L’offensive du premier ministre Doug Ford contre les Franco-Ontariens est odieuse. Sous prétexte de compressions budgétaires, le poste de Commissaire aux services en français en sort gravement affaibli. La première université ontarienne de langue française est reportée brutalement à la semaine des quatre jeudis. Le secteur culturel franco-ontarien écope aussi. Cette offensive est volontaire. Là-dessus, je persiste et signe. L’ampleur des dommages en fait foi. Même chose pour son supposé « recul » sur le poste de commissaire. Lequel n’est qu’un modeste pas de côté. Par conséquent, n’ayons pas peur des mots. Les actions de Doug Ford découlent d’une francophobie encore bien réelle. Courroucés avec raison, de nombreux Franco-Ontariens n’hésitent pas à le dire haut et fort. Au Québec, une montée solidaire de boucliers ne s’est pas fait attendre non plus. À l’opposé, dans la classe politique et les médias anglo-canadiens, les salves de Ford ont été reçues dans la plus parfaite indifférence. Leurs critiques ne sont venues qu’après celles des premiers ministres François Legault et Justin Trudeau, de même que celles de plusieurs chroniqueurs québécois. Cette indifférence initiale n’a rien d’étonnant. Depuis des lustres, les élites anglo-canadiennes et anglo-québécoises souffrent d’un puissant complexe de supériorité morale. Se voyant elles-mêmes comme des parangons de vertu en matière de tolérance, croire à la moindre forme d’intolérance émanant de leurs propres dirigeants leur est tout simplement inconcevable. La pire accusation Par contre, ces mêmes vertueux auto-proclamés n’hésitent jamais à porter aux Québécois francophones la pire des accusations. Celle d’être habités par le sombre dessein de vouloir opprimer les minorités, dont tout particulièrement, les Anglo-Québécois. Depuis longtemps, les leaders de cette même minorité la dépeignent d’ailleurs comme une pauvre « victime ». Victime de la loi 101. Victime d’un nationalisme « rétrograde ». Victime des séparatistes. Bref, victime des francophones. À juste titre, la minorité anglo-québécoise jouit pourtant d’une panoplie unique au monde de droits et d’institutions, dont les Franco-Canadiens n’osent même pas rêver. Les Franco-Ontariens attendent encore leur première université. Les Anglo-Québécois en ont trois. Les Franco-Ontariens ont dû se battre pour un seul hôpital de langue française. Au Québec, les anglophones gèrent un réseau complet. Idem pour les services sociaux et l’éducation. Ce sont là des faits. La réalité n’a toutefois jamais empêché les pires calomnies de fuser contre les Québécois francophones. Les fausses accusations d’intolérance ressortant à la moindre manifestation d’affirmation nationale ou linguistique. Déchirer sa chemise Dès qu’il légiférait sur le français, Robert Bourassa, tout comme René Lévesque, subissait les pires procès d’intentions. Dans les médias anglo-canadiens et anglo-québécois, même la fameuse clause de « société distincte » de l’Accord du lac Meech fut vertement dénoncée comme l’ultime instrument du Québec pour opprimer ses minorités. Ces faux parangons de vertu, ils existent toujours. Pendant que les Franco-Canadiens combattent pour la moindre parcelle de services, ils déchirent bruyamment leur chemise devant une petite motion de l’Assemblée nationale sur le « Bonjour-Hi! » ou le faux scandale du Pastagate. De l’hypocrisie politique de premier ordre. La francophobie est pourtant un trait indéniable de l’histoire moderne du Canada. Doug Ford en est une nouvelle incarnation. D’où cette solidarité qui, au-delà des convictions politiques des uns et des autres, unit les Québécois et leurs voisins francophones quand un gouvernement s’en prend à ceux-ci. Cette résistance unifiée se dresse en effet dès que les francophones voient poindre le troublant visage trop familier de la francophobie. Et ce, quelle que soit la forme qu’elle prend.