiquement forme au Québec, cette bougeotte ressemblera à la «danse-salutation» de Gilles Vigneault devant les jeunes de toutes origines qui venaient de chanter en choeur Les gens de mon pays à la soirée de l'ADISQ du 30 octobre 2011.
Avec ce liant, ce sont des valeurs citoyennes qui s'irradieront en terre québécoise et, avec elles, s'enracineront des façons nouvelles de prendre nos décisions et de faire nos choix politiques. Très vite des Québécois et des Québécoises de toutes origines mettront alors l'épaule à la roue pour lever le mât qui manque pour que le Québec pays naisse enfin et s'exprime sur la scène internationale.
Claude Bariteau, anthropologue
Québec

Featured 99fbda41af3a69850ed2cf2a14d3f88e

Claude Bariteau49 articles

  • 56 636

Claude Bariteau est anthropologue. Détenteur d'un doctorat de l'Université McGill, il est professeur titulaire au département d'anthropologie de l'Université Laval depuis 1976. Professeur engagé, il publie régulièrement ses réflexions sur le Québec dans Le Devoir, La Presse, Le Soleil et L'Action nationale.





Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé