Au lendemain du référendum du 18 septembre, une commission fut mise sur pied à Londres afin d’en arriver à une entente sur la dévolution de nouveaux pouvoirs à l’Écosse, à laquelle les formations unionistes — travailliste, conservatrice et libérale-démocrate — s’étaient engagées. Présidée par Lord Robert Haldane Smith et composée de représentants des branches écossaises des partis unionistes (6), des verts (2) et du SNP (2), cette commission a publié ses recommandations le 27 novembre, le gouvernement britannique devant en tirer un projet de loi d’ici le 25 janvier pour adoption après les élections générales de mai 2015. Or, s’il demeure que l’Écosse se voit offrir un réel changement de statut au sein du Royaume-Uni, la Commission Smith et le nouveau Scotland Bill qui en émergera ne pourront garantir une stabilité constitutionnelle à moyen et long termes.
D’abord, les partis unionistes se seront imposé début septembre un échéancier à la limite du raisonnable, conséquence de la panique de leur camp à l’approche du référendum. Deux mois pour la publication de recommandations, quatre pour la présentation d’un projet de loi et moins d’un an pour son adoption, cela donnait peu de marge pour l’analyse rigoureuse des besoins de l’Écosse. Faire de ces offres un enjeu électoral national aura également réduit les chances d’une dévolution acceptable aux yeux des Écossais, notamment en raison de l’intérêt des conservateurs au pouvoir à n’offrir que le minimum, de manière à ne pas s’aliéner l’électorat nationaliste anglais dont une défection massive vers l’eurosceptique UKIP est déjà en cours. Les conservateurs sortent d’ailleurs gagnants de la Commission Smith, au détriment toutefois d’un appui durable du SNP et, peut-être, de la population écossaise aux réformes proposées.
En matières fiscales, les recommandations correspondent exactement aux voeux des conservateurs : dévolution complète des taux et recettes de l’impôt sur le revenu des particuliers, puis dévolution des recettes écossaises émanant de la première tranche de 10 % sur la taxe de vente britannique. Ces recommandations représentent d’une pierre trois coups pour les conservateurs. Elles accentueraient la responsabilité d’Holyrood envers les contribuables. Elles s’appliqueraient à coût nul pour le Trésor britannique, l’Écosse n’en tirant aucun nouveau revenu en raison de l’ajustement correspondant des transferts budgétaires. Mais surtout, elles risqueraient d’induire une pression fiscale à la baisse en Angleterre si un nouveau statut d’autonomie était concurremment offert aux Anglais. Les Écossais décidant désormais seuls de leurs taux d’imposition du revenu, l’Angleterre, où l’appui au conservatisme fiscal est répandu, pourrait bientôt être habilitée à faire de même suivant le système « English Votes for English Laws » (EVEL) envisagé.
La dévolution fiscale se révélerait par ailleurs assez limitée. Les taxes d’accise — à l’exception des droits de passage aérien — les contributions sociales, la taxe sur l’essence, les taxes sur le capital, mais surtout les impôts des entreprises puis l’impôt sur les recettes pétrolières demeureraient britanniques. Les pouvoirs d’emprunt du gouvernement écossais, conformément au Scotland Act 2012 précédemment adopté, seraient considérablement augmentés, mais étroitement encadrés. Si les recommandations de la Commission devaient être appliquées intégralement, l’Écosse contrôlerait 29 % des taxes et impôts levés sur son territoire puis 37 % des recettes fiscales de son gouvernement. Un peu moins de 50 % des dépenses publiques écossaises seraient donc financées par des taxes et impôts contrôlés au moins partiellement par l’Écosse. Cela se rapprocherait d’un réel fédéralisme fiscal, mais demeurerait loin des promesses faites aux Écossais.
Qui plus est, les transferts budgétaires du Trésor britannique vers l’Écosse continueront d’être calculés sur la base de la « formule Barnett », c’est-à-dire, notamment, en proportion des dépenses publiques effectuées en Angleterre. Or, si le système EVEL devait être adopté, un resserrement de ces dépenses serait à prévoir et pourrait influer négativement sur les capacités de l’Écosse à prendre en charge les nouvelles responsabilités socioéconomiques qui, bien que limitées, seraient également dévolues. En matières sociales, les offres sont bien en deçà des attentes : moins de 15 % des budgets sous responsabilité britannique seraient dévolus, y compris le programme actuel d’aide à l’emploi, puis les éléments centraux du filet social, soit le crédit universel incluant les allocations de logement, les pensions et le salaire minimum, ne le seraient pas. L’Écosse obtiendrait toutefois une grande partie des responsabilités concernant la protection des consommateurs, un domaine cher au SNP.
Comme le Scotland Act 2012 et conformément à la « convention Sewel », le Scotland Bill tiré des recommandations de la Commission Smith sera soumis à une motion de consentement du Parlement écossais. Or, le SNP conservera sa majorité jusqu’en mai 2016 au moins et représente aujourd’hui l’opinion majoritaire en Écosse, favorable à hauteur de 70 % à la « dévo-max » qui avait été promise à demi-mot, soit à la dévolution fiscale complète, y compris les impôts des entreprises. En outre, le problème du contrôle des ressources pétrolières extracôtières, au coeur du nationalisme écossais depuis bientôt 50 ans, demeure entier. Non seulement pour les nationalistes mais pour les Écossais en général, l’application intégrale de ces recommandations sera donc la condition minimale d’un consentement. Même dans ce cas toutefois, le contrôle de 70 % des recettes fiscales réalisées en Écosse et de 85 % des budgets en matières sociales demeurera hors de portée. SNP, verts et socialistes, qui profiteront tous de la déchéance des travaillistes, ne se gêneront pas pour le rappeler aux Écossais en attendant une éventuelle prochaine fois.
L’APRÈS-RÉFÉRENDUM EN ÉCOSSE
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